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L’histoire d’une ferme ressuscitée : Les Gâtines rouges 

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Paysage agricole de la Beauce, Eure-et-Loir, France (48°20’ N, 1°22’ E). © Yann Arthus-Bertrand

Citadins devenus agriculteurs, Brenda et Philippe Paelinck ont décidé de changer radicalement le fonctionnement d’une exploitation reçue en donation. Ils ont ainsi transformé près de 80 hectares de monoculture, au sol ravagé par des années de labour et d’intrants chimiques en un paysage varié de céréales, de maraîchage, d’élevage mais aussi de bois, de haies et de prairies. Depuis cinq ans, leur sol revit, leur ferme a diversifié ses productions et ils constatent le retour de certains animaux disparus. Récit de ce retour à la terre et cette transformation réussie.

Lorsque Brenda et Philippe Paelinck deviennent propriétaires des Gâtines rouges en 2011, ils ne connaissent presque rien à l’agriculture. Cette exploitation, composée de 77 hectares de surface agricole et de 20 hectares de bois, est située à la limite de l’Eure et de l’Eure-et-Loir et leur vient d’une tante. Elle-même n’était pas agricultrice mais confiait ses terres à un voisin. Celui-ci exploitait alors les champs des Paelinck en monocultures de blé et d’orge.

Le couple se rend assez vite compte que le fonctionnement de la coopérative à laquelle il vend ses céréales est loin d’être transparent : impossible d’établir un lien entre les cours mondiaux et le prix d’achat qu’elle propose. Philippe, ingénieur en chimie qui a travaillé dans plusieurs entreprises avant de devenir consultant sur les questions liées au changement climatique, constate le peu de pouvoir dont il dispose. « On dit que l’agriculteur est chef d’exploitation, mais il n’a que très peu de contrôle sur le prix d’achat des intrants et encore moins sur le prix de vente de ses produits. La grille est totalement opaque ». Philippe prend conscience qu’il porte seul les risques liés aux variations des cours des céréales ou aux aléas climatiques : si tout va bien, il peut espérer quelques profits, dans le cas contraire, il subira les pertes (à ce sujet, voir notre article sur les prix du lait payé aux éleveurs).

Suite à un plan social chez son dernier employeur, il décide en 2015 de s’installer aux Gâtines rouges et d’en reprendre la gouvernance. Pour cela, il suit une formation et constate tout d’abord que son sol est en piteux état : le taux de carbone y est inférieur à 2 % alors qu’il devrait osciller entre 2 et 4 %. Cinquante ans de labours ont formé une « semelle », là où le soc de la charrue racle, toujours au même endroit. Cette zone de tassement est aussi dure que du béton. Au-dessus, dans les 40 cm de terre utile, les organismes vivants ont été détruits, année après année, notamment les vers de terre, laboureurs naturels dont l’habitat est saccagé. Philippe décide d’arrêter définitivement le labour et de passer à un mode de production bio. « Restaurer le sol nous prendra 10 à 15 ans. Déjà, après 5 ans, on constate 2 à 3 vers de terre au coup de pelle, contre 0 à 1 auparavant ». Grâce aux galeries que les vers créent, l’eau pourra à nouveau s’infiltrer et non plus ruisseler.

En 2016, l’exploitation compte non plus 2 mais 27 parcelles de maïs, blé, orge et légumineuses. Chacune couvre 2 à 3 hectares et elles sont séparées de bandes herbeuses diverses (trèfle, luzerne…). Des arbres fruitiers sont plantés, ainsi que 2,5 km de haies. À cette polyculture, les propriétaires associent l’élevage de brebis et d’agneaux.

Brenda et Philippe, comme tous les agriculteurs, travaillent beaucoup. Mais pour diversifier encore leurs activités, ils ont besoin d’aide. Le couple établit donc des partenariats. Il accueillera bientôt une suite bovins/ ovins/ poulailler mobile. Objectif : faire pâturer d’abord les ruminants qui broutent le gros, puis les moutons et enfin les poules qui se délectent des vers et répartissent les excréments, fertilisant le sol. Quelques semaines plus tard, l’herbe repousse. « On peut alors recommencer le cycle et on produit des œufs de grandes qualité ». Les Paelinck travaillent également avec un maraîcher qui cultive 1,4 ha. En quelques mois, il a dégagé 48 000 euros en valeur produite, soit bien plus que le blé seul ne rapporte à l’hectare. En diversifiant leurs activités et en installant des cultures à forte valeur ajoutée comme les lentilles ou le maraîchage, le couple espère bientôt dépasser le chiffre que son aïeule réalisait. Par la vente à la ferme et en circuits courts dans la région, Philippe se réapproprie les ventes. La boucle est bouclée : les Paelinck sont redevenus maîtres de leur entreprise.

En outre, la rotation et la variété des cultures ont apporté une biodiversité nouvelle aux Gâtines rouges. Des rapaces, des passereaux, des pinsons, des alouettes et des pies grièches ont fait leur retour. « Les chasseurs ont même aperçu des bécasses et le nombre de coqs faisans chanteurs a triplé », ajoute Philippe. Deux ans après la conversion, en 2017, une étudiante « wwoofeuse » (qui apporte son aide et se forme quelques semaines en échange du gîte et du couvert), a fait une étude sur les carabes, ces insectes à carapace rouge, verte ou noire. Elle en a trouvé 35 espèces aux Gâtines rouges, contre 2 seulement dans les champs alentour. Chez les Paelinck, les espèces carnivores trouvent en effet de quoi manger (aucun insecticide n’est déversé) et les bandes herbeuses constituent autant d’endroits pour créer des habitats.

On est loin de la morne plaine des débuts, déserte après les moissons, d’août à mars. Les Paelinck ont réussi à récréer un paysage, un écosystème humain et animal riche et respectueux, où la solidarité entre espèces profite à tous. Et où la gouvernance leur appartient.

Sophie Noucher

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3 commentaires

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    • anne

    Que du bonheur a lire votre article . bravo a ses personnes . Que cela servent de leçon comme ont dit . suivons leurs exemple !!!!!

    • Méryl Pinque

     » Ils ont ainsi transformé près de 80 hectares de monoculture, au sol ravagé par des années de labour et d’intrants chimiques en un paysage varié de céréales, de maraîchage, d’élevage mais aussi de bois, de haies et de prairies. »

    L’élevage-esclavage des personnes nonhumaines est en trop.
    Devenons végans pour les animaux.
    Devenons végans pour la planète.
    Devenons végans pour notre santé.

    • Vdp Martine

    Je viens de passer sur la départementale qui longe vos champs revenant d’une session sur les myxomycėtes nivicoles dans les Pyrénées. J’ai aperçu vos magnifiques bandes « Vive la biodiversite  » Après quelques recherches (merci Google) j’ai trouve cet article. Félicitations à vous et merci pour votre démarche.