Près d’un article sur 2 (47 %) publié entre 2010 et 2020 dans la presse en ligne à propos des araignées contient des erreurs, tandis que 43 % sont jugés sensationnalistes. Des scientifiques spécialistes des arachnides ont voulu comprendre comment des informations trompeuses sur les araignées se diffusent. Pour ce faire, ils ont passé au crible les articles consacrés aux araignes et à leurs interactions avec les êtres humains, c’est-à-dire principalement les rencontres et les morsures. Les auteurs de cette étude publiée dans la revue Current Biology en aout 2022 soulignent que le sensationnalisme favorise tant leur diffusion que la diffusion de fausses informations sur les araignées. Leur travaux ont porté sur l’analyse de 5348 contenus mis sur Internet dans une quarantaine de langues et publiés dans 81 pays.
Articles sensationnalistes ou alarmistes sur les araignées
L’équipe de chercheurs, spécialiste des araignées, note que la plupart de ces articles reposent d’abord sur les émotions suscitées par les animaux comme la crainte ou le dégout, qui peuvent être des réflexes de protection, fruits de l’évolution chez l’humain. Ils admettent aussi être surpris par la viralité de certaines informations relatives aux araignées en citant notamment, un exemple parmi d’autres, la morsure d’un fermier par une araignée couverte par la presse locale en Australie qui a ensuite été relayée rapidement autour du monde. En revanche, ils déplorent que le sensationnalisme de tels articles soit alimenté par le fait que les journalistes auteurs n’ont pas consulté un expert des araignées mais plutôt un médecin ou un autre spécialiste. Cités par ScienceDaily, Stefano Mammola du conseil national pour la recherche en Italie et Verbania Pallanza du Museum Nationale d’Histoire Naturelle de Finlande et de l’Université d’Helsinki résument ainsi la situation : « la qualité des informations sur les araignées dans la presse mondiale est plutôt pauvre : les erreurs et le sensationnalisme sont endémiques. Ils se répandent grâce à l’interconnexion des réseaux. La diffusion de cette mauvaise information résulte d’un nombre limité de facteurs parmi lesquels la tonalité sensationnaliste des sujets est sans doute le plus important ».
La persistance de cette désinformation contribue à entretenir la mauvaise réputation des araignées et alimente un sentiment d’arachnophobie. La mauvaise représentation des araignées dans les médias et dans l’inconscient collectif n’aide pas à la cohabitation entre ces bêtes à 8 pattes et les humains. Elle complexifie la mise en place de mesures de préservation et de protection. La mauvaise image d’un être vivant (humain, animal, végétal) provoque souvent des incompréhensions, notamment sur le rôle d’une espèce dans un écosystème, et des comportements excessifs défavorables au vivre-ensemble. « Il serait intéressant d’explorer de la même manière les représentations d’autres organismes dont des animaux vénéneux mais non stigmatisés, par exemple les abeilles, ou encore des animaux vénéneux craints, comme les serpents », suggère Stefano Mammola. « Le même exercice permettrait de voir si la désinformation et le sensationnalisme sont au même niveau sur un plus large panel d’espèces. Et de voir ainsi si une perception négative dans les médias se traduit par une baisse de priorisation dans les mesures de protection, et inversement. »
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La perception d’une espèce, un enjeu important pour la préservation de la biodiveristé
Cette recherche rappelle le rôle déterminant d’une information de qualité dans le débat démocratique et la prise de décision collective, à laquelle la préservation de la biodiversité n’échappe pas. Les experts le savent bien, il est plus aisé de défendre les espèces qui attirent la sympathie que les autres. La mauvaise image d’un animal (loups, vautours, requins…) peut entraver les efforts de conservation en sa faveur tandis que la sympathie envers une autre peut bénéficier à tout un écosystème s’il s’agit d’une espèce parapluie c’est-à-dire une espèce dont le territoire est si conséquent que sa protection bénéficie à l’ensemble des espèces qui y vivent (par exemple protéger le panda bénéficie à toutes les espèces vivant dans les forêts de bambous). Pourtant, dans les interconnexions du vivant, toutes les espèces sont importantes.
Julien Leprovost
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