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« L’eau verte », une nouvelle limite planétaire qui, à peine conceptualisée, se trouve déjà dépassée

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Guyane, France © Yann Arthus-Bertrand

L’information a fait grand bruit fin avril, l’humanité a encore franchi une limite planétaire : celle de la ressource en eau douce. Bien qu’inquiétante, cette information est cependant à nuancer car plus complexe qu’il n’y paraît. Elle concerne un nouveau critère pris en compte dans l’évaluation des limites planétaires : « l’eau verte ». Cette nouvelle notion devrait dorénavant être prise en compte afin de mesurer l’impact des activités humaines sur l’ensemble de la biosphère. « L’eau verte » est un nouveau critère dans la définition des limites planétaires, ce n’est toutefois pas une idée nouvelle pour les scientifiques qui parlent ainsi de l’eau qui transite par les végétaux terrestres et se manifeste par l’évapotranspiration.

Dépassement partiel de la limite planétaire portant sur l’eau douce

Le Stockholm Resilience Centre, qui a établi en 2009 les 9 limites planétaires à ne pas franchir pour assurer la survie de l’humanité dans de bonnes conditions, propose d’améliorer la prise en compte du facteur « eau douce ». Jusqu’à présent, le cycle de l’eau douce représentait une limite à part entière, or, cet indicateur de l’état de santé de l’environnement prenait seulement en compte les prélèvements en eau douce et la qualité de cette ressource. Il s’agit de « l’eau bleue » qui regroupe l’eau de surface, des nappes phréatiques et des rivières. Les scientifiques proposent donc d’affiner ce paramètre en prenant en compte « l’eau verte ». Les chercheurs derrière ces travaux demandent la création et l’ajout d’une 10e limite planétaire portant sur « l’eau verte », c’est-à-dire les réserves d’eau douce stockées par les végétaux et les moisissures qui s’évalue grâce à l’humidité au niveau du sol.

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Les 10 limites planétaires. La nouvelle version des limites planétaires en prenant en compte le facteur « eau verte » DR Stockholm Resilience Center

« L’eau verte », une ressource menacée

Il s’avère que la dégradation du climat et des écosystèmes conduit les concepteurs des limites planétaires à considérer la limite planétaire « eau verte » comme déjà franchie. « Les dernières analyses scientifiques montrent comment nous, les humains, poussons la ressource en eau verte au-delà des niveaux de variabilité que la Terre a expérimenté depuis des milliers d’années durant l’holocène », explique Johan Rockström, professeur au Stockholm Resilience Centre. Les scientifiques citent en exemple la sécheresse qui touche la forêt amazonienne. Cette dernière menace la survie de ce milieu dont une partie de l’approvisionnement en eau provient des moisissures au niveau du sol. Or, le changement climatique et la déforestation risquent de faire franchir à l’écosystème forestier amazonien des points de bascule au-delà desquels l’humidité au niveau du sol ne jouera plus son rôle dans le cycle de l’eau, contribuant notamment à l’asséchement du milieu.

[À lire aussi L’Amazonie vacille près du point de non-retour]

Florence Habets, spécialiste de l’eau et chercheuse du CNRS au Laboratoire de géologie de l’École normale salue le fait que cette étude rappelle que « la ressource en eau est très impactée par les activités humaines et que localement de nombreux points de bascule ont déjà été atteints ». Elle, qui n’a pas pris part à ces travaux, estime que ces derniers risquent de ne pas faire consensus et de susciter des débats. Elle commente : « cette étude poursuit un travail démarré il y a plus de 13 ans, qui à l’origine prenait en compte l’utilisation de l’eau par l’Homme. À l’époque, cette limite planétaire était considérée comme loin d’être dépassée, ce qui a beaucoup été critiqué. Là, avec cette nouvelle étude, l’idée est de proposer un nouveau critère : celui de l’humidité au niveau du sol. Elle permet de corriger une espèce de biais de confiance sur l’état de la planète par rapport à l’eau présent dans la première étude sur les limites planétaires ».

Un impact sur les ressources en eau

Le Stockholm Resilience Centre écrit ainsi dans un communiqué du 26 avril dernier accompagnant la publication d’une étude dans la revue Nature que « la conclusion [du fait que la limite du cycle de l’eau est dépassée] est due à l’inclusion pour la première fois de l’eau verte (l’eau disponible dans les plantes) dans l’évaluation de la limite ». Les volumes d’eau présents sur Terre sont constants, mais son état (liquide, solide ou gazeux), son accessibilité et sa qualité peuvent varier. Pour le moment, concernant l’autre paramètre, celui de « l’eau bleu », le Stockholm Resilience Centre estime que l’humanité est encore dans une zone sûre sur ses prélèvements. Selon Lan Wang-Erlandsson, auteur principal de l’étude qui souligne les liens forts entre l’eau, la biodiversité et le climat, « l’eau est l’afflux sanguin de la biosphère. Mais, nous avons profondément modifié le cycle de l’eau, cela affecte désormais la santé de toute la planète ».

Florence Habets, spécialiste de l’eau au CNRS précise : « cette étude permet de rappeler qu’on exerce une grosse pression sur la ressource en eau. Moins il y a d’eau, plus on veut la stocker et se l’approprier. Or, l’eau est une ressource indispensable et un bien commun. Il faut aussi se préoccuper de garantir sa qualité. Aujourd’hui, de nombreuses substances, des plastiques aux nitrates en passant par les pesticides polluent les eaux. »

Julien Leprovost

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2 commentaires

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    • Balendard

    La « Solar Water Economy » n’évoque que l’eau bleue », celle qui associe physiquement l’eau de surface des nappes phréatiques et celle des rivières. Ceci pour cumuler sans les mélanger leur potentiel thermique et satisfaire les besoins énergétique de notre plus grande métropole : Paris et sa proche banlieue.

    Quant à l’eau verte, celle qui transite par les végétaux terrestres et se manifeste par l’évapotranspiration elle ne fait l’objet d’aucune facturation. Cette phrase me fait penser à Danielle Mitterrand qui estimait elle aussi que l’eau est une ressource indispensable et un bien commun.
    « Quand tout sera privatisé on sera privé de tout » estimait-elle

    Si vous souhaitez savoir comment l’eau pourrait être associéee différemment et dans notre intérêt à l’énergie voir
    http://www.infoenergie.eu/riv+ener/1l'eau.pdf

    • Guy J.J.P. Lafond

    Très bonne réflexion. Merci.
    L’humidité au niveau du sol est en effet un facteur essentiel pour la santé des plantes et pour un cycle de l’eau vigoureux et résiliant aux quatre coins de la Terre.
    Et j’aimerais même rappeler ici que nous devons tous ne pas oublier le constat suivant:
    Quand nous brulons de manière excessive des énergies fossiles, nous envoyons dans l’atmosphère non seulement des gaz à effet de serre mais aussi des particules fines qui sont des “corps noirs” (c.-à-d. avec une valeur albédo de 0,00) qui éventuellement se déposent au sol. On ne les voit pas mais…
    @GuyLafond @FamilleLafond

    P.S.: À tous les citadins dans les grandes villes du monde, ce message s’adresse à vous: svp, à nos vélos, à nos espadrilles de marche! Svp, utilisons moins les voitures individuelles et plus les transports en commun afin de réduire nos émissions de polluants. Merci.