Une décennie après la fusion des cœurs de trois réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi qui a provoqué la catastrophe nucléaire civile la plus importante de l’histoire du Japon, différentes organisations reviennent sur le bilan de celle-ci. Quelques mois après l’accident, la Tokyo Electric Power Company (TEPCO) avait annoncé que le démantèlement du site serait achevé dans un délai de 30 à 40 ans, une estimation qui parait surréaliste pour certaines ONG écologistes comme Greenpeace.
Dans différents rapports, Greenpeace East Asia explique que les zones concernées par un plan de décontamination seraient toujours largement contaminées et met en évidence l’irréalisme de l’approche du gouvernement. « Pendant que nous menions notre enquête, les Japonais nous ont dit que la décontamination au sein de la zone spéciale était terminée » ; explique Shaun Burnie, de Greenpeace East Asia et expert du nucléaire, « c’est un récit qui a été communiqué de manière assez claire au peuple japonais et aux médias. Mais nous avons fait des mesures sur le terrain et examiné les données officielles du Ministère de l’environnement et avons constaté qu’en fait, seul un petit pourcentage de ces zones avait été décontaminé et 85 % contenaient toujours du Césium 137, un élément radioactif ».
« Le gouvernement communique de cette manière pour faire valoir que les habitants devraient rentrer chez eux, que la zone est sûre et que grâce à la technologie et à un travail acharné, la zone autour de Fukushima peut revenir à la situation d’avant l’accident d’ici 30 à 40 ans. Mais ce n’est pas le cas. » continue Shaun Burnie. En s’appuyant sur les travaux de Satoshi Sato, ingénieur consultant spécialement commissionné pour le rapport, GreenPeace East Asia appelle à une nouvelle approche qui reconnaisse l’ampleur de la catastrophe et des contaminations par le nucléaire, et soit orientée sur le temps long.
Des risques et complications pour la population japonaise
Yuki Takahata, du réseau de ressortissants japonais Yosomono-net, insiste quant à elle sur les conséquences durables des prises de décision du gouvernement sur les populations japonaises. « Après l’accident, le gouvernement n’a pas mis en place un suivi sérieux de la santé des populations, décidant à l’avance d’un scénario de contamination minime. Le dépistage du cancer de la thyroïde auprès des enfants est la seule enquête périodique effectuée. Les rejets radioactifs ont contaminé la région du Nord-Est du Japon, bien au-delà du département de Fukushima, mais le gouvernement a limité l’examen échographique de la thyroïde aux habitants de Fukushima âgés de moins de 18 ans au moment de l’accident. » Les résultats de ces examens effectués tous les 2 ans depuis octobre 2012 chez les moins de 20 ans montreraient une multiplication des cas de cancer de la thyroïde.
« En outre, les autorités insistent pour faire revenir les habitant et lèvent les unes après les autres les directives d’évacuation. » insiste Yuki Takahata. « Maintenant, seule une petite partie du territoire reste interdite, alors que les sols restent durablement contaminés. Avec la suppression des aides au logement par le gouvernement fin mars 2017, certains réfugiés ont donc été contraints de revenir dans leurs communes d’origines. »
Louise Thiers
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