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Greenpeace dénonce le lobby de la viande

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Élevage au Japon © Yann Arthus-Bertrand

Dans un rapport de 164 pages publié le 25 janvier, Greenpeace dénonce les méthodes de ce que l’ONG écologiste qualifie de lobby de la viande. Dans ce document titré Comment les lobbies de la viande nous manipulent, l’ONG explique les méthodes employées par les organismes professionnels et interprofessionnels de la filière viande afin d’influencer l’opinion sur la viande et faire oublier son impact environnemental.

« Nous avons été surpris de constater à quel point l’influence des lobbies est tentaculaire. Nous connaissions l’action d’Interbev dans les écoles, mais nous ne savions pas qu’ils avaient développé une stratégie d’influence auprès des professionnels de santé comme les médecins ou les diététiciens », déclare Laure Ducos, chargée de campagne alimentation chez Greenpeace, qui a participé à ce rapport.

Des budgets élevés dans la communication pour promouvoir la viande

À partir des données de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), Greenpeace a identifié 25 organisations défendant les intérêts de l’élevage qui vont des syndicats agricoles aux organisations interprofessionnelles. Ils ont une influence tant auprès des décideurs politiques que des producteurs et des distributeurs sans oublier les consommateurs au travers de la promotion des produits carnés. Le secteur réalisait un chiffre d’affaires de 33 milliards d’euros en 2016, selon l’INSEE.

« Nous avons été surpris de constater à quel point l’influence des lobbies est tentaculaire. Nous connaissions l’action d’Interbev dans les écoles, mais nous ne savions pas qu’ils avaient développé une stratégie d’influence auprès des professionnels de santé

Les budgets communication de 4 de ces organismes, à savoir l’interprofession bovine (Interbev), porcine (Inaporc), de volaille de chair (Anvol) et la fédération des industriels charcutiers, traiteurs et transformateurs de viandes (FICT), atteignent plusieurs dizaines de millions d’euros chaque année.

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Greenpeace affirme que « le budget annuel de l’interprofession de la viande et du bétail Interbev est compris entre 35 et 45 millions d’euros, dont les deux tiers sont dédiés à des pratiques d’influence (communication, publicité, lobbying, etc.). » Et l’ONG pointe du doigt le fait que : « en 2022, le budget communication de l’interprofession du porc Inaporc avoisinera les 2 millions d’euros. Parmi ces 2 millions, 500 000 à 600 000 euros seront dédiés à la sponsorisation… de bulletins météorologiques de France Télévision ! »

Enfin, l’association rapporte que des fonds européens participent à la promotion des produits carnés et laitiers. Ce budget est évalué à 250 millions d’euros entre 2016 et 2020 dont « 68 millions d’euros pour la promotion de la viande et des produits laitiers, contre seulement 17 millions d’euros pour les fruits et légumes » en France, écrit Greenpeace.

Un marketing et des campagnes ciblés vers les jeunes

Mesurer l’influence réelle de ce marketing reste délicat. Toutefois, Greenpeace s’arrête sur une campagne télévisée d’Interbev de 2020 qui a été vue par 16,3 millions de personnes de 25-49 ans. Ces dernières « ont été exposées en moyenne près de 12,7 fois au spot TV Interbev. Pour 78 % des individus, le spot donne envie d’acheter de la viande », écrit l’association écologiste qui cite Interbev.

Le rapport de Greenpeace note que de nombreuses campagnes ciblent les jeunes, dont les écoliers, comme l’attestent des témoignages de parents ou de membres du corps enseignant (voir la vidéo ci-dessous) grâce notamment à l’organisation de sorties scolaires ou la diffusion de contenus dans les écoles. Laure Ducos remarque la très grande qualité des brochures fournies par le lobby de la viande et déplore que des intérêts privés puissent exercer leur influence dans les écoles publiques.

L’association écologiste souligne également dans son rapport que les professionnels de la viande savent s’emparer des controverses sur l’impact des produits carnés ou laitiers. Ils arrivent à communiquer dessus auprès du consommateur pour le rassurer sans nécessairement inciter à réduire la consommation. L’image d’Épinal de l’élevage en plein-air reste dominante bien que, dans les faits, les élevages intensifs représentent les deux tiers de la production française. L’ONG écrit : « s’il est vrai que les interprofessions réfléchissent à de réelles améliorations de leurs pratiques, en aucun cas elles ne travaillent à réduire la production et la consommation de viande, ni à une sortie de l’élevage industriel au profit d’élevages écologiques. Pis, elles utilisent certains aspects de la controverse pour mieux inciter à consommer toujours plus de viande, sans distinction des modèles d’élevage. »

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La viande, un produit en déclin ?

