Une proposition de loi envisage de protéger les sons et odeurs des campagnes françaises. La préservation du patrimoine sensoriel en dit long sur notre rapport à la nature et à la ruralité. Dans ce billet d’humeur, Creezy Courtoy, Présidente d’International Perfume Foundation, s’interroge sur la finalité de ce texte de loi et sa portée réelle.
Un texte de loi pour répertorier et préserver le patrimoine sensoriel
Jeudi 21 janvier 2021, le Sénat a examiné en séance publique une proposition de loi visant à définir et protéger le « patrimoine sensoriel des campagnes françaises ».
Cette proposition de loi est née de la volonté de mieux protéger les « sons et odeurs des campagnes françaises » contre les actions en reconnaissance d’un trouble anormal de voisinage.
Largement remanié par l’Assemblée nationale en première lecture, le texte transmis au Sénat :
– précise explicitement dans le code de l’environnement que les sons et odeurs caractérisant les espaces naturels font partie du patrimoine commun de la nation (art.1er) ;
– confie aux services régionaux de l’inventaire général du patrimoine culturel le soin d’étudier et de qualifier l’identité culturelle des territoires, par la réalisation d’inventaires contribuant à la connaissance des patrimoines immobilier et mobilier conservés ;
– demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport examinant la possibilité d’introduire dans le code civil le principe de la responsabilité de celui qui cause à autrui un trouble anormal de voisinage, en étudiant les critères d’appréciation du caractère anormal de ce trouble, notamment la possibilité de tenir compte de l’environnement.
En séance, les sénateurs ont définitivement adopté la proposition de loi.
Cette loi devrait être complétée par les « services régionaux de l’inventaire des territoires » qui devront dresser une carte d’identité du patrimoine non matériel des territoires ruraux. Ils avaient déjà la tâche du patrimoine matériel, ce qui engendrera des coûts humains et financiers très importants.
Une loi pour préserver les sons et odeurs, dans quel but ?
Ce travail de répertorier les bruits et les sons de chaque village est intéressant, mais c’est aussi l’éducation qui doit changer. L’identification des senteurs et bruits des terroirs pour les préserver n’a de sens que si les habitants ont conscience que ces éléments font partie intégrante de leur environnement direct. N’était-ce pas ce que l’on apprenait aux enfants dans des livres à interactions sonores ou olfactives ? La différence entre le vivre en ville et le vivre à la campagne est une chose tellement évidente. Mais cela ne semble pas l’être pour tout le monde comme l’a montrée la multiplication des recours et des plaintes pour nuisances émis par des gens venus s’installer à la campagne. La campagne diffère de la ville, car ce n’est pas un milieu totalement artificialisé ou aseptisé.
Dans quel monde vivons-nous ? Avons-nous oublié les bruits, les sons et les odeurs de la campagne ? Ou alors ne les connaissons-nous pas, voire n’avons-nous même pas l’idée qu’ils existent ?
Qui sait que les canards cancanent et que les grenouilles coassent dans les mares dès l’aube et même durant la nuit ?
Les chouettes hululent et les hiboux bouboulent sans retenue et sans se soucier de nos fragiles oreilles de citadins.
Les cultivateurs se lèvent dès 5 heures pour profiter de la lumière du jour et leurs tracteurs font un peu de bruit en passant près de chez vous, mais vous avez déjà été réveillés par la satanée cloche de l’église qui a tinté 5 coups ou par le coq du voisin que vous allez apprendre à détester.
Bientôt, le soleil va réchauffer la terre et, dès 8 heures, les cigales vont se mettre à chanter sans retenue.
Si vous êtes près d’un pâturage, il y a des chances que les clochettes des brebis ou des vaches vous ennuient dès l’aube et tout le long de la journée.
Quant aux odeurs de crottin ou d’étables, vous ne pourrez y échapper si vous êtes près d’une ferme ou d’une bergerie. Idem pour les odeurs d’engrais qui fertilisent les champs.
Nos députés ne verront là aucun trouble anormal de voisinage car ils sont pour la plupart issus de la campagne. Les odeurs de la nature et les bruits de la vie, ils les connaissent bien.
Pourtant devant les plaintes et les recours administratifs de plus en plus nombreux contre les soi-disant troubles, il est devenu nécessaire de référencer les sons et les odeurs particuliers des campagnes françaises.
C’est un état de notre patrimoine sensoriel.
C’est ainsi qu’on va établir une cartographie pour des sons et des odeurs « tolérables » et par là, ceux qui ne le sont pas. Des acteurs locaux vont enregistrer les décibels émis par le coq, par la cloche de l’église, par la moissonneuse ou pas la scie du bucheron.
D’autres vont recueillir dans des fioles des échantillons de crottin ou de bouse de vache et les analyser pour en faire une référence « d’odeur acceptable » en cas de plainte pour « gène inhérente à la vie en territoire rural » ou des extraits de foin ou de luzerne (on sait bien à quel point la senteur d’herbe ou de foin coupé peut être désagréable).
Tout cela sera mis dans une base de données afin de statuer sur les recours des citadins incommodés par le chant des oiseaux et l’odeur de la lavande.
Dans quel monde vit-on ? Va-t-on faire la même chose pour les sons et les odeurs dans les villes ?
Creezy Courtoy
Présidente d’International Perfume Foundation
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5 commentaires
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michel CERF
Excellent article , rien à ajouter , sauf pour la lavande , ce n’est pas une odeur c’est un parfum !!
Bousquet
Et vous ? Vous allez référencer ? Ce n’est même pas la peine que vous commenciez! Ils auront eu raison de votre tentative de justification. Ces abrutis de citadins n’ont qu’à retourner dans leur 2/3 pièces en ville. A respirer leur pollution automobile ou autres ….. Ils ont les oreilles sensibles? Avec le tintamarre que font les sirènes de Police , de pompiers, d’ambulanciers et autres (au service de ce genre d’abrutis et qu’ils sont bien contents de trouver s’ils se choppent une affection quelconque. Car, en plus tout leur est dû! Ces gens ne méritent même pas le dédain qu’on pourrait leur porter. Ils sont bien trop insignifiants. Et ? Demander leur d’où viennent le pain (qu’ils ne respectent même pas; même si le boulanger se lève à 4 heures du mat’ pour qu’ils le trouvent tout chaud.) ou le steack dont ils vont se goberger (issu d’animaux qui puent et font du bruit). La disparition de ces énergumènes ferait un bien fou à la planète. Seulement, on ne se trouve pas dans une fiction….
Dany
Il est enfin temps que les citadins qui sortent de la ville, tiennent compte que la campagne n’est pas un parc d’attraction, mais un lieu de vie qui les nourrit.
Henri DIDELLE
PAUVRES ENFANTS: Ils ne connaîtront ni le silence, ni le noir, ni l’air pur…
Pour ne parler que du son, j’enrage contre tous ces petits moteurs très bruyants (tondeuses, souffleurs…) qui envahissent notre espace surtout les week-end.
Un seul exemple: Aujourd’hui on s’acharne à vouloir souffler les feuilles mouillées pendant des heures alors qu’il faudrait d’abord utiliser un râteau (si, si ça existe…) pour enlever le plus gros et finir au souffleur lorsque ce sera sec. De plus il existe des souffleurs avec batterie qui ne font pratiquement aucun bruit…. Cela veut simplement dire que des solutions existent… mais cela demande de changer nos habitudes !!!!
Bousquet
Creezy Courtois n’a jamais mis un pied dans un village! Trop sale, sans doute pour ses parfums délicats.