Corentin de Chatelperron est parti 6 ans en voilier faire un tour du monde à la découverte des low-tech à chacune de ses escales. Avec son association Low-Tech Lab, cet ingénieur fait la promotion de technologies à même de réduire notre empreinte écologique. À l’occasion de son passage à Paris et du festival Kesako qui se tient à Concarneau jusqu’au 3 juillet 2022, nous l’avons rencontré pour mieux saisir la portée des low-tech.
Que retenez-vous de votre tour du monde des low-tech ?
Notre intuition de départ de trouver autour du monde des innovations low-tech s’est révélée une bonne idée. En effet, de nombreuses innovations low-tech sont trop peu connues alors qu’elles sont utiles, accessibles et appropriables localement à la différence de la high-tech. De plus, elles se montrent durables, écologiques et respectueuses des humains et de la planète. Les low-tech gagnent donc à être reconnues. C’est aussi plus mâlin de miser sur des initiatives et des solutions locales pour relever les défis globaux. Cela permet de disposer de milliers de solutions développées localement et ancrées dans une culture et une économie locales dont ces solutions bénéficient des ressources et des compétences disponibles sur place sans avoir à aller les chercher à l’autre bout du monde.
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Quelles low-tech ramenées de votre voyage sont en mesure d’aider la France à s’adapter au réchauffement climatique ?
La végétalisation de la ville me semble la meilleure option. À Singapour, par exemple, ils ont végétalisé les toits pour produire de la nourriture. Cela apporte plus de fraîcheur en ville tout en permettant de produire localement une partie de la nourriture consommée et de réduire le transport.
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« L’idée d’un futur high-tech est née à une époque de forte croissante économique durant laquelle les contraintes sur les ressources et l’environnement n’étaient pas encore perçues et perceptibles. »
Quelles low-tech pour réduire la consommation d’énergie ?
Notre équipe a fait un tour de France des innovations low-tech. Elle a ensuite conçu une tiny house, une petite maison, avec 12 de ces low-tech afin de réduire la consommation énergétique de l’habitat grâce au solaire pour chauffer l’eau ou l’air. De plus, de nombreuses techniques de conservation des aliments permettent de réduire l’utilisation du réfrigérateur. Ces technologies servent à réduire la consommation d’énergie. Le chauffage représente près de 80 % de la consommation d’énergie d’une habitation.
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Comment favoriser le développement et la redécouverte des low-tech dans notre pays alors que le discours sur l’innovation porte avant tout sur le high-tech et l’économie numérique ?
Le désir d’aller vers un futur high-tech éloigne l’envie des gens d’aller vers un futur low-tech. Or, l’idée d’un futur high-tech est née à une époque de forte croissante économique durant laquelle les contraintes sur les ressources et l’environnement n’étaient pas encore perçues et perceptibles. Face au réchauffement, à l’érosion de la biodiversité et au manque de ressource, la vision du futur high-tech se montre maintenant obsolète. Il faut donc réinventer un futur prenant en compte les limites de la planète, la taille de la population et rendre cette vision viable. Les jeunes n’ont plus envie de contribuer à rendre le monde injuste et invivable. C’est pourquoi en réduisant les impacts des activités humaines, la low-tech peut contribuer à rendre le monde de demain viable et désirable.
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« La vision du futur high-tech se montre maintenant obsolète. »
Au-delà de la curiosité des ingénieurs et des bricoleurs, comment faire en sorte que la low-tech séduise et convainque le grand public au quotidien ? Est-ce qu’une low tech en particulier pourrait se généraliser rapidement en France pour sortir de l’idée qu’il s’agit d’un truc de personnes à la recherche d’une autonomie totale et être la porte d’entrée à une autre manière de penser la technologie pour faire en sorte que cette dernière aille vers plus de sobriété et moins d’intensité ?
