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Philippe Cousteau, petit-fils du commandant, défend la création d’aires marines protégées en Antarctique

Antarctique

Phoques et pingouins sur la banquise - Terre Adélie - Antarctique (Pôle Sud) © Yann Arthus Bertrand

Philippe Cousteau, documentariste, océanographe et militant écologiste, est le fils de Philippe Cousteau, lui aussi océanographe et cinéaste, décédé dans un accident d’hydravion avant sa naissance et le petit-fils du célèbre commandant. Dans la lignée familiale, il lutte pour la protection de la biodiversité marine. Aux côtés d’autres célébrités de divers horizons, il défend le projet Antarctica 2020 qui vise à plaider pour la création de 4 millions de km² d’aires marines protégées (AMP) en Mer de Ross, en Antarctique, auprès des nations qui se réuniront au sein de la Commission pour la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR) en octobre. Entretien.

Pourquoi créer des aires marines protégées en Antarctique ? et renforcer le réseau déjà existant ?

Aujourd’hui, avec la création d’Aires Marines Protégées (AMP) en Antarctique, nous avons l’opportunité de rassembler la communauté internationale pour agir dans le bon sens, et ainsi faire face à la méfiance et aux conflits. L’Antarctique a longtemps été un symbole de coopération. La partie continentale a été protégée pendant des décennies, et depuis seulement quelques années, nous avons protégé des parties de la mer de Ross. En s’accordant pour créer ces AMP, la communauté internationale envoie un signal d’espoir dont l’humanité a besoin.

Les scientifiques ont été très contents du succès de ces premières aires marines protégées dans la région. Ils ont identifié d’ autres endroits en Antarctique qui sont particulièrement cruciaux pour la santé de l’écosystème. Nous voulons faire reconnaître ces zones comme AMP. Elles représentent 4 millions de km2, soit 1 % de l’océan. Si nous y parvenons, cela serait l’action de conservation la plus importante prise jusqu’alors.

Où en est le projet Antarctica 2020, visant à la création de ces aires marines protégées, que vous défendez ?

En octobre, la Commission pour la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR), composée de représentants de plusieurs pays à travers le monde entier, se réunira si tout se passe comme prévu. Notre projet est de plaider auprès de la Commission pour la mise à l’agenda de la création de ces aires protégées. Tous les membres soutiennent ce projet à l’exception de la Russie et de la Chine, qui ne se sont pas exprimées. C’est le 200e anniversaire de la découverte de l’Antarctique par un Russe, et c’est une opportunité de parvenir à quelque chose de manière conjointe, avec la communauté internationale. La Russie a des intérêts en termes de pêche dans la région, mais ce serait justement bénéfique pour la pêche de mettre en place ces zones.

Une fois les AMP établies, nous pourrons nous concentrer sur la manière d’encourager de meilleures pratiques afin que la pêche continue dans d’autres zones, voire aussi sur l’élimination de la pêche illégale…

Est-ce nécessaire que tous les pays se mettent d’accord pour prendre cette décision, et comment convaincre la Chine dans ce cas ?

Nous pensons que si la Russie reconnaît l’opportunité, la Chine soutiendra aussi la proposition. Il est peu probable que la Chine reste le seul pays à se poser en obstacle à la création des AMP. Et c’est aussi dans les intérêts de la Chine de rejoindre la communauté internationale sur ce point. En effet, il

y a beaucoup de tensions en ce moment et beaucoup de méfiance à l’encontre de la Chine, c’est donc une occasion de construire quelque chose de positif en commun.

Quelle est la situation de l’Antarctique aujourd’hui face au changement climatique ?

L’Antarctique est vraisemblablement l’un des écosystèmes les plus importants de la planète, avec l’Arctique. Les pôles régulent le climat, apportent des courants d’eau froide dans les océans et jusqu’à l’équateur. Cela aide à stabiliser le climat sur terre. Cela a une influence sur la météo, les précipitations, les récoltes…

L’Antarctique est aussi très important pour la santé des océans, car il crée une quantité très importante de nutriments qui permettent de nourrir toute la chaîne alimentaire. Or, l’Antarctique change plus rapidement que n’importe quel autre endroit sur la planète. Il y a eu une vague de chaleur cette année, avec plus de 20°C. La couche de glace fond plus vite que prévu.

Or, la survie de beaucoup d’espèces repose sur cette zone particulière où la glace rencontre l’océan. La fonte des glaces rompt l’équilibre entre l’eau fraiche venant des glaciers et l’eau de mer et change la salinité de l’eau, ce qui influe sur la survie de ces animaux. De même, le réchauffement de la température de l’eau entraîne la migration de certaines espèces.

Donc si nous pouvons mettre certains espaces naturels à l’abri, à travers les AMP, pour ne pas ajouter à ces phénomènes les effets des activités humaines sur ces écosystèmes, ils auront une meilleure chance de survie.

Comment les aires protégées participent-elles concrètement à la protection de la biodiversité ?

Dans l’océan, certaines aires en particulier présentent une forte densité en termes de biodiversité : ce sont celles-là qu’il est important de protéger. Si l’on protège les espèces présentes dans ces espaces, cela va, en ruissellement, bénéficier à d’autres espaces océaniques. Dans ces aires, l’exploitation des ressources et la pêche seraient interdites.

Quelles menaces les activités humaines font-elles peser sur la région ?

Il y a une forte activité de pêche autour de l’Antarctique, en particulier de krill. Cependant, cela pose problème car si ces activités continuent de se développer, elles pourraient détruire une partie des fonds marins. C’est pour cette raison qu’il faudrait interdire la pêche dans ces zones, et l’autoriser dans d’autres, plus appropriées.

Vous évoquez la pêche ; qu’en est-il en particulier de la baleine, protégée depuis une trentaine d’année ? Que pensez-vous des voix proposant de réintroduire la chasse à la baleine ?

Pour moi, la chasse à la baleine pour des raisons dites scientifiques est simplement une excuse pour continuer la pêche pour le commerce de baleine, au Japon. En réalité, il y a très peu de demande de produits issus de la baleine, et notamment de la part des populations jeunes qui ne veulent pas manger de baleine.

Il y a quelques intérêts privés qui s’attendent à ce que le gouvernement leur donne des subventions.

Tuer des baleines ne contribuera pas à garantir la soutenabilité des zones de pêche. De plus, du fait de la pollution des océans, du plomb et du mercure s’accumulent dans les tissus des animaux qui

vivent le plus longtemps, comme les baleines, les dauphins, les bélugas… Les manger serait donc de la folie.

Le fait de vous impliquer pour la protection de la biodiversité marine est-il pour vous une manière de rendre hommage à vos ascendants ?

Tout mon travail est un hommage à mon père, Philippe Cousteau, et à mon grand-père, le commandant Cousteau. C’est un héritage dont je suis très fier. Je sais qu’ils auraient soutenu les mêmes projets que je soutiens. Mon grand-père était très investi dans la mise en place de la protection du continent Antarctique, et ce projet en est la suite naturelle et logique. C’est un investissement familial qui se transmet et perdure dans le temps.

Propos recueillis par Adèle Tanguy

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