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Qu’attend l’Afrique de la COP26 ?

Elephants dans le Delta d'Okavango, Botswana ©Yann Arthus-Bertrand

L’Afrique peut-elle peser dans les négociations climatiques ? D’ailleurs, que peuvent attendre les pays africains de la COP26 qui se tiendra début novembre 2021 ? Cette Cop suscite de l’espoir. Elle doit trouver un accord pour réaliser les objectifs de l’Accord de Paris. Le but est d’empêcher l’augmentation de la température terrestre au-delà de 2 degrés en demandant aux Etats participants de limiter puis réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Mais, pour l’Afrique, région très exposée aux risques climatiques mais peu émettrice, les enjeux vont bien au-delà de l’atténuation du réchauffement et concernent le développement.

L’écart entre poids démographique et poids climatique de l’Afrique : 17 % de la population mondiale, 4 % des émissions mondiales

L’Afrique compte 1,3 milliard d’habitants, soit 17 % de la population mondiale, mais leur empreinte carbone individuelle s’avère plus faible que la moyenne mondiale. Le continent africain est responsable de moins de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Pourtant, il se montre directement confronté à l’impact des changements climatiques : sécheresses, inondations auxquels il faut ajouter les risques pour la sécurité alimentaire ou sanitaire des populations. Autant de facteurs de déstabilisation des équilibres régionaux qui peuvent conduire à d’importants déplacements de population.

Alors que peut attendre l’Afrique de la Cop26 ? Quels sont les enjeux pour cette région du monde ?

Quels enjeux pour l’Afrique à l’approche de la Cop26 ?

« L’Afrique mériterait plus d’attention des autres parties du monde. » soutient Mathieu Mérino, enseignant chercheur à l’IRIS (institut des relations internationales et stratégiques) et spécialiste des questions environnementales. « Le continent est particulièrement menacé et vulnérable face aux changements climatiques et les conséquences sont graves : insécurité alimentaire, pénurie d’eau, déplacement de populations… Ces paramètres alimentent un contexte déjà conflictuel dans certaines zones, le facteur climat risque d’exacerber les conflits déjà présents. »

[ à lire également : Mathieu Merino : « Si l’Afrique se met à vraiment polluer, on sera victimes aussi de leurs émissions de gaz à effet de serre »]

Aissatou Diouf, responsable des politiques internationales et du plaidoyer chez Enda et coordinatrice de Climate Action Network en Afrique de l’Ouest estime que des actions concrètes sont espérées pour lutter contre le réchauffement climatique. Elle donne l’exemple de son pays, le Sénégal, dont les côtes sont ravagées par l’érosion. « On voit que des villages sont détruits », dit-elle. « Les communautés sont déjà affectées par le changement climatique et il urge de renforcer leur résilience. »

Des priorités compromises

Difficile de se concentrer sur les enjeux environnementaux de long terme lorsque la première des priorités reste la survie. « L’Afrique doit espérer un meilleur investissement de la classe politique africaine qui se désintéresse des COP et des questions environnementales. C’est dommage, mais ce n’est pas une priorité pour les dirigeants africains car ils sont d’abord confrontés à des questions de survie de leurs populations. Les enjeux climatiques sont donc plus éloignés que les questions sécuritaires par exemple », souligne Mathieu Merino.

L’Afrique peut-elle parler d’une voix ?

L’Afrique est un continent pluriel avec 54 pays, de multiples cultures et réalités environnementales. Si l’Union Européenne parvient à surmonter une partie de ses différences pour parler d’une voix unie pour ses 26 états-membres aux négociations climatiques, ce n’est, pour le moment, pas le cas de l’Afrique. Ainsi, mettre en avant l’Afrique en tant qu’entité parait compliqué lorsque certains pays restent très dépendants des énergies fossiles comme l’Afrique du sud ou le Nigéria et que d’autres le sont beaucoup moins comme le Kenya. Sans parler de ceux pour lesquels l’accès à l’énergie reste compliqué ou d’autres confrontés au stress hydrique ou à la désertification. Sébastien Treyer, directeur de l’IDDRI dit que l’Afrique cherche à se présenter telle une entité. « …et elle s’organise pour l’être, malgré l’hétérogénéité des situations nationales et sous régionales. » dit-il. Mathieu Merino se montre plus circonspect sur la capacité de l’Afrique à parler d’une même voix : « Il n’existe pas de panafricanisme à proprement parler pour les questions environnementales. Il n’y a pas vraiment d’unité avec une feuille de route pour les enjeux climatiques pour le continent. »

Malgré les disparités, le continent semble s’accorder sur les mêmes ambitions quant à la transition énergétique et la diminution des émissions de gaz à effet de serre. « Oui l’Afrique c’est plusieurs dynamiques, mais nous avons réussi à fédérer nos ambitions pour le groupe Afrique et c’est important de le dire, le groupe Afrique prend en compte les besoins et priorités de chaque état qui ne sont pas les mêmes, il faut souligner le fait que nous ne sommes plus dispersés et on est plus cohérents. » souligne Aissatou Diouf. « Beaucoup de pays ont ratifié pour réduire les GES, participer à l’échange global de la lutte contre le réchauffement…C’est un point de convergence entre chaque pays africain. »

L’accent est mis sur la part du renouvelable dans le mix énergétique. « Même pour les pays avec une rente sur les énergies fossiles comme le Nigéria, leur question est la diversification de leur économie, la transformation structurelle et l’industrialisation, et qu’on l’aide à faire cela de manière décarbonée. » dit Sébastien Treyer.

Toutefois, l’unification totale du continent pour les questions environnementales semble difficile. En effet, Mathieu Merino rappelle que « Tant qu’il n’y aura pas un leader charismatique africain pour porter ces questions environnementales à l’échelle internationale, faire tendre la voix de l’Afrique va être compliqué. Il s’agit de diplomatie, c’est-à-dire de rechercher des consensus et de marchander. Or, sans personne qui s’empare clairement de ces questions, c’est difficile d’imaginer peser dans les négociations. »

Des financements attendus

« Le coût de l’adaptation climatique est très élevé pour le continent et ça va s’accentuer dans le futur. Il faut mettre en place le fonds vert pour assurer une transition écologique. » rappelle Mathieu Merino. Lors de l’Accord de Paris, des fonds avaient été dédiés à l’aide au développement et à l’adaptation climatique aux pays du sud. Il était question d’une aide de 100 milliards de dollars. Mais à l’heure actuelle, ces fonds se sont élevés à 80 milliards de dollars. Aissatou Diouf souligne que ces engagements doivent être respectés, « Il est urgent de faciliter l’accès à l’adaptation. » Cette question pourrait être un frein dans les négociations à venir, mais de nombreux observateurs ont bon espoir que les 20 milliards manquants soient trouvés à Glasgow. Mais, à cette question du financement de l’adaptation pourraient s’ajouter deux autres sujets épineux : celui dit des pertes et préjudices qui correspond à d’éventuelles réparations et compensation des pays pollueurs vers les pays affectés par le réchauffement et celle de la nature même des aides attribués par le fonds vert qui sont en grande partie des emprunts dont le remboursement pèse sur les économies des pays les plus fragiles.

[La charge de la dette externe, une entrave à l’action climatique des pays les plus pauvres]

Romane Pijulet

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