Je ne pense pas qu’une low tech en particulier parvienne à séduire. Toutefois, au terme de notre tour du monde de 6 ans, nous présentons notre bateau au public à Concarneau et c’est amusant de voir leur réaction en fonction des innovations low-tech présentées. Pour les adolescents, l’effet waouh se produit quand ils passent sur notre pédalier. Ils se rendent compte qu’en faisant du sport ils produisent de l’électricité et peuvent ainsi recharger 8 portables d’un coup. Ils trouvent extraordinaire de faire du sport utile en rechargeant son portable.
Pour des personnes d’une autre génération, le compost organique de quelques mètres carrés avec ses larves de mouches qui sont mangées par des grillons tandis que le compost servait d’engrais pour faire pousser des plantes comestibles suscite l’effet waouh. Pour eux, l’étonnement vient de ce circuit si court capable de recycler les déchets tout en produisant de la nourriture sur une surface restreinte.
La limite de la low-tech ne réside-t-elle pas dans sa complexité d’usage tandis que la high-tech repose sur la simplicité d’usage en proposant toujours plus de confort ?
Oui et non. Prenons l’exemple des machines à café.
La machine à café où il y a juste à appuyer sur un bouton cache en fait une grande complexité. Elle n’est pas apparente pour l’usager, qui prépare et obtient ainsi un excellent café. Or, la complexité d’une telle machine est gigantesque car il y a dedans des pièces venues du monde entier et sa complexité la rend difficilement réparable.
Une cafetière moins avancée technologiquement donne aussi un bon café, mais il faut bien conserver ses grains pour préserver l’arôme, les moudre une fois par semaine, chauffer l’eau soi-même au four solaire ou au réchaud, préparer un filtre. Il y a moins de complexité derrière le bouton, d’ailleurs il n’y en pas. Cela nécessite juste du temps et un peu de connaissances. Les low-tech demandent d’acquérir un peu de savoir-faire. Mais, cet apprentissage permet ensuite d’être plus autonome parce que en connaissant le fonctionnement d’une machine, on peut les réparer plus aisément. Sans compter que ces savoir apportent une grande satisfaction personnelle, il m’a fallu par exemple des années avant d’avoir la main verte.
Dès lors, comment intégrer la low-tech à l’éducation ?
Il faut réaliser que même si on fait face à l’urgence écologique, changer les modes de vie est un défi qui prendra des années à relever. Et sans doute l’un des plus grands challenges auxquels l’humanité a été confrontée. Une fois qu’on a fait le deuil du fait qu’on ne pourra pas changer très rapidement, on réalise que l’éducation est le meilleur moyen de changer les choses en profondeur. Nous essayons donc de voir comment, avec les écoles et les enseignants, on peut aider les jeunes à apprendre tous les savoir-faire nécessaires, dont ceux liés aux low-tech.
« Une fois qu’on a fait le deuil du fait qu’on ne pourra pas changer très rapidement, on réalise que l’éducation est le meilleur moyen de changer les choses en profondeur. »
Avez-vous un conseil pour celles et ceux qui veulent se lancer dans la low-tech ?
Il existe une communauté très active et une documentation fournie. Notre site du Low-Tech Lab.og propose plus de 150 tutos, dont certains en vidéo, avec leur prix, leur difficulté, le matériel nécessaire et le détail des étapes. C’est un bon moyen de se lancer seul, sinon allez voir les low-tech lab, on en trouve une trentaine en France.
Avez-vous un dernier mot ?
Nous devons réinventer le futur. Le meilleur moyen d’y parvenir est d’expérimenter, de tester de façon pratique. Il y a de nombreuses manières d’être plus durable et chacun peut trouver la sienne : entre les végans, les minimalistes, les néo-ruraux, le mouvement zéro-déchet. Chacun apporte sa contribution et enrichit et inspire les autres grâce à son expérience. Tout le monde peut expérimenter et devenir un explorateur des nouveaux modes de vie.
« Tout le monde peut expérimenter et devenir un explorateur des nouveaux modes de vie. »
Propos recueillis par Julien Leprovost
Pour aller plus loin
Le site du Low-Tech Lab
Un des tutoriels de la chaîne consacré au frigo du désert
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