Une équipe de chercheurs a chiffré les émissions de carbone liées à la mort des poissons hors de l’eau. Un kilogramme de poisson capturé émet ainsi 460 grammes de CO2. Ce phénomène augmente de 25 % l’empreinte carbone de la pêche, dont une grande partie dépend du carburant utilisé par les chalutiers et autres bateaux.
« Lorsqu’un poisson est pêché, le carbone qu’il contient est en partie émis dans l’atmosphère sous forme de CO2 quelques jours ou semaines suivant sa capture et sa consommation », explique le chercheur Gaël Mariani, l’un des auteurs d’une étude internationale pilotée par des scientifiques du Centre pour la biodiversité marine, l’exploitation et la conservation de Montpellier. Ce phénomène, qui n’a jamais été pris en compte jusqu’ici dans les évaluations de l’impact carbone de la pêche, est loin d’être négligeable puisque les chercheurs considèrent qu’il augmenterait de plus de 25 % le bilan carbone du secteur.
L’étude, publiée dans Science Advances le 28 octobre dernier s’est penchée sur les « puits de carbone » jamais estimés que constituent les thons, requins, maquereaux ou espadons. « Il y a une dizaine d’années, la communauté scientifique a évoqué le flux de carbone vers les fonds marins que représentait la mort naturelle d’une baleine, par exemple, mais sans chiffrer ce flux. Nous avons pris le problème à l’envers en nous demandant ce que représentaient en émissions de carbone vers l’atmosphère tous les poissons pêchés qui ne vont donc pas couler suite à une mort naturelle », explique le professeur de biologie marine David Mouillot, l’un des auteurs de l’étude.
460 grammes de CO2 pour 1 kg de poisson
En effet, lorsqu’ils meurent de mort naturelle, les poissons coulent rapidement à de grandes profondeurs. La majeure partie du carbone qu’ils contiennent est alors séquestrée dans l’océan profond pendant des milliers voire des millions d’années. Ce phénomène est inversé par la pêche. « Le carbone sort de l’eau : c’est de l’ordre de 125 grammes de carbone pour 1 kg de poissons. Les 125 grammes de carbone deviennent alors 460 grammes de CO2, le ratio entre CO2 et carbone étant de 3,6 », précise David Mouillot. Et même les poissons rejetés à l’eau, ou ceux qui meurent sur les lignes, constituent un problème. « Ces animaux restent en surface : ils vont se décomposer et entrer dans le cycle du plancton ou bien être rapidement consommés par d’autres. Seule la mort naturelle permet au carbone d’être piégé au fond de l’océan et d’y être stocké pour des siècles, car le poisson coule. L’océan abrite d’ailleurs le plus gros stock de carbone du monde, avant la forêt amazonienne ».
Un bilan carbone de la filière à revoir à la hausse
Plus de 90 millions de tonnes de poissons sont pêchées chaque année, auxquels s’ajoutent plus de 70 millions de poissons élevés en aquaculture, d’après la FAO. L’Ademe a déjà chiffré les émissions de gaz à effet de serre liées à la pêche dans un bilan qui additionnait la consommation de fioul (500 litres/ tonne de poissons) et les émissions liées au conditionnement et à la chaîne du froid notamment. Elle arrivait alors à 1 900 kg d’équivalent CO2 par tonne de poissons.
Des pistes pour réduire l’empreinte carbone de la pêche
Pour les chercheurs, deux types de solutions peuvent être mises en œuvre. « Il faut d’une part cesser d’envoyer des bateaux dans des zones de pêches très éloignées des côtes. Nous estimons que 43,5 % de ce carbone extrait par la pêche provient de ces zones où pêcher signifie consommer énormément de carburant alors même que les prises de poissons ne sont pas rentables sans les subventions », explique Davis Mouillot. Pour le chercheur, il faut également cesser de tuer les gros animaux comme les requins, lesquels constituent d’énormes « pompes à carbone naturelles que nous avons quasiment annihilées ».
Sophie Noucher
5 commentaires
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Francis
Ces puits de carbone n’existent pas. Tout poisson non péché finit par être mangé par un animal plus gros que lui. Quand aux baleines et aux gros carnivores en haut de chaîne alimentaire, ce sont leurs cadavres qui sont mangés par les charognards, en particuliers les crabes.
Matthias Heilweck
L’étude précise qu’elle a pris comme postulat le fait que les gros poissons (L>30 cm) fusiformes (qui coulent plus vite) pêchés au haute-mer (là où le fond est suffisamment profond pour séquestrer le carbone pendant au moins des siècles) tombent au fond avant d’être consommés par d’autres organismes marins, s’ils ne sont pas pêchés par l’homme.
Un coefficient modérateur eut certes été judicieux à cet endroit pour éviter la critique facile.
Le plus intéressant est que la moitié du volume pêché en haute-mer ne serait pas rentable sans subventions étatiques et que ces dernières contribuent ainsi fortement à l’empreinte carbone de ces pêcheries en réduisant la masse de carbone assimilée par la biosphère marine, en réduisant la quantité de carbone pouvant migrer vers les profondeurs et en augmentant les rejets de carbone liés à la consommation excessive (et non rentable) de fuel.
Sur recommandation de l’ONU, l’OMC discute de l’opportunité d’interdire les subventions à la pêche depuis bientôt 20 ans !
Aquablog
Les pêcheries ciblées par l’étude concernent les grands pélagiques (et tout particulièrement le thon). La capture des ces grands pélagiques met en oeuvre des bateaux senneurs dont l’empreinte carbone est très très inférieure aux chalutiers… Vous avez quelques éléments d’analyse dans cet article https://aquaculture-aquablog.blogspot.com/2012/10/empreinte-carbone-ges-poisson-viande.html
Wibart
il est facile de nier les analyses sur la pollution; l’éviter nécessite un effort que peu sont capables de faire
Claude Courty
Les chercheurs négligent la cause fondamentale de leur constat, qu’est la croissance incessante du nombre de consommateurs de poisson que sont les humains.
Le syndrome de l’autruche
https://docs.google.com/document/d/1vuZJuHnNVPbl6ym0AEwES0bK9-ZJnklPTY3DmjKaHwU/edit