Elise Contraires, Université de Bordeaux
Cible incontestable de l’amoncellement des déchets et de la nécessaire transition écologique, le plastique fait pourtant partie intégrante de notre quotidien. Polystyrène, PVC, Téflon, on trouve des objets en plastique tout autour de nous, des couverts jetables à usage unique aux écrans de nos smartphones, en passant par nos vêtements de sport anti-transpirants.
En 2018, on a ainsi produit 359 millions de tonnes de plastique, contre 1,5 million en 1950. Depuis l’essor de ces matériaux légers et modulables à l’envi au milieu du XXe siècle, 9200 millions de tonnes ont été produites au total. Parmi ces quantités difficilement concevables, 40 % sont utilisées pour de l’emballage. Les fins sachets transparents de polypropylène ou les protections en polystyrène expansé dans les colis ont souvent une durée de vie très limitée et sont difficilement recyclables.
Or ces plastiques de grande diffusion sont fabriqués à partir de produits issus de ressources minières (gaz, charbon et pétrole) augmentant encore leur impact environnemental. Les plastiques conventionnels représentent 4 à 8 % de l’utilisation annuelle des ressources en pétrole.
Pour réduire l’empreinte écologique de ces plastiques, les bioplastiques se développent massivement, avec à leur tête le PLA (ou acide polylactique). À première vue, ils ont tout pour plaire : ils sont issus de ressources naturelles et renouvelables, leurs propriétés peuvent atteindre celles des polymères pétrosourcés et certains peuvent être recyclés ou compostés. Leur production intéresse donc les industriels de la plasturgie mais aussi les entreprises du secteur pétrolier, telles que Total.
Il convient pourtant de se montrer prudent devant les vertus annoncées de ces matériaux dits écologiques. En matière de disponibilités des ressources comme en matière de recyclage, les bioplastiques présentent encore des verrous importants qu’il est bon d’avoir à l’esprit.
Les bioplastiques, késako ?
Rappelons en premier lieu ce que l’on entend par plastiques et par bioplastiques. Les polymères thermoplastiques, plus simplement appelés plastiques, sont des matériaux organiques constitués de très grandes molécules essentiellement faites de carbone, d’hydrogène, d’oxygène, d’azote et de quelques autres composants comme le chlore ou le fluor. Les plastiques artificiels sont aujourd’hui obtenus à partir d’hydrocarbures (pétrole, gaz, charbon).
Les biopolymères ou bioplastiques sont eux, comme leur nom l’indique, issus de ressources naturelles, renouvelables et principalement agricoles. Il s’agit de polymères produits à partir d’amidon, de saccharose ou d’huiles végétales, produits dans lesquels on retrouve ces très grandes chaînes carbonées. Ainsi, le PLA (acide polylactique) est obtenu par la fermentation de saccharose ou par l’hydrolyse d’amidon. Citons également les gommes végétales comme l’alginate, qui permettent de préparer des bonbons, ou la sève de l’hévéa qui donne du caoutchouc naturel que l’on retrouve dans les pneus. Mais des plastiques plus conventionnels peuvent aussi être biosourcés. Ainsi le PET (poly-éthylène-téréphtalate) des bouteilles plastiques, peut contenir jusqu’à 30 % de composants d’origine végétale.
Malgré des matières premières très diversifiées, les bioplastiques restent encore à la marge dans la production mondiale puisqu’ils représentent environ 1 % de la masse totale de plastique produite. Parmi cette production, le PLA, développé à partir de 1950, représente un peu plus de 10 % et le bio-PET représente plus du quart (26 %).
Quelle disponibilité pour les agroressources ?
Les plastiques biosourcés représentent aujourd’hui une opportunité d’utiliser les sous-produits de l’agriculture, notamment de l’agriculture intensive. Mais cet approvisionnement pourrait présenter des inconvénients majeurs si la production venait à augmenter fortement.
Ainsi l’Atlas du plastique précise que la production d’une tonne de PLA exige 2,39 tonnes de maïs, 0,37 hectare de terre et 2 921 m3 d’eau. Cela signifie une utilisation massive de terres arables, des besoins en eau conséquents et le recours à des OGM pour la production à grande échelle de céréales ou de sucres. Même si le besoin énergétique est moindre pour le bioplastique que pour le plastique pétrosourcé, ces chiffres imposent une nécessaire réflexion vis-à-vis d’une production à très grande échelle. La question de l’usage de pesticides pour assurer des rendements agricoles entre aussi en jeu pour la production de ces… bioplastiques !
Biosourcé n’est pas biodégradable
On attribue souvent aux bioplastiques l’avantage d’être dégradable. Étant produit à partir de sucres, d’amidon, de cellulose ou même de gluten, il semble évident qu’ils sont en effet capables d’être détruits par des micro-organismes pour former du CO2, de l’eau et de la biomasse et créer ainsi un cercle vertueux. Or, parmi les bioplastiques produits aujourd’hui, moins de la moitié (44 %) sont réellement biodégradables en raison de leur nature chimique.
Le recyclage des bioplastiques biodégradables est quant à lui limité par plusieurs obstacles. Le premier est lié au système de gestion de nos déchets, les circuits de récupération des bioplastiques étant bien moins développés que ceux des plastiques courants utilisés dans les bouteilles d’eau ou de lessive fabriquées en polypropylène ou en PET. De nos jours, la récupération et l’identification de déchets en PLA pour le recyclage ou le compostage sont très peu mises en œuvre et ces déchets sont donc incinérés.
Pour que le PLA puisse être récupéré puis composté, des conditions industrielles sont requises. Il doit être chauffé à 60 °Celsius pendant plusieurs semaines pour donner du compost exploitable. Dans les faits, cela s’avère souvent trop coûteux pour les entreprises qui préfèrent le brûler. À l’inverse le compostage domestique du PLA est peu efficace et demeure donc marginal par rapport au compostage industriel.
Certains bioplastiques sont quant à eux biofragmentables, ou oxofragmentables, comme les sachets d’emballages compostables. Cela signifie que sous l’effet de la chaleur et de l’humidité, ils se décomposent en petits morceaux. Mais cela n’équivaut pas à un processus de biodégradabilité permettant de revenir aux molécules initiales. Les déchets sont plus petits, moins visibles mais toujours présents. Leur petite taille facile de plus leur migration dans l’environnement et ils continuent de polluer l’environnement, sans être vus. L’interdiction de ces plastiques oxofragmentables est d’ailleurs en cours.
En parallèle, les filières de recyclage des plastiques courants sont plus largement développées et permettent de recycler en France environ 23 % du plastique consommé, dont la majorité correspond au plastique des emballages.
Une autre limitation du recyclage de ces matières nouvelles tient au fait qu’il faut souvent leur ajouter des renforts pour atteindre une tenue mécanique équivalente aux plastiques conventionnels. Il devient alors encore plus difficile de séparer la part de matière recyclage des fibres ou particules et donc de donner une seconde vie à ces bioplastiques.
Les bioplastiques font partie des voies suivies par les acteurs du plastique pour réduire l’impact de ces matières sur l’environnement. Leurs avantages sont réels et il n’est pas nécessaire de leur tourner le dos.
Cessons donc de nous demander comment produire des plastiques moins dommageables pour la planète pour nous poser la question clé : comment réduire drastiquement notre consommation de plastique ? En cela, les interdictions de plus en plus nombreuses d’articles à usage unique en France, comme en Europe, sont indispensables.
Elise Contraires, Maîtresse de conférences en science des matériaux, École centrale de Lyon, CNRS, Université de Bordeaux
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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