Vous les connaissez pour leur émission Nus et Culottés sur France TV dans laquelle ils se mettent dans des situations de voyage hors du commun. En 2022, ils entament la dixième saison de leur programme désormais culte. Nans et Mouts de Nus et Culottés ont accepté de répondre à quelques questions lors de leur passage à la Fondation GoodPlanet. L’occasion pour nous de leur demander ce que voyager durable signifie pour eux. Et, les réponses, que les Nus et Culottés apportent; vont au-delà de l’écologie pour aborder des sujets plus intimes et philosophiques.
Qu’est-ce que cela signifie pour vous de voyager autrement ?
Nans : Voyager autrement, c’est avant tout voyager avec de nouveaux rêves et redécouvrir les choses proches de soi comme les paysages, les gens et les cultures qu’on croit connaître. Nous avons passé les dix dernières années à redéfinir l’imaginaire du voyage tant pour nous que pour les personnes qui nous suivent. Avant, pour moi dans mon imaginaire, voyager bien consistait à aller loin et longtemps. À cette époque-là, on parlait alors très peu de voyages courts et locaux. Ce n’est pas facile de redécouvrir la simplicité. C’est d’autant plus curieux que cela demande de retrouver un regard d’enfant. Enlever nos vêtements et se soustraire de l’argent nous y aide, cela nous met dans un état de vigilance et d’attention décuplées. Ainsi, nous sommes plus attentifs à ce que nous vivons et voyons.
« Le pétrole, qui est une énergie puissante, nous ment en nous faisant croire qu’on peut avaler les kilomètres sans que cela ait un impact. »
Nans : J’ajouterais que sans vêtements, sans moyen de locomotion, nous sommes volontairement vulnérables. Cela nous plonge dans la nécessité de l’autre. Être dans le besoin de l’autre apporte autre chose et permet de faire de superbes découvertes. Car, en ayant besoin de l’autre, nous ne sommes jamais en terrain conquis. De fait, nous ne pouvons pas arriver avec des jugements préétablis sinon cela risque de tourner à l’échec. Oser choisir la vulnérabilité est donc notre manière à nous de voyager autrement. Pour nous, c’est partir nus et sans argent. Mais, pour d’autres personnes, cela peut simplement consister à se rendre dans un pays dont elles ne maîtrisent pas la langue. Là, quand on est vulnérable, le voyage devient magnifique.
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Est-il possible de voyager « sobre », c’est-à-dire avec une faible empreinte environnementale, selon vous ?
Mouts : Choisir des voyages plus locaux permet de s’affranchir de l’avion voire d’un véhicule à moteur. Il y a une beauté à se retrouver à voyager à pieds ou à vélo puisqu’on retrouve un rythme naturel. Le pétrole, qui est une énergie puissante, nous ment en nous faisant croire qu’on peut avaler les kilomètres sans que cela ait un impact. Avec nos seules jambes pour se propulser, nous retrouvons notre humanité, à la fois sa puissance et ses limites, son agilité et sa fatigue. Quand j’avale des centaines de kilomètres en voiture, en train ou en avion, je ne me sens pas puissant tandis qu’après avoir parcouru 15 km de vélo, rencontrer le relief, je me sens fatigué mais puissant. Et notre corps ressent une forme de satisfaction. Au bout de X kilomètres d’efforts à pieds ou à vélo, nos jambes nous disent qu’en fait c’est bien !
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« La société étouffe les aspirations personnelles et c’est difficile de les garder vivantes et vibrantes dans un monde où tout tourne autour de l’efficacité et du travail. »
Justement, pour aller plus loin sur le sujet, que vous ont appris toutes vos expériences de voyage atypique afin de réduire l’impact environnemental du voyage ?
Nans : J’ai l’impression que 10 années de nus et culottés m’ont mis en paix avec ma sensibilité. J’ai appris à arrêter de la voir comme un problème qu’il fallait gérer, contenir voire cacher. Je la perçois désormais comme un super pouvoir au service de la vie. Il faut en prendre soin grâce aux liens avec les autres et aussi grâce à la solitude. Il faut être à l’écoute de la sensibilité afin de faire des choix éclairés.
