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Valérie Murat, porte-parole de l’association Alerte aux toxiques : « le lobby du vin ne veut pas qu’on sache comment leurs vins sont produits, les pesticides employés et leurs impacts sur la santé et l’environnement »

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Valerie Murat de Halte aux Toxiques lors d'une manifestation © Thibaud MORITZ / AFP

Valérie Murat s’est engagée depuis des années dans la lutte contre les pesticides. Ces derniers ont entraîné la mort de son père vigneron en 2012. Avec son association Alerte aux toxiques, la militante anti-pesticides entend dénoncer les risques sanitaires que représentent ces molécules pour les travailleurs agricoles et viticoles, ainsi que pour les riverains. En 2021, Valérie Murat et son association ont été condamnées pour dénigrement après avoir publié des analyses attestant de la présence de résidus de pesticides chimiques dans 22 bouteilles de vin labélisées Haute Valeur Environnementale (HVE) dont 18 de Bordeaux. En novembre 2021, une décision de justice a suspendu l’appel de l’association qui doit s’acquitter d’une somme de 125 000 euros avant de pouvoir faire appel de la décision de justice. Dans cet entretien, Valérie Murat revient sur cette affaire et dénonce « un procès bâillon ».

Pourquoi avoir fait analyser des bouteilles de vins?

Depuis 2018, Alerte aux toxiques mène des analyses en résidus de pesticides chimiques dans les bouteilles de vin pour mesurer les écarts entre les belles promesses des institutions viticoles du Bordelais et la réalité des conditions de production.

En 2016, après notamment la diffusion de l’émission Cash Investigation, la filière bordelaise s’était engagée à sortir des pesticides et à ce que la question des CMR (cancérigènes, mutagènes, et reproductogènes) soit réglée. Pourtant, nous constations que rien ne bougeait sur le terrain, or ce sont les travailleurs et les riverains qui sont les premiers exposés aux pesticides. Dans le Bordelais, 132 écoles sont enclavées au milieu des vignes auxquelles il faut ajouter des maisons ou des équipements collectifs parfois situés à seulement 5 mètres des vignes. En 2020, nous avons donc décidé de faire analyser des bouteilles porteuses du label HVE (Haute Valeur Environnementale). Le label HVE est mis en avant par les acteurs du vin de Bordeaux.  Les analyses ont confirmé la présence de résidus de pesticides de synthèses dans toutes les 22 bouteilles analysées dont 18 de vins de Bordeaux.

[À lire aussi Pesticides dans des vins HVE du Bordelais: une association d’alerte condamnée pour « dénigrement »]

Qu’est-ce que la publication de vos résultats d’analyse a entraîné ?

Le 29 octobre 2020, le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) et 25 autres acteurs de la filière ont porté plainte contre l’association et contre moi pour dénigrement collectif de la filière. Ils l’ont déposé à Libourne, juridiction connue pour donner systématiquement raison au lobby de la viticulture. Le 25 février 2021, le tribunal judiciaire nous a condamné sur la base des allégations des plaignants. Leur ligne de défense est de détourner notre propos : j’aurais dit que « consommer des vins de Bordeaux est toxique et cancérogène ». Ils sont allés sur le terrain du dénigrement commercial plutôt que sur la diffamation car cette dernière n’aurait pas tenue face aux analyses du laboratoire. D’ailleurs, les analyses que nous avons réalisées depuis 2018 n’ont jamais été contredites.

« Les analyses que nous avons réalisées depuis 2018 n’ont jamais été contredites. »

Nous avons été condamnés à 125 000 euros de dommages et intérêts, mais nous avons fait appel. Tout en faisant appel, nous avons commencé à payer progressivement cette somme, 800 euros par mois, pour montrer notre bonne volonté à la justice. En juillet 2021, nos adversaires ont fait une demande de radiation de notre appel au motif que l’intégralité des sommes dues n’avaient pas été payées. La radiation de notre appel a été obtenue le 10 novembre 2021 par le tribunal de Bordeaux. Cela signifie que notre appel est conditionné au paiement d’une somme de 125 000 euros que nous ne possédons pas. C’est un ticket d’entrée pour avoir le droit d’exercer notre défense.