Interrogée pour savoir si ce lobbying relève de la légitimation d’une activité ou du geste de survie d’un secteur qui se sent menacé, Laure Ducros de Greenpeace analyse : « aujourd’hui, il y a une baisse légère de la consommation de viande de bœuf et de porc au sein des foyers. Face à ce phénomène et une prise de conscience des Françaises et Français, le lobby de la viande cherche à enrayer cette réduction de la consommation ».

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En France, les chiffres de la consommation de viande reculent. Entre 2019 et 2020, la consommation de viande par personnes est passée de 86,0 kg par habitant en 2019 à 84,5 kg par habitant en 2020, soit un recul de 1,7 %. Cette réduction s’inscrit dans une tendance de fond d’une lente diminution de la consommation de produits carnés, que ce soit pour des motifs économiques ou des raisons personnelles.

La publication de ce rapport intervient dans un contexte tendu. En effet, une partie du monde agricole se sent visé par les critiques qu’il perçoit comme des campagnes de dénigrement. Les agriculteurs font face à de grandes difficultés économiques. Le modèle de l’agriculture intensive est remis en cause. Or, malgré l’essor du bio et du raisonné, l’agriculture, secteur en transition, peine encore à trouver un modèle qui concilie la viabilité économique et le respect de l’environnement. Pourtant, Greenpeace entend dénoncer les dérives de l’agro-business basé sur l’élevage intensif. « Nous ne sommes pas anti-viande », affirme Laure Ducos avant d’ajouter qu’il est nécessaire d’en consommer moins et mieux et de rappeler son soutien à une agriculture paysanne de proximité.

Greenpeace plaide donc pour l’interdiction des financements publics en faveur des campagnes de promotion en faveur de la consommation de viande, ainsi que pour « l’interdiction de toute intervention des organisations professionnelles dans les écoles ; c’est à l’Etat de prendre en charge la création d’outils pédagogiques de haute qualité et de financer des sorties scolaires dans des fermes pour valoriser les métiers agricoles tout en montrant les limites planétaires. ». Laure Ducros voudrait que le gouvernement français aille aussi plus loin en s’inspirant des Pays-Bas. Le pays s’est penché sur la question de l’élevage porcin industriel en mettant en place « un grand plan de transition des élevages les plus industriels vers des élevages plus écologiques. Il s’agit d’accompagner les éleveurs vers un modèle plus autonome, plus bénéfique pour la biodiversité et le climat, les revenus et l’emploi ».

Julien Leprovost

 Pour aller plus loin
La pétition Empêchons les lobbies de la viande d’entrer dans la tête de nos enfants ! sur le site de Greenpeace
 Le site de Greenpeace sur le sujet

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4 commentaires

Ecrire un commentaire

    • Francis

    Tous ces discours ne changent rien au fait que les enfants et adolescents ont absolument besoin des matières grasses et protéines animales pour la croissance de leur cerveau. Il y a 7 millions d’années, c’est la lignée des primates qui est devenue omnivore qui a donné naissance à l’espèce humaine.

    • JF

    Entièrement d’accord avec Francis. Quand on lit les rapports bidons sur la viande émanant de Greenpeace, on peut bien dire que c’est l’hôpital qui se moque de la Charité !

    • Guy J.J.P. Lafond

    Merci GoodPlanet.
    Mise en exergue:
    « Nous ne sommes pas anti-viande », affirme Laure Ducos avant d’ajouter qu’il est nécessaire d’en consommer moins et mieux et de rappeler son soutien à une agriculture paysanne de proximité. »
    Bien d’accord! @:-)
    Je fais circuler au Canada.
    @GuyLafond , @FamilleLafond
    Un bon papa et bon fonctionnaire fédéral pour la vie en bonne santé.
    https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/
    https://twitter.com/UNBiodiversity/status/1395129126814691329

    • Claude Courty

    N’est-il pas aussi affligeant que sans espoir, de constater à quel point est ignorée, négligée, voire niée, la première cause de tous les maux de la planète et du vivant qui la peuple, qu’est la prolifération du premier de leurs prédateurs