Si, dans un monde parfait, les promesses de campagnes d’Emmanuel Macron, devenu en 2017 Président de la République, de sortir des pesticides avaient été tenues, alors la réduction de l’usage de ces derniers ne serait pas un sujet pour les élections présidentielles et législatives de 2022. Pourtant, si les produits phytosanitaires n’ont pas encore disparu des campagnes, les pesticides sont aujourd’hui encore loin d’être au centre des préoccupations des campagnes électorales à venir. L’agriculture française reste cependant une grande utilisatrice des produits phytosanitaires puisque seulement 12 % des exploitations et 10 % de la surface agricole sont bio. Pour François Veillerette de Générations Futures, le bilan du quinquennat en matière de lutte contre les pesticides : « n’est pas terrible ».
Pesticides, leur remplacement n’a pas eu lieu
Le quinquennat écoulé ressemble à un rendez-vous manqué sur la question des pesticides. Tout semblait pourtant partir sur de bonnes bases avec dans le programme du candidat Emmanuel Macron un engagement sur :« un calendrier prévoyant l’élimination progressive des pesticides en commençant par ceux qui présentent un risque pour la biodiversité ou la santé, et le développement d’alternatives ». Cet engagement s’était traduit en 2017 par une promesse de sortir du glyphosate dans les 3 ans. Début 2022, dans une interview au Parisien, le chef de l’Etat a déclaré « ne pas avoir réussi sur le glyphosate ». Face à l’opposition d’une partie du monde agricole, l’engagement n’a pas pu être concrétisé et le Président plaide désormais pour une interdiction au niveau européen.
L’objectif de réduction de la dépendance aux produits phytosanitaires figure dans les politiques publiques depuis plus longtemps. François Veillerette note que « le plan écophyto ne produit pas les effets attendus ». Ce dernier, décidé avant l’élection d’Emmanuel Macron, visait à accompagner la filière agricole dans la réduction de sa consommation de pesticides et le développement d’alternatives. Dans une note, le think-tank de gauche, la Fabrique Écologique écrit que « dans le domaine des pesticides, le Plan Ecophyto 2, lancé en 2016 a été poursuivi, puis remplacé en 2018 par un plan Ecophyto II+ mais les résultats demeurent ambigus ». Le porte-parole de Générations Futures ajoute aussi que sur les distances d’épandage à proximité des habitations « le gouvernement ne répond pas aux injonctions du Conseil d’État qui lui demande de revoir les textes afin de protéger les riverains des produits les plus dangereux ». À cela s’ajoutent les dérogations pour l’épandage de néonicotinoïdes ou d’autres substances.
Valérie Murat, porte-parole de Halte aux toxiques estime qu’il faut interdire les pesticides de synthèse car « réduire ne suffit pas, cela ne veut pas dire arrêter d’utiliser. Leur épandage et ses conséquences durent depuis trop longtemps. » Elle se montre très critique envers les politiques de réduction des pesticides mises en place depuis des décennies « le plan EcoPhyto, je le surnomme Eco-Fiasco ou EcoPipeau. » La militante anti-pesticides, dont le mari est décédé en 2012 d’un cancer attribué à l’exposition aux produits phytosanitaires dans son métier, attend « une volonté politique pour sortir de cet empoissonnement généralisé ». Elle défend donc « leur interdiction » et propose de « changer de modèle agricole et de mettre fin à l’agriculture et à la monoculture qui ne sont pas viables. »
Pesticides, qu’attendre des élections à venir ?