Que dit cette affaire ?

Il s’agit d‘un procès-bâillon qui joue le rôle d’un avertissement envers les personnes qui voudraient exercer leur liberté d’informer. Cette affaire a le mérite de montrer l’attitude de la grande bourgeoisie viticole bordelaise qui ne veut pas qu’on vienne voir la manière dont le vin est produit ni les intimidations envers ceux qui dénoncent les dysfonctionnements de la viticulture.

« Cette affaire a le mérite de montrer l’attitude de la grande bourgeoisie viticole bordelaise qui ne veut pas qu’on vienne voir la manière dont le vin est produit. »

Où en êtes-vous ?

Depuis le 10 novembre 2021, un financement participatif a permis récolter près de 80 000 euros. Nous avons 2 années pour avoir l’intégralité de la somme de 125 000 euros qui nous permettra d’obtenir une audience en appel.

[À lire aussi  « Lanceurs d’alerte », la bande dessinée citoyenne et engagée de Flore Talamon]

Votre situation reflète-t-elle les difficultés à aborder la question des pesticides dans l’agriculture ? Et a fortiori dans le secteur viticole qui est le premier consommateur en France de produits phytosanitaires ?

Précisément, d’autant plus que les vins de Bordeaux sont une appellation connue mondialement.

Il faut comprendre que les analyses que nous avons réalisées coûtent plus de 250 euros par bouteille, peut-être que les professionnels du Bordelais ont eu peur qu’on fasse analyser tous les crus. Or, on sait bien que la région bordelaise est à la traîne sur le bio, elle vient juste de rattraper la moyenne nationale en ce qui concerne la surface cultivée en bio.

« Le consommateur ne souhaite plus soutenir une viticulture qui empoisonne les sols, les paysans, les riverains dont des femmes enceintes et les enfants. »

Le label HVE génère un écran de fumée sur les conditions de production. Le lobby du vin ne veut pas qu’on sache comment leurs vins sont produits, les pesticides employés et leurs impacts sur la santé et l’environnement. Pourtant, aujourd’hui, le consommateur ne souhaite plus soutenir une viticulture qui empoisonne les sols, les paysans, les riverains dont des femmes enceintes et les enfants. Le consommateur veut une viticulture propre qui respecte la santé de l’Homme et de l’environnement, du producteur au consommateur.

Propos recueillis par Julien Leprovost

Pour aller plus loin
Le site de Alerte aux Toxiques et la note HVE, ce qu’en dit le ministère de l’Agriculture.

Le financement participatif de soutien

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6 commentaires

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    • Francis

    Malheureusement, le Bordelais est victime de sa géographie, à proximité de l’océan et dans la trajectoire du vent dominant d’ouest qui maintient un climat doux et humide qui favorise et entretient les maladies à champignons.

    • Roger Kantin

    Il faudrait (plus facile à dire qu’à faire) finaliser une limite maximale de résidu (LMR) pour le vin. comme pour les autres produits alimentaires, et aussi harmoniser avec ce qui est autorisé pour l’eau du robinet.

    • Claude Courty

    Bel exemple des fixations et autres marottes distrayant l’écologie de l’essentiel

    • Mathelin

    Je ne bois que du vin BIO desormais et je n aime pas qu’ on se moque de moi par des labels « durables », « respectueux de l Environnement  » etc …Il y a d excellents vins en bio et je ne vois pas la raison de m empoisonner avec ces vins aux pesticides .

    • Gregory Andre

    Si vous voulez savoir vos niveaux de contamination utilisez un test pesticides de Yootest, au moins vous saurez ce qu’il en est !

    • Sahal

    Il y a la cedh et cette note.
    https://openwinelaw.fr/article/view/5397
    J’ai participé au financement pour l’appel