Plus de la moitié des répondants à une enquête sur l’éco-anxiété chez les jeunes déclarent ressentir de la colère en réaction aux crises écologiques et aux angoisses qu’elles provoquent. Un sur deux reconnaît à leurs parents un rôle dans la sensibilisation aux enjeux environnementaux tandis que le tiers d’entre eux « datent le début de leur préoccupation au lycée », selon les auteurs d’une étude sur l’éco-anxiété chez les jeunes pour la Fondation Jean Jaurès et le Forum français pour la jeunesse. Elle estime que l’état d’esprit des éco-anxieux oscille entre « angoisse, colère et résignation » tout en notant leur capacité à se mobiliser pour changer leur « stratégie carbone individuelle », c’est-à-dire leurs comportements pour réduire leur empreinte écologique. Par exemple, 70 % des jeunes qui ont participé aux entretiens déclarent adopter un régime alimentaire réduisant ou restreignant les produits carnés, un des moyens les plus souvent cités pour rapidement diminuer l’empreinte carbone.
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« Les 18-30 ans vivront l’ensemble de leur vie dans un monde touché par le réchauffement climatique, c’est pourquoi notre étude se focalise sur eux », explique Théo Verdier. Agé de 29 ans, le co-directeur de l’Observatoire Europe à la Fondation Jean Jaurès résume : « les éco-anxieux développent une forme d’éco-colère qui se traduit par un ressentiment envers ceux qui ont le pouvoir, les États et les entreprises. Ils déplorent un écart entre l’urgence et l’inaction. ». Il ajoute que plus les manifestations du changement climatique seront visibles « plus on sera nombreux à faire le même parcours que les éco-anxieux de l’étude à passer de la préoccupation à l’inquiétude et on sera plus nombreux à ressentir ce que les membres du panel étudié ressentent. » Ce qui peut avoir, selon lui, un impact sur l’intime, comme la décision de faire ou non des enfants.
La Fondation Jean Jaurès a réalisé 34 entretiens sociologiques avec des jeunes âgés de 18 à 30 ans afin d’explorer en détail la parole de cette génération confrontée à l’éco-anxiété. Les répondants ont été retenus parce qu’ils affichaient une grande inquiétude à propos de l’environnement. Même si la taille de l’échantillon est réduite et pose des questions de biais et de représentativité (majorité de femmes, de personnes se déclarant à gauche et ayant un haut-niveau d’études supérieures), ce type de travaux présente d’autres avantages, d’un point de vue méthodologique, pour comprendre la partie de la jeunesse confrontée à l’éco-anxiété. « Ces biais, on les reconnaît, ils font partie de l’étude », concède Théo Verdier. « Elle permet de voir et de comprendre d’autres choses, comme les stratégies carbones individuelles ou de quantifier le nombre de végétariens ou de flexitariens. » Il ne s’agit en effet pas d’un sondage d’opinion dans lequel les réponses sont proposées aux répondants, mais d’échanges dirigés dont les auteurs tirent des grandes lignes et relèvent des tendances voire des contradictions. L’intérêt de la démarché réside donc dans ce que les gens disent et ce que cela dit. L’enquête, Dans la tête des éco-anxieux Une génération face au dérèglement climatique conduite par Marie Caillaud, Rémi Lauwerier et Théo Verdier, est publiée mardi 25 octobre. Elle offre cependant un portrait d’une jeunesse éco-anxieuse.
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Les auteurs notent d’ailleurs que « il n’existe pas encore de consensus sur le nombre de Français qui pourraient se considérer comme éco-anxieux. Il y a toutefois fort à parier que leur nombre va croissant, comme le démontre leur préoccupation grandissante sur ce thème révélée par les études d’opinion1.En ce sens, ces travaux donnent à voir les ajustements réalisés par des individus aux prises avec leurs paradoxes, partagés entre la nécessité de continuer à vivre dans une société qui consomme plus que ce que la Terre peut leur fournir et la volonté de s’engager pour faire partie de la solution. »
Théo Verdier voit l’éco-anxiété « non pas comme une pathologie mais comme le marqueur d’une prise de conscience. Néanmoins, elle peut aller jusqu’à avoir des effets pathologiques, tels que la dépression, les envies suicidaires ou le besoin de s’anesthésier. Des répondants nous en ont fait part. Dans ce cas, ces conséquences nécessitent d’aller consulter un professionnel de santé. »
Ce que dit la parole des jeunes éco-anxieux
La variété des réponses donne à voir des fluctuations, des contradictions et des incertitudes. Les auteurs de l’étude remarquent en effet que « 18 répondants du groupe d’étude citent la colère comme l’une des principales émotions associées à la perspective du dérèglement climatique ». Puis, ils nuancent : « l’appréhension suit toutefois un mouvement sinusoïdal, des phases de pic et des périodes où « on doit continuer à vivre » – une formule employée dans des termes similaires par13 répondants ».