Mi-janvier 2022, 21 ONG, dont Générations Futures, ont publié 10 recommandations aux candidats sur les pesticides. Parmi ces dernières, la mise en place d’une stratégie de sortie des pesticides et la réforme de l’évaluation et l’homologation des produits autorisés. François Veillerette, porte-parole de l’association Générations Futures déplore qu’à l’heure actuelle la campagne ne porte pas sur les vrais problèmes alors que : « les questions de santé et d’environnement préoccupent les gens. Le changement du modèle de production agricole ne relève pas du détail, mais est un vrai chantier à mener dans une optique de santé et d’environnement. Or, à 2 mois de l’élection, peu de candidats semblent y accorder de l’attention. » Il regrette le poids des lobbys agricoles et industrielles, l’inertie des grands corps étatiques et l’absence d’enseignements de la pandémie actuelle sur le lien entre l’environnement et la santé, dont le coût se répercute pourtant sur l’ensemble de la société et des finances publiques comme privées. Il rappelle que « gouverner, c’est prévoir. Or, l’inaction d’aujourd’hui créera les dégâts et les crises de demain. »
Interrogé pour savoir si la question des pesticides ne risque pas d’aboutir à une forme de consensus mou de la part de tous les candidats, François Veillerette pense que « le constat sur la dangerosité des pesticides est certes partagé, mais ce sont les mesures proposées qui font la différence. L’écart est abyssal entre le programme d’un Yannick Jadot qui veut changer complément le modèle agricole et la pratique de l’actuel ministre de l’Agriculture Julien Denormandie qui conforte la FNSEA dans son projet d’une agriculture industrielle intensive et qui voudrait utiliser les nouveaux OGM. » Le spécialiste santé-environnement précise que certains choix techniques se montrent importants comme ceux concernant les indicateurs de suivi, de déterminer si ces derniers mesurent par exemple l’utilisation, l’exposition ou les risques des produits, ainsi que les critères sur lesquels ils se basent : « si on abandonne l’objectif d’en finir avec l’usage des pesticides, cela signifie des choix. » Il rappelle que dans le domaine de la régulation des produits chimiques, de leur homologation, de leur mise sur le marché et de leurs usages, la réglementation, notamment européenne est un vrai levier.
« Le sujet va au-delà des pesticides et concerne toutes les molécules chimiques auxquelles nous sommes exposés, c’est toute la politique de santé qui est à revoir. Elle doit passer par les soins et aussi par la prévention. Cette dernière passe avant tout par la préservation de l’environnement », résume François Veillerette. Il voudrait voir la création d’un grand ministère de la santé environnementale. « Je pense qu’il faut une vraie politique qui associe la santé publique et l’environnement car notre exposome est par nature complétement transversal. On parle depuis quelques années d’exposome. Le terme d’exposome désigne la somme des expositions à tous les facteurs de risque qu’on rencontre tout au long de notre vie. Les faibles et petites doses n’ont pas forcément d’effets prises séparément, néanmoins elles s’accumulent, puis à un moment une exposition constitue la goutte d’eau qui fait déborder le vase et provoque un impact sanitaire. De fait, puisque tous ces facteurs pris en compte peuvent avoir une répercussion sur la santé, on attend qu’on y apporte une réponse globale »
Julien Leprovost
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5 commentaires
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Claude Courty
L’homme étant le premier pollueur et prédateur de son habitat – surfaces cultivables comprises – rien de sérieux ni de durable ne se fera, sans prendre en compte la dimension démographique planétaire du problème.
Francis
Et les nouveaux vaccins OGM qui sont imposés comme solution unique contre la covid alors que l’apport des médecines naturelles est ignoré ou réprimé, Good Planet Mag n’en parle pas ?
Lete
La santé des citoyens l’état s’en moque éperdument, les » lobbies » d’abord, l’argent vos plus que la vie…
Le phytosanitaire détruit tout et partout même l’air que nous respirons.
Pire encore nous payons au prix fort notre nourriture pour nous empoisonné un vrai enfer… La seule chose qui et inévitable c’est de manger, alors que fait-on ??
souef
Si Mélenchon est élu, il appliquera le programme « l’Avenir En Commun », et il est prévu, entre autre, l’interdiction du glyphosate, la conversion (aidée) au bio de toute l’agriculture, pour permettre à tous (y compris en restauration collective) d’avoir des produits de qualité sans pesticides. J’ajouterai plus de fermes usines, la règle verte (ne pas prendre plus à la terre qu’elle ne peut reproduire),….
Francis
Souef, si Mélenchon est élu, la pénurie alimentaire sera la chose la mieux partagée.
Le défaut du capitalisme, c’est qu’il répartit inégalement la richesse. La qualité du socialisme, c’est qu’il répartit également la misère (sauf pour la petite élite au pouvoir).