Lanceurs d’alerte est une bande-dessinée créée par la journaliste Flore Talamon avec Bruno et Corentin Loth pour les dessins et leur mise en couleurs, en partenariat avec la Maison des Lanceurs d’Alerte. L’auteure raconte sa propre histoire, celle d’une journaliste qui interviewe dix lanceurs et lanceuses d’alerte. Avec cette BD, elle veut expliquer le statut du lanceur d’alerte et les difficultés rencontrées par celles et ceux qui s’expriment. Elle souhaite ainsi que « les gens comme vous et moi ne renoncent pas à dire quand les choses ne vont pas par peur des représailles ».
Flore Talamon a recueilli leurs témoignages avec l’aide de la Maison des Lanceurs d’Alerte, une association qui aide ces derniers à se faire entendre. De son travail, elle retient que toutes ces personnes engagées n’ont pas renoncé, malgré toutes les difficultés, à « leurs idéaux et leurs valeurs, ce qui me semble très estimable ». L’auteure définit un lanceur d’alerte comme « quelqu’un qui révèle des dysfonctionnements juridiques ou des menaces à l’intérêt général et qui décide de le faire savoir auprès de sa hiérarchie et/ou des autorités compétentes ou, en dernier ressort, d’en parler aux médias. » Même si leurs histoires sont différentes, les parcours des lanceurs d’alerte se rejoignent sur la détermination dont les uns et les autres font preuve pour alerter l’opinion sur des faits graves et dénoncer les injustices.
10 récits d’engagement dont 3 directement liés à l’écologie
Parmi ces dix lanceurs d’alerte, trois d’entre eux témoignent d’un risque environnemental. Chacun des récits est illustré dans un chapitre distinct d’une vingtaine de pages.
Flore Talamon, dont c’est la 3e bande-dessinée, raconte avoir eu : « beaucoup de mal à faire le premier chapitre. Il était pourtant très important pour moi. C’est celui consacré à Karim et il est relativement emblématique de ce qui peut se passer quand on ne contrôle pas sa parole ». Karim Ben Ali, ex-chauffeur routier, alerte sur le déversement dans la nature de produits chimiques, des acides qui polluent les sols, par l’entreprise ArcelorMittal. Karim a subi de nombreuses menaces pour avoir osé parler puis il a perdu son emploi.
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Ensuite, la BD raconte comment Marie-Lys Bibeyran et Valérie Murat, ont protesté contre le recours intensif et peu précautionneux de pesticides dans certaines régions viticoles. Ces pesticides génèrent une pollution aérienne nocive pour la santé des riverains et des travailleurs de la vigne.
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Et pour finir, la BD aborde la question du bien-être animal. Mauricio Garcia Pereira et L214, dénoncent à leur tour l’abattage de vaches en gestation dont les veaux sont parfois à terme.
Une BD pour mieux comprendre ce que signifie être lanceur d’alerte
En plus des 10 histoires aux thèmes variés, le livre propose aussi un glossaire des infractions et des conseils. Ces éléments permettent d’en apprendre un peu plus sur la manière dont il est possible de lancer une alerte. Flore Talamon insiste sur le fait que : « une alerte s’appuie sur des preuves et qu’il existe des dysfonctionnements qu’on peut prouver ». Elle rajoute que ces affaires sont difficiles à suivre car souvent compliquées.
Les lanceurs d’alerte sont d’abord des personnes ordinaires. Ils peuvent donc être de simples citoyens, des fonctionnaires, des salariés, des victimes…ayant connaissance d’un danger, d’un risque ou d’un scandale. Plutôt que de se taire ou de ne rien faire, ils décident de signaler des faits répréhensibles dans les domaines de l’environnement, de la santé ou encore de la police. Ils espèrent enclencher un processus de régulation, de controverse ou de mobilisation collective. L’auteure souhaite que son travail permette aux lecteurs d’avoir un point de vue nuancé sur la réalité. Même si tout n’est pas parfait, selon Flore Talamon, il ne faut pas sombrer dans l’excès de « se dire que tout est pourri et que rien ne va. Il faut plutôt de se dire que les gens ont les moyens d’agir ».
Cette bande dessinée permet de mieux connaître les lanceurs d’alerte, leur vécu et leur statut. Elle donne l’occasion de découvrir comment certaines personnes en sont venues à lancer des alertes qui soulèvent des questions de société. Et aussi d’en savoir plus sur certaines affaires peu médiatisées. Ce reportage en BD, qui propose de très belles illustrations réalisées par Bruno et Corentin Loth, est facile à lire car il s’adresse à tout le monde. La bande dessinée Lanceurs d’alerte a l’ambition d’intéresser le plus grand monde au sujet et de faire comprendre le rôle des alertes dans le bon fonctionnement de la société et de la démocratie. Hasard du calendrier, au moment de l’écriture de cet article, le Sénat examinait la loi sur la protection des lanceurs d’alerte, c’est dire si le sujet est plus que jamais d’actualité.
Par Lucas Sonnet, notre stagiaire de troisième
Lanceurs d’alerte, scénario : Flore Talamon, dessins et mise en couleurs : Bruno et Corentin Loth, Delcourt/Encrages,24,95€
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