En France, les scandales liés aux conditions d’abattage des animaux ont suscité l’indignation tant dans l’opinion que chez les éleveurs. Face à ce constat, l’éleveuse Émilie Jeannin travaille depuis plus de 4 ans pour créer le premier abattoir mobile de France dans sa région, la Bourgogne. « L’abattoir mobile est en construction depuis fin décembre et devrait arriver fin mai », précise la jeune femme qui a eu cette idée après un voyage en Suède en 2016. Elle y a découvert ce moyen de pratiquer l’abatage à la ferme. L’abattoir mobile comportera 3 camions équipés de remorques dont chacune aura une fonction spécifique : « l’une sera pour les abatteurs avec des vestiaires, un bureau, des douches et des sanitaires et , une autre pour les déchets et les eaux usées, et enfin la dernière sera dédiée à l’abattage avec une partie qui se soulève pour disposer de la hauteur suffisante pour accueillir certaines bêtes et contiendra les équipements d’un abattoir, enfin une remorque frigorifique servira au transport de la viande »
L’entreprise le Bœuf éthique comptera 11 collaborateurs dont 5 chauffeurs abatteurs. Elle proposera aux éleveurs avec qui elle travaillera une charte. L’entreprise leur achètera la viande qu’elle revendra ensuite sous la marque Bœuf éthique à des tarifs proches de ceux de la viande bovine bio. Son ambition est de garantir à ses clients une viande élevée en plein-air, avec une nourriture produite sur place et abattue dans de bonnes conditions. Émilie Jeannin explique ses motivations : « il y a de moins en moins d’abattoirs en France, on est obligé de faire des distances de plus en plus grandes. Même si je n’ai jamais eu à me plaindre de l’abattoir avec lequel je travaille depuis 15 ans, avec la diffusion des vidéos choc le doute s’est installé dans les esprits, qu’on soit consommateur ou éleveur. L’abattoir est un nouveau lieu dans lequel on amène nos animaux et où les choses ne se passent pas en toute transparence. Les mauvais traitements sont restés dans nos mémoires et on ne veut plus voir ça. » Elle insiste sur le fait qu’abattre à la ferme permet aux animaux d’éviter le transport, aux éleveurs d’accompagner les bêtes et de savoir ce qui se passe lors de la mise à mort qui a lieu après étourdissement. « Les vidéos chocs ont permis de porter le sujet. Dénoncer, c’est bien. Ensuite, il faut proposer des changements. Et, c’est à partir de là que nos points de vue divergent avec les associations comme L214 puisque nous proposons des changements qui vont au-delà d’arrêter de manger des animaux. Ce n’est pas viable, ni réaliste. »
Émilie Jeannin élève, avec son frère, 240 vaches charolaises en Bourgogne. Elle veut produire de la qualité plutôt que de la quantité. Son projet suscite des attentes et interrogations sur sa reproductibilité, la manière dont les contrôles sanitaires seront opérés et la manière dont les contraintes propres aux abattoirs qui sont des ICPE (Installations Classées pour la Protection de l’Environnement) seront prises en compte. Elle raconte que la levée des fonds, 1,8 millions d’euros, a constitué une des étapes les plus difficiles. Aller voir les banques pour leur proposer un projet d’abattoir n’était pas « glamour » surtout que quand le sujet est abordé dans les médias, c’est souvent pour parler de « fermeture ou de maltraitance », reconnaît-elle. Elle met aussi en avant le fait que l’abattoir mobile doit également réduire les consommations d’eau et permettre une meilleure gestion des déchets par rapport à un abattoir traditionnel : « la différence est principalement due à la surface à nettoyer qui fait qu’on n’a pas la même consommation d’eau. Quand on est sur des hangars de 5000 m² à nettoyer trois fois par jour avec de l’eau chaude et des détergents, ça crée d’importants volumes de déchets alors que par jour, nous allons consommer 3 mètres cube d’eau. »
Du côté des opposants à l’élevage, l’idée séduit moins. « Les abattoirs mobiles ou l’abattage à la ferme ne sont pas forcément une avancée : même si on évite aux animaux le stress des transports et d’un lieu inconnu froid et métallique, on prend aussi le risque d’encore moins de contrôles. Quand on voit les difficultés à faire appliquer la réglementation dans les abattoirs malgré la présence permanente des services vétérinaires, ça soulève bien des questions auxquelles ni la loi sur les abattoirs mobiles, ni le décret d’application ne répondent », estime Brigitte Gothière de L214, association qui dénonce régulièrement, vidéo à l’appui, les conditions dans les abattoirs et les élevages. « D’autre part, les abattoirs mobiles ne concernent qu’un nombre réduit d’animaux. On tue plus de 3 millions d’animaux par jour : l’abattoir mobile ne peut pas être une solution de remplacement à l’abattage des animaux par milliers dans les abattoirs. Ces abattages à la ferme risquent également de véhiculer une image d’Epinal supplémentaire : les éleveurs mettent en avant les vaches dans les prés, elles occultent les réalités vécues par les 80% des animaux dans les élevages intensifs. »
« Notre idée n’est pas de faire des abattoirs dans lesquels on tourne en volume », explique Émilie Jeannin. Son objectif est d’abattre 12 animaux par jour, même s’il serait possible d’en faire plus ou de répliquer le modèle, selon ses dires. « Ma volonté n’est pas d’amener l’abattoir mobile aux élevages industriels, qui, selon moi, n’ont aucune raison d’être. »
La jeune éleveuse Emilie Jeannin souhaite en effet défendre un élevage vertueux ancré dans le territoire. Elle rejette le modèle de l’élevage intensif. Elle explique : « Nous habitons une région très tournée vers l’élevage. Dans notre région, comme en montagne, cette activité joue un rôle important pour maintenir une activité économique et le paysage. En effet, seuls les herbivores peuvent valoriser la ressource fourragère. »
Julien Leprovost
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6 commentaires
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michel CERF
Une façon de se donner bonne conscience ?….
Maurice Chaumien
S i les abattoirs mobiles respectent les animaux et permettent de réduire la consommation de viande; pourquoi pas
Frédéric Pulcini
un abattoir reste un abattoir, mangez du végétal pour stopper la souffrance animale et préserve la planète.
Méryl Pinque
Regardez-moi ce monstre, oser regarder ses victimes dans les yeux, comme si elle leur portait la moindre attention…
L’amour vache, c’est quand on tue ce qu’on prétend aimer.
Les animaux nonhumains sont des êtres doués de sentience. Par conséquent, ils appartiennent à la communauté morale et possèdent des droits fondamentaux que nous leur nions arbitrairement.
Quand on respecte autrui, on ne le tue pas, on ne le mange pas. Point barre.
Un abattoir reste un abattoir, autrement dit une abomination.
Tuer un animal à la ferme, c’est l’équivalent de conduire les juifs avec de la musique classique sous les douches de Zyklon B.
Nathalie
du grand n’importe quoi ! qui ira vérifier que les animaux ne sont pas battus ou égorgés à vif ? Qui nous fera croire que la mort peut être douce pour celui qui veut vivre ? Il n’y a que des charognards pour être assez cons de croire que c’est possible.
Frédéric Pulcini
grgrgr! quand est ce que l’homme pensera autrement qu’avec son porte monnaie? le végétal apporte pleins de choses et l’élevage doit s’arrêter pour plus de souffrance et pour la planète.