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Mobiliser pour le climat au-delà des initiés : un défi pour le secteur philanthropique

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Dix mille cœurs pour un Ruban rouge, Le Mans © Yann Arthus-Bertrand

Par Anne Monier, ESSEC

Depuis les accords de Paris en 2015, de nouvelles mobilisations pour le climat ont émergé dans divers secteurs – on pense au secteur financier, avec « Finance for Tomorrow », aux entreprises, avec la « Convention des entreprises pour le climat », aux étudiants et jeunes diplômés, avec « Pour un réveil écologique » ou aux entrepreneurs, avec « Time for the Planet », sans oublier les conventions citoyennes.

C’est au secteur philanthropique que nous allons nous intéresser ici, ce dernier ayant lancé son propre mouvement avec la création de coalitions pour le climat ; elles ont vocation à mobiliser de manière large, au-delà des initiés, ce qui constitue un véritable défi.

Le climat, 2 % des dépenses philanthropiques

La philanthropie climatique n’est pas un phénomène neuf, mais le climat devient aujourd’hui un enjeu central pour le secteur.

Si de nombreuses fondations traditionnelles sont engagées depuis longtemps sur ces sujets (comme la Fondation Rockefeller ou la Fondation Ford), on a vu émerger dans les années 2000 de nouvelles fondations spécialisées dans le climat pour permettre des financements collectifs (pool funding) – par exemple la Climate Works Foundation ou la European Climate Foundation.

Pourtant, le financement climatique ne représente que 2 % des dépenses philanthropiques totales, ce qui pose la question du décalage qui existe entre leur engagement financier et la légitimité que ces fondations ont sur la scène climatique mondiale.

Un nouveau mouvement plus transversal

Au-delà de cette philanthropie climatique des big players (grandes fondations internationales), émerge aujourd’hui un nouveau mouvement dans le domaine de la philanthropie du climat : les coalitions de fondations pour le climat, créées dans différents pays européens dès 2019.

Cette initiative a ensuite été reprise par le réseau européen de fondations Dafne, qui a fédéré une coalition européenne, puis au niveau mondial par le réseau philanthropique Wings, qui a créé une coalition internationale – présentée à la COP26.

L’une des particularités de ce mouvement est de chercher à mobiliser tout le secteur philanthropique, c’est-à-dire toutes les fondations au-delà de celles qui sont spécialisées dans le climat (ou assimilé : environnement, biodiversité, etc.) ou s’occupent déjà de ces sujets.

L’idée est de solliciter les fondations engagées dans l’art, la pauvreté, l’éducation, la santé ou d’autres causes pour qu’elles s’impliquent également dans la lutte contre le changement climatique, qui a des effets sur tous ces domaines et sur le secteur philanthropique lui-même.

Il s’agit d’adopter une perspective transversale, ce qui constitue un changement de paradigme pour un secteur attaché au travail en silo au sein des causes que chaque fondation défend.

Pour faire partie de ces coalitions, les fondations doivent signer un manifeste. L’objectif n’est pas que ces dernières changent de mission, mais qu’elles intègrent la question climatique par tous les moyens possibles. Pour cela, les coalitions ont défini sept grands piliers (déclinés avec quelques nuances nationales), qui correspondent à sept façons d’intégrer la question climatique dans leur travail.

Sensibiliser ses salariés et les porteurs de projet, intégrer la question climatique dans la mise en œuvre des programmes, investir de manière responsable, avoir une empreinte carbone réduite, faire du plaidoyer pour la cause climatique constituent certains des points d’entrée pour les fondations qui veulent s’engager pour le climat.

Un défi pour le secteur philanthropique

Face à cette mobilisation large, les défis sont nombreux et à la hauteur de l’enjeu que représente le changement climatique.

Le premier grand défi concerne la diversité des fondations. Diversité des tailles des fondations. Diversité des causes défendues, de l’art à l’éducation, en passant par la santé ou la pauvreté. Mais aussi diversité de l’état d’avancement : certaines fondations ne connaissent pas du tout le sujet, d’autres sont expertes et ont déjà mis en place de nombreuses actions concrètes. Comment parvenir à inclure tout le monde tout en réalisant de réels progrès face à l’urgence climatique ?

La coordination de ce mouvement de grande ampleur représente un autre enjeu, puisqu’il englobe de nombreux acteurs et structures – fondations, réseaux, experts… – et tout ceci en différentes langues et sur différents fuseaux horaires. Comment être au courant des avancées des uns et des autres, diffuser l’information et communiquer, synchroniser les calendriers, prendre des décisions de manière multilatérale, etc. ?

Le troisième défi concerne le leadership pour faire avancer le mouvement. Il s’agit de trouver un équilibre entre être à l’écoute des fondations, de ce qu’elles souhaitent, tout en définissant une direction claire et précise. Cela signifie échanger, apprendre, partager, mais aussi agir et s’engager de façon concrète et contraignante, et ce dans une perspective temporelle marquée par l’urgence.

Quatrième difficulté à relever, la diversité des points de vue, avec des visions plus ou moins radicales ou consensuelles, certains voulant aller plus loin et plus vite que d’autres. La question du climat est un sujet politique sur lequel les fondations ont des approches variées. Comment gérer les attentes différentes des uns et des autres ? Ces divergences sont-elles un frein à la mobilisation ?

Enfin, il s’agit de parvenir à créer un effet « boule de neige », c’est-à-dire de toucher de manière exponentielle, tout le monde, les initiés, les non-initiés, les hésitants, mais aussi les réfractaires.

Être à la hauteur de l’enjeu

On se demande souvent pourquoi on agit si peu face à cette crise climatique majeure. L’une des clés tient au fait que la crise climatique peut se lire à l’aune de la théorie des jeux et de ses variantes : les acteurs ne se mobilisent que s’ils pensent que les autres vont le faire également, de peur d’y perdre.

Ceux qui font le premier pas rompent, d’une certaine manière, ce cercle vicieux. Le secteur philanthropique se trouve aujourd’hui à un tournant face à la crise climatique.

Alors que le GIEC a publié en août 2021 un rapport alarmant et que les catastrophes naturelles de ces derniers mois (inondations en Chine, incendies en Grèce, etc.) ont donné un avant-goût de ce qui nous attend, le défi le plus important pour la philanthropie est ainsi d’être à la hauteur de l’enjeu.The Conversation

Anne Monier, Docteure en sciences sociales, Chercheuse à la Chaire Philanthropie de l’ESSEC, spécialiste de la philanthropie, de la sociologie du transnational, des politiques culturelles, ESSEC

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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