« Sans dialogue, sans échange, la colère et la frustration deviennent de mauvaises réactions. »
Mouts : Nous ne sommes pas des militants au sens politique du terme. Pourtant, avec notre posture de vagabonds, nous portons un message humaniste. Il faut des espaces d’action, toutefois préalablement des espaces pour ressentir et réfléchir s’avèrent nécessaires. Sans dialogue, sans échange, la colère et la frustration deviennent de mauvaises réactions. La parole permet de réaliser qu’on n’est pas seul à ressentir, à expérimenter et à vivre telle ou telle émotion. Cela se révèle important à notre époque. Face à l’éco-anxiété, au changement climatique, il faut savoir que nous ne sommes pas seuls au fond de notre trou. Derrière le chagrin face à érosion de la biodiversité et le réchauffement, il y a une bonne nouvelle celle : nous prenons conscience de l’interdépendance du vivant et il est possible d’agir avec l’autre. S’en remettre à l’autre permet aussi d’aller au-delà de sa propre survie et donne l’opportunité de créer du partage et par extension des liens.
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Avez-vous un conseil pour celles et ceux qui voudraient se lancer dans des voyages hors des sentiers battus du tourisme de masse ?
Nans : Avant de donner un conseil, je voudrais féliciter les gens qui ont une telle envie car ce n’est pas facile de la maintenir dans un monde qui pousse à avoir des projets rationnels. La société étouffe les aspirations personnelles et c’est difficile de les garder vivantes et vibrantes dans un monde où tout tourne autour de l’efficacité et du travail. Ensuite, il suffit de savoir que pas loin de chez soi, en France, il y a coin qui peut répondre à 90 % de ce dont vous avez besoin. Donc, ceci dit, mon conseil sera d’y aller tranquillement. En effet, il n’est pas question de sortir de sa zone de confort brutalement mais de le faire solidement, un pas après l’autre. Je comprends bien que faire du stop ou dormir chez des inconnus à l’improviste n’est pas pour tout le monde, mais il existe des alternatives sécurisées comme le covoiturage ou le couchsurfing. J’incite vraiment tout le monde à trouver son rythme à soi pour faire le plus beau des voyages.
« »Il suffit de savoir que pas loin de chez soi, en France, il y a coin qui peut répondre à 90 % de ce dont vous avez besoin. »
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Avez-vous un dernier mot pour la route ?
Mouts : J’ai l’impression qu’on est programmé par une sorte de GPS qui indique la joie. La joie peut amener vers de multiples activités. La joie est là où l’âme a profondément besoin d’aller pour grandir, pour s’éveiller au monde et s’épanouir.
Nans : C’est délicat car la joie ne correspond pas forcément au plaisir. Il faut avoir conscience que des choses qui nous font plaisir peuvent au bout d’un moment nous anesthésier surtout si elles sont consommées à l’excès, par exemple, trop manger certaines nourritures ou regarder sans arrêt le téléphone. La joie peut se montrer inconfortable.
« La joie est là où l’âme a profondément besoin d’aller pour grandir, pour s’éveiller au monde et s’épanouir. »
Mouts : Le livre de Frédéric Lenoir « La puissance de la joie » m’a beaucoup aidé à distinguer la joie et le plaisir. La joie peut nous mener dans des endroits inconfortables comme partir à poil. La joie permet d’oser faire quelque chose qui grandit en nous, même si cette chose propre à chacun d’entre nous n’est reconnue par personne.
Propos recueillis par Maud Bordeau et Julien Leprovost
Pour aller plus loin
À propos de la Fondation GoodPlanet
La Fondation GoodPlanet œuvre depuis 15 ans sur le terrain afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et protéger la biodiversité. Découvrez son calculateur carbone, son programme Action Carbone Solidaire et son engagement pour une alimentation plus durable respectueuse du climat.
La page du rapport du dernier rapport AR6 Climate Change 2022: Mitigation of Climate Change du Giec sur le site du Giec
S’émerveiller de la biodiversité, mieux comprendre le Vivant : venez découvrir, en famille et gratuitement, dès le samedi 9 avril la nouvelle exposition de la Fondation GoodPlanet Vivant.
« Vivant », la toute nouvelle exposition de la Fondation GoodPlanet
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