« Je ressens de la colère et de la peur. De la colère envers les politiques, les institutions, les industries », leur a déclaré Mélodie, 19 ans, dont son témoignage cité dans l’étude. Son propos illustre un ressenti et un sentiment d’impuissance partagé. « Ce qui est extrêmement dur, c’est de ne pas être entendue et comprise par ceux qui peuvent faire changer les choses. On peut tous agir individuellement, mais il faut une grosse part de collectif et ça passe par le gouvernement et l’État. On peut faire ce qu’on veut, ils s’en foutent. Ça me fait péter un câble quand je me demande comment ils peuvent voir ça et ne rien faire. »
Cette angoisse touche à l’intime et au quotidien. Lors de son entretien, Camille, 24 ans, raconte : « j’ai ressenti un énorme sentiment d’angoisse quand ma mère m’a emmenée faire les soldes cette année, parce que je n’avais effectivement plus de vêtements. J’ai commencé à me sortir ces idées de la tête. J’ai choisi des vêtements canons. Et puis ça m’a pris… C’était comme de la tétanie, je me suis dit que je ne pouvais pas. J’avais l’impression de tuer quelqu’un. J’ai posé les articles et j’ai dit à ma mère qu’il fallait que je m’en aille, que j’allais craquer ».
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Une anxiété nourrie par l’omniprésence des sujets environnementaux depuis l’enfance
Le fait que la crise écologique prenne de l’ampleur, mais apparaisse aussi comme un problème qui les a accompagnés toute leur vie participe à l’angoisse des jeunes et au sentiment d’impuissance. Ils disent entendre parler du climat et de la biodiversité depuis l’enfance. L’étude reprend ainsi la parole de Mélissa, qui raconte : « à l’occasion de la sortie du dernier rapport du GIEC, j’ai vu un tweet qui disait : “Ah, je lisais déjà ça dans Astrapi en 2005.”Effectivement, je suis née en 1997 et j’ai l’impression d’être née dedans. »
La thématique est, pour eux, comme un bruit de fond latent. Il s’avère à la fois une urgence vitale et un domaine où la situation évolue peu. Ainsi, sur la trentaine d’interviewés par la Fondation Jean Jaurès et le Forum français pour la jeunesse, 6 répondants « disent ressentir une forme de désespoir face à l’aspect inexorable du changement climatique. »
Mais, une partie de la jeunesse ne reste pas passive à ne rien faire. Elle l’a démontré ces dernières années avec les marches pour le climat ou en changeant leurs habitudes. Les sociologues derrière l’étude de la Fondation Jean Jaurès soulignent le fait qu’un grand nombre des jeunes interrogés privilégient l’action individuelle. Elle prime sur la mobilisation collective. Les sociologues parlent alors de « stratégie carbone individuelle » ou « SCI ». Selon eux, les 18-30 ans ont intégré le rôle des gestes personnels. « Le développement d’une SCI tient, selon les répondants, du processus conscient […]. Les changements de comportement évoqués par les répondants tiennent parfois aux actes les plus simples, comme l’achat en circuit court ou une stricte attention au tri des déchets. Tous, néanmoins, font état d’une réflexion qui modifie leur quotidien et, pour certains, influe sur leur vie, en réorientant leur alimentation, leurs fréquentations, leur lieu de résidence et leur carrière », affirme l’étude Dans la tête des éco-anxieux Une génération face au dérèglement climatique. Aujourd’hui, une des manifestations de ces transformations dans les habitudes se retrouve dans l’alimentation avec un rapport différent à la consommation de viande qui est loin d’être une évidence au sein de la jeunesse éco-anxieuse. En d’autres termes, 70 % des éco-anxieux interrogés sont végétaliens, végétariens ou flexitariens.
Théo Verdier, un des pilotes de l’étude pour la Fondation Jean Jaurès, précise qu’avec leur SCI « les citoyens deviennent des calculateurs écologiques » Il admet aussi que le panel est constitué de personnes qui choisissent en premier lieu l’action individuelle, plus dotées en capital économique et culturel, elles tendent à prioriser l’action en faveur du climat sur d’autres préoccupations.
De plus, les auteurs écrivent : « 11 participants ont cité une étude selon laquelle les actions individuelles représentent 25 % des efforts nécessaires à la réduction de l’empreinte climatique. Cