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Rencontre avec Raphaël Seguin, jeune scientifique qui utilise la technique de l’ADN environnemental pour recenser les espèces marines


©Raphaël Seguin

Jeune scientifique passionné et connecté, Raphaël Seguin aime parler de l’océan. Chercheur en biologie marine en alternance au laboratoire Marbec de l’université de Montpellier, il se lance dans la vulgarisation sur les réseaux sociaux. En parallèle de son master d’écologie, il a participé à plusieurs missions de recensement d’espèces pour Macobios en Martinique et à Majorque grâce à la technique de l’ADN environnemental. Macobios est un projet européen dont l’objectif est de proposer des politiques concrètes de relatives aux écosystèmes côtiers (herbiers, mangroves, coraux). Raphaël Seguin, que vous pouvez aussi suivre sur Instagram, explique dans cet entretien les apports de l’ADN environnemental dans la connaissance des écosystèmes marins, l’influence qu’a le réchauffement climatique sur les écosystèmes, l’évolution des écosystèmes face à ces changements et les relations que les humains entretiennent avec ces écosystèmes.

©Raphaël Seguin

Qu’est-ce que l’ADN environnemental ?

La technique de l’ADN environnemental consiste à simplement récupérer des morceaux d’ADN dans l’environnement grâce à une pompe à ADN filtrante. L’ADN est conservé dans les filtres puis envoyé au laboratoire Spygen pour le séquençage. Grâce à cette technique, on peut connaître la majorité des espèces présentes dans le milieu.

Pompe à ADN ©Raphaël Seguin

« C’est aujourd’hui l’une des meilleures techniques pour avoir une idée non-discriminatoire et complète de la biodiversité d’un milieu. »

Pourquoi l’ADN environnemental est-il important ?

C’est aujourd’hui l’une des meilleures techniques pour avoir une idée non-discriminatoire et complète de la biodiversité d’un milieu. Les autres techniques comme le micro (l’hydroacoustique) ou la vidéo ont des limites puisque ces 2 outils restent dans l’eau un temps limité, que certaines espèces ne produisent pas de son ou que d’autres s’enfouissent dans les fonds ou dans les rochers. Toutes les espèces ne sont donc pas détectables avec ces méthodes. Néanmoins en alliant ces trois techniques il est possible d’obtenir des résultats les plus précis possibles

Grâce à la technique de l’ADN environnemental, en forêt brésilienne, des chercheurs ont trouvé des traces d’une grenouille (Magaelosia bocainensis) que l’on pensait éteinte depuis 50 ans.

Néanmoins elle ne se suffit pas à elle-même puisqu’il n’est pas encore possible de déterminer grâce à l’ADN seul le sexe-ratio d’une espèce dans un milieu ni son nombre d’individus.

Pouvez-vous expliquer rapidement les enjeux des deux missions que vous avez faites ?

Il y a trois missions prévues pour le moment dans le projet Macobios. Les deux premières auxquelles j’ai participé étaient à la Martinique et à Majorque. La troisième sera en septembre à Bonaire dans les Antilles, qui portera sur les récifs coralliens, les herbiers et les mangroves. La mission en Martinique concernait les récifs coralliens et les herbiers avec l’utilisation à 100 % de l’ADN environnemental. La mission à Majorque se passait sur des lits d’algues rouges calcaires, Maërl, qui sont un habitat pour beaucoup d’invertébrés et de poissons cryptiques, par exemple les gobies ou les blennies. Lors de cette mission, nous avons multiplié les techniques puisque nous avons utilisé l’ADN environnemental mais également l’hydroacoustique et la vidéo. Ce sont trois techniques complémentaires puisque l’ADN environnemental ne se suffit souvent pas à lui-même. On utilisera également ces trois techniques à Bonaire.

Quel est l’objectif de ces missions ?

L’objectif est de recenser les espèces présentes dans l’écosystème afin d’étudier l’impact des changements climatiques sur elles et d’étudier la biodiversité de chacun de ces écosystèmes.

La mission à Majorque est un bon exemple puisqu’il y avait beaucoup de chalutage donc les fonds marins ont été grandement détruits. Depuis 2016, des zones dans lesquelles le chalutage est interdit ont été mises en place. Nous avons donc pu comparer les différences entre les zones où le chalutage se pratique toujours et celles dans lesquelles il est interdit.

©Raphaël Seguin

« J’aimerais mettre en avant le message que l’environnement ce n’est pas un monde à part, il n’est pas externe à nous. C’est un tout dont on fait partie. »

Sur votre blog et votre compte Instagram, vous faîtes de la vulgarisation scientifique et écologique. Pourquoi avoir voulu partager vos connaissances sur les réseaux sociaux plutôt que d’avoir une démarche purement de recherche ?

À titre personnel, j’aime transmettre des connaissances.

D’un point de vue professionnel, je trouve qu’en recherche il y a beaucoup de gens qui n’ont pas le temps de communiquer, pris par leurs recherches. Les relations avec les médias sont parfois compliquées parce que les chercheurs ne sont pas formés pour interagir avec eux donc le message n’est pas toujours bien transmis. Il y a également une quête du sensationnel des médias qui ne correspond pas toujours aux propos des scientifiques. J’ai toujours trouvé ça dommage de faire de la recherche sur des sujets que je trouve passionnants, de créer des connaissances mais sans vraiment les transmettre après au grand public.

J’aimerais mettre en avant le message que l’environnement ce n’est pas un monde à part, il n’est pas externe à nous. C’est un tout dont on fait partie. Je veux vraiment mettre en avant le lien entre sociétés humaines et environnement.

Vous êtes publiquement engagé pour la préservation des océans, qu’est-ce qui a débuté ce combat ? C’est cet engagement qui vous a poussé vers la biologie marine ou la biologie marine qui vous a poussé à être aussi engagé ?

Au lycée, j’ai découvert Paul Watson et Sea Shepherd que j’ai beaucoup suivis durant plusieurs années. Ils ont été ma porte d’entrée dans cet univers. J’ai ensuite commencé la plongée, ce qui a conforté mon intérêt pour le milieu marin.

Mon voyage à Madagascar m’a ouvert les yeux sur la réalité des océans et l’aspect social et humain qu’il y a derrière. Je me suis rendu compte de la relation intime qu’avaient certains peuples avec les océans et les récifs coralliens de par leur culture et leurs besoins alimentaires. J’ai vu des gens mourir de faim car ils ne pouvaient plus pêcher puisque leurs ressources étaient braconnées ou surpêchées. 

Ma vision des relations entre les humains et les océans a longtemps été manichéenne mais au fur et à mesure de mon séjour à Madagascar je me suis rendu compte que la réalité est beaucoup plus complexe que ce à quoi je m’attendais. Je me suis donc spécialisé dans cet aspect relation humain-océan.

Le dernier rapport du Giec est sorti la semaine dernière, quelles ont été les résonances de ce rapport pour vous?

Ce rapport est à la fois catastrophique et à la fois très optimiste parce qu’il y a une partie solutions qui va sortir dans quelques mois. Il faut se tourner vers cette vision-là du rapport qui donne les outils afin d’essayer de s’en sortir plutôt qu’une simplification un peu apocalyptique que l’on voit partout. Cette vision est le doomisme. Elle est reprise par les grands groupes polluants car s’il n’y a plus rien à faire, ils n’ont rien à changer. Cette façon de voir les choses est contraire à la littérature scientifique.

Dans vos voyages, avez-vous vu un impact du réchauffement climatique sur l’environnement ?

Lorsque j’étais aux Seychelles, il y a eu un gros épisode de blanchiment des coraux. On a vu tous les coraux mourir en quelques semaines. Ils étaient déjà très abîmés quand je suis arrivé et pratiquement d’un jour à l’autre tout était blanchi.

Propos recueillis par Pauline Izabelle

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