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L’économiste Maxime Combes : « remettre à plat l’ensemble des aides publiques au secteur privé et les conditionner à la mise en œuvre de la transition écologique »

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© Yann Arthus-Bertrand

Dans l’ouvrage « Un pognon de dingue mais pour qui ? L’argent magique de la pandémie » publié en mai au Seuil, l’économiste Maximes Combes et le journaliste Olivier Petitjean dénoncent la dérive de l’État-providence vers un État providence au service des entreprises. Ils déplorent notamment l’absence de contreparties environnementales aux aides publiques allouées durant la pandémie. Entretien avec Maxime Combes.

Dans le livre « Un pognon de dingue mais pour qui ? L’argent magique de la pandémie », vous avancez l’idée que le « welfare state » (l’État-providence) est remplacé par un « corporate welfare » (l’État-providence pour les entreprises), qu’est-ce que cela veut dire concrètement ?

Le terme « corporate welfare » a d’abord été utilisé par Ralph Nader aux États-Unis, on peut le traduire par État-providence pour les entreprises. Il désigne des aides et des soutiens favorables au secteur privé sans condition.  Le concept de « corporate welfare » rend compte de deux mouvements simultanés. D’une part, c’est depuis une trentaine d’années la restriction des droits sociaux classiques ouverts aux personnes, comme la Sécurité Sociale et ses différents dispositifs de soutien. Elle se traduit par une restriction du montant des aides ou de l’accès aux droits qui s’accompagne de plus d’exigences et de devoirs pour y être éligible. D’autre part, c’est dans le même temps l’augmentation des aides de l’État au secteur privé, en particulier aux entreprises. Ces aides ont explosé avec la pandémie. On compte plus de 2000 aides sans qu’il y ait de véritable suivi ou d’évaluation. Le montant de ces aides aux entreprises est évalué à 140 milliards d’euros, soit l’équivalent du montant des aides sociales. Surtout, ces aides sont débloquées sans qu’il y ait aucune conditionnalité pour la plupart d’entre elles. Les entreprises ont donc plus de droit sans qu’il n’y ait plus d’exigence d’efficacité ou de résultats.

Pourquoi avoir retenu l’expression « coporate welfare » ?

Nous préférons parler de « coporate welfare » plutôt que du « grand retour de l’État interventionniste » comme certains l’ont fait durant la pandémie car la nature des interventions de l’État n’est plus la même. Nous pensons en effet que, par rapport aux « trente glorieuses », l’intervention de l’Etat ne se fait plus en faveur des assurés sociaux ou des services publics mais des entreprises. Les aides publiques aux entreprises ont augmenté 5 fois plus vite que le PIB et 3 fois plus vite que les aides sociales sur les 15 dernières années. Les aides sociales ne représentent que 0,8 % du plan de relance post-pandémie, c’est à se demander qui sont les vrais assistés.

« Les aides publiques aux entreprises ont augmenté 5 fois plus vite que le PIB et 3 fois plus vite que les aides sociales sur les 15 dernières années. »

Est-ce que cela revient à dire que la bonne santé économique et la seule croissance restent les objectifs prédominants de l’État au détriment du reste ?

L’exécutif a montré durant la pandémie que le « quoi qu’il en coûte » visait à sauvegarder l’appareil productif français tel qu’il était, « quoi qu’il en coûte », pour qu’il soit prêt à regagner au plus vite des parts de marché. Nos données montrent que les grands groupes français ont profité à la fois de la pandémie et la sortie de la pandémie. Ils ont fait des résultats spectaculaires sans pour autant changer la nature de l’appareil productif pour le rendre compatible avec les enjeux écologiques. L’absence de conditionnalité des aides a permis aux grands groupes de supprimer des emplois, 30 000 en 2020 et 17 000 en 2021.

« Les grandes entreprises et des secteurs entiers de l’économie ont profité durant ces 2 années de pandémie pour tempérer les velléités des pouvoirs publics de réguler en matière d’écologie. »

Pour étayer cette idée, vous prenez en exemple le fait que les entreprises ont obtenu des aides sans contrepartie d’amélioration environnementale. Qu’est-ce que le développement de ce « corporate welfare » signifie donc en termes d’économie et d’écologie ?

Les grandes entreprises et des secteurs entiers de l’économie ont profité durant ces 2 années de pandémie pour tempérer les velléités des pouvoirs publics de réguler en matière d’écologie. Elles ont bénéficié de l’absence de contrepartie aux aides. Les grands groupes ont fait en sorte que le plan de relance serve leurs intérêts au lieu de financer la transition écologique. Alors qu’ils battent des records de rentabilité et de profits, 160 milliards d’euros, les grands groupes « corona-profiteurs » disent qu’ils n’ont pas les moyens de lutter contre le réchauffement. Ce mois-ci, le MEDEF a sorti une étude pour dire que la transition va coûter des dizaines de milliards d’euros dans les années à venir et réclame à l’État un soutien afin de réaliser ces investissements. De fait, la transition écologique est renvoyée aux calandres grecques ou bien sert de levier de négociations pour obtenir de nouveaux avantages, de nouvelles aides et plus de soutien aux entreprises de la part du gouvernement.

Comment financer la transition ?

Il faut taxer les profits exceptionnels et les revenus des plus riches qui ont profité d’une calamité publique pour s’enrichir. Cela permettrait de financer une partie de la transition ainsi que les services publics. Il faudrait aussi, cela me semble le levier d’action le plus important, remettre à plat l’ensemble des aides publiques au secteur privé et les conditionner à la mise en œuvre de la transition écologique. On entend souvent que les pouvoirs publics sont relativement impuissants à exiger des acteurs privés qu’ils s’engagent pour la transition écologique. Nous disons que ce n’est pas le cas : la France est un cas très particulier dans le monde puisque c’est le pays de l’OCDE qui accorde le plus d’aides publiques au secteur privé. Du coup, il faudrait plutôt voir ces aides comme un levier puissant que l’État pourrait activer pour obliger les entreprises à revoir leurs appareils productifs pour qu’ils soient plus respectueux du climat et de la biodiversité. Cela devrait être l’Alpha et l’Omega de toutes les politiques publiques.

 Propos recueillis par Julien Leprovost

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Un commentaire

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    • Guy J.J.P. Lafond

    Bonne réflexion. Merci!
    Au Canada aussi, nous pouvons observer année après année ces mêmes tendances malsaines.
    Et je suis moi-même un exemple vivant de ce genre d’abus de nos élus.
    Je travaille pour la fonction publique fédérale depuis 2001.
    Au cours des dix dernières années et parce que je promeus vigoureusement une diminution de l’exploitation et de l’exportation des énergies fossiles, mon employeur, la fonction publique fédérale du Canada, cherche à me congédier. Et une grande banque à charte – qui appuie financièrement d’autres entreprises destructrices de notre environnement simplement pour enregistrer des records de profits financiers – a vendu ma maison à Ottawa sans mon accord en attendant de résoudre un arbitrage avec mon employeur.
    Je continue de croire qu’il est grand temps de “mettre le poing sur la table” dans tous les pays de la Terre et de réclamer les bonnes réformes pour l’avenir des enfants.
    En cette Journée mondiale de l’environnement, action svp!
    @GuyLafond
    https://mobile.twitter.com/UNBiodiversity/status/1395129126814691329

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