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Quel type d’allié seront les Etats-Unis pour le climat ?


Champs de prétrole près de Bakersfield, Californie, Etats Unis

Dès sa prise de pouvoir, Joe Biden a mis en avant des ambitions fortes pour l’action climatique : retour immédiat dans l’Accord de Paris assorti d’un objectif d’émissions de gaz à effet de serre nulles d’ici à 2050, plan d’investissements de 2000 milliards de dollars pour le climat… Dans cette optique, le Président des Etats-Unis a annoncé la tenue d’un sommet virtuel sur le climat le 22 avril, qui se tiendra sur deux jours et où 40 chefs d’Etat seront présents. L’évènement est crucial, d’une part parce qu’il précède de quelques mois la COP26, d’autre part parce que Joe Biden a prévu de dévoiler des détails de sa stratégie pour le climat à ce moment-là.

Acquérir la place de leader du climat

Joe Biden compte bien faire des Etats-Unis les champions de la lutte contre le changement climatique. Le sommet du 22 avril se tiendra à l’occasion de la Journée de la Terre et 5 années jour pour jour après l’ouverture de la ratification de l’Accord de Paris, mais sa portée dépasse largement l’aspect symbolique. « C’est très important car c’était une promesse de Biden pendant sa campagne. Les Etats-Unis cherchent par ce sommet à revenir sur la scène climatique, où ils ont joué un rôle très important au moment de l’accord de Paris » explique Alexandra Deprez, chercheuse sur la gouvernance internationale du climat à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Une manière de rompre avec la politique de son prédécesseur Donald Trump. « Nous constatons un changement de dispositif avec l’administration Biden. Il y a déjà quelques jalons importants fixés : des objectifs ambitieux, du mouvement dans le secteur des transports…. Afin de regagner la confiance qui a été perdue sur l’administration Trump. » ajoute Jamal Srouji, associé au World Resources Institute. Un sondage mené après l’élection de Joe Biden par l’Université de Yale avait en effet montré qu’une majorité des électeurs soutenait des politiques visant la réduction des émissions de gaz à effet de serre, républicains et démocrates confondus.

Pousser les ambitions des autres pays

Mais le sommet ne sera pas seulement l’occasion de redorer le blason des Etats-Unis quant aux politiques climatiques. « Ce sera un moment pour donner la température des prochains événements. Les Etats-Unis ont un rôle à jouer dans l’ambition climatique d’autres pays tels que le Canada ou le Japon pour catalyser cette transition énergétique » explique Alexandra Deprez. « Avec la pandémie, tout le calendrier des relations internationales sur le climat a été très chamboulé. La COP26, qui devait avoir lieu en décembre, l’année dernière, à Glasgow, et qui a été reportée à novembre 2021, est la cinquième COP après l’engagement des pays dans l’Accord de Paris. Ce sommet est donc un moment public où les pays se mettent la pression entre eux, avant la réunion du G7 puis la COP26. » D’autant plus que l’Accord de Paris fonctionne sur un cycle précis : les pays doivent resoumettre des plans d’action climatique (les Contributions déterminées au niveau national ou NDC) de plus en plus ambitieux tous les 5 ans. John Kerry avait annoncé lors de sa visite en France que les Etats-Unis dévoileraient leur NDC le 22 avril.

Quelles priorités pour l’action climatique ?

Pour retrouver une place de leader sur la scène climatique internationale, les Etats-Unis doivent montrer l’exemple sur leur propre territoire. Les plus sceptiques craignent la puissance du lobby pétrolier aux Etats-Unis dans la définition de la stratégie nationale. Jamal Srouji voit plutôt un espoir et une opportunité de ce côté-là. « Il est très clair que la transition vers des sources d’énergie plus propres est nécessaire, mais qu’elle est aussi très avantageuse pour l’économie américaine : elle va créer des emplois, stimuler l’économie, augmenter la croissance du PIB… Nous voyons beaucoup de signaux qui incitent le lobby pétrolier à reconsidérer ces questions. Le changement qui se produit aux Etats-Unis est suffisamment important pour que le lobby pétrolier saute dessus et se diversifie. » Le lobby American Petroleum Institute avait notamment exprimé son soutien fin mars à l’instauration d’un prix pour le carbone, alors que Joe Biden annonçait quelques mois plus tôt suspendre les forages de pétroles et de gaz sur les terres fédérales, éliminer les subventions aux énergies fossiles et donner priorité au secteur des énergies renouvelables. L’abandon progressif des énergies fossiles sera donc assurément un point d’ancrage fort pour Biden le 22 avril.

D’autre part, l’innovation technologique est l’un des sujets à l’agenda du sommet. Mais Alexandra Deprez émet quelques réserves à propos de celle-ci. « Pour atteindre la neutralité carbone, le plus urgent est d’éliminer les énergies fossiles et qu’une transition ambitieuse s’effectue dans chaque secteur économique. Mais c’est un peu irréaliste de recourir de manière très forte à certaines technologies. » Elle mentionne par exemple les technologies de captage-stockage de CO2, mises en avant par de nombreuses industries gazières et pétrolières mais questionnées par d’autres, du fait de leur efficacité. « On a déjà toutes les technologies dont on a besoin pour réduire nos émissions de façon ambitieuse, ce qui manque c’est le désir politique de le faire. C’est un sujet qui devient de plus en plus important dans les discussions climatiques. Les Etats-Unis notamment sont très technophiles, avec l’idée que c’est la technologie qui va nous sauver, qu’on a besoin de faire moins d’efforts, notamment dans les changements de nos modes de vie, d’alimentation, etc. » Ainsi, Bill Gates vient de sortir son livre « Climat : comment éviter un désastre », dans lequel il mise à la fois sur la technologie et les changements de comportements pour faire face au réchauffement climatique.

Lier climat et biodiversité

Pour la chercheuse Alexandra Deprez, l’important serait de mieux reconnaître les liens entre biodiversité et climat pour être réellement efficace dans l’action climatique et éviter le risque technologique. « C’est essentiel de lier les sujets climat et biodiversité. Aujourd’hui, on ne prend pas assez en compte les différentes manières d’arriver à la neutralité carbone en 2050. Si on ne réduit pas nos émissions de manière assez ambitieuse maintenant, on va devoir recourir à des soi-disant solutions dans les prochaines décennies qui auront des impacts très négatifs sur la biodiversité, comme la bioénergie ou la captation de carbone. Depuis le Sommet de la Terre de Rio de Janeiro de 1992, les sujets climat et biodiversité ont été traités de façon plutôt distincte. C’est important pour avancer, mais on a atteint un point où on doit vraiment regarder ces choses ensemble, car elles s’impactent et on est aux limites de la capacité de la terre. » Reste donc à voir le 22 avril si le plan d’action de Joe Biden sera à la hauteur des enjeux et de ses ambitions de leader sur la scène climatique.

Louise Thiers

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3 commentaires

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    • Jean Grossmann

    C’est grâce à la toile et à un logiciel tel que « meet » qui envahit régulierement l’écran de mon portable que le nouveau président américain va, dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, tenter de négocier avec les 17 pays responsables d’environ 80% des émissions globales de gaz à effet de serre et du Produit Intérieur Brut mondial.

    Bien que la Chine et la Russie sois plutôt des adversaires économiques des USA, le
    nouveau président affirme courageusement vouloir coopérer avec eux pour faire face au défis climatique. Faut-il rappeler que John Kerry porte-parole les USA en ce qui concerne le climat estime que même si nous faisions tout ce que nous avons promis de faire lors des accords de Paris, il y a 5 ans, la température de la Terre grimperait » quand même d’environ 3,7 degrés….

    Les principales nations mise en jeu et leurs représentants, à savoir

    – ses homologues chinois Xi Jinping
    – et russe Vladimir Poutine.
    – côté européen, le président français Emmanuel Macron, la chancelière allemande Angela Merkel,
    – le Premier ministre britannique Boris Johnson.
    – le Premier ministre indien Narendra Modi,
    – le chef du gouvernement israélien Benjamin Netanyahu,
    – le président Turc Erdogan
    – le Brésilien Jair Bolsonaro
    ont été invités.

    Il faut savoir que les pays ayant souscrient aux accords de Paris doivent resoumettre leur plan d’action climatique (les NDC)
    Ce que les Etats-Unis vont faire le 22 avril

    « le temps qui passe » nous rappelle qu’il y a urgence voir

    http://www.infoenergie.eu/riv+ener/Le%20temps%20qui%20passe.pdf

    le lutin thermique que je suis espère que l’Europe représenté principalement par l’Allemagne et la France parviendra à collaborer avec les USA en allant dans le sens de la « Solar Water Economy »

    • Guy J.J.P. Lafond

    5AVRIL2021
    Merci pour cette mise à jour.
    Nous saluons la détermination du nouveau président américain Joe Biden et la très bonne collaboration de ses ministres et secrétaires d’État pour afficher les premiers leurs Contributions au niveau national (NDC) en préparation pour la tenue du COP26 en novembre 2021.
    Cinq précieuses années se sont écoulées depuis la COP21. Tous les pays participants doivent maintenant faire état de leurs efforts nationaux. Bien!
    J’ai très hâte de voir comment le génie humain et toutes les nouvelles technologies de captage du CO2 peuvent faire une différence.
    Par contre, je ne sous-estimerais pas la détermination des jeunes générations dans ce bras de fer avec la pollution atmosphérique. Ils (elles) font partie de la solution bien plus qu’on ne pense. Leurs comportements peuvent changer complètement l’économie globale de la planète. Par exemple, s’ils décident d’acheter plus de vélos et de trottinettes pour se déplacer dans tous les grands centres urbains de la planète, les empreintes GES nationales pourraient diminuer considérablement. L’industrie de l’automobile serait-t-elle menacée? Probablement. Et hélas, c’est la vie! De toute façon, il y a bien trop de véhicules polluants individuels sur notre planète. C’en est devenu une honte et aussi un spectacle désolant pour nos yeux.

    Je ne sous-estimerais pas non plus la puissance tranquille de la Nature. Si nous faisons davantage d’efforts pour protéger nos forêts, elles continueront d’absorber le trop plein de CO2 dans l’atmosphère, et elles continueront de croitre pour nous donner de l’ombre, de la fraicheur, des fruits et enfin du bois afin de construire avec intelligence et retenu des abris contre le froid, contre la pluie.
    Et heureusement, les guerres ne font plus partie de l’équation. Tout détruire pour ensuite tout reconstruire demande en effet beaucoup de nouvelles ressources naturelles. Où les trouverions-nous aujourd’hui, ces matériaux? Sur la lune, sur Mars? Bonne chance!

    Avec les prochains COP, il s’agira pour nous les humains de comprendre encore mieux notre MAISON en faisant preuve de plus d’humilité et de retenue dans nos dangereuses ambitions nationales et parfois excessives.

    @GuyLafond @FamilleLafond
    À nos vélos, à nos espadrilles de course, à nos équipements de plein air! Car le temps file.

    • Jean Grossmann

    Dans la pratique et dans un premier temps il suffit d’arrêter le gâchis actuel

    http://www.infoenergie.eu/riv+ener/Sources%20potentielles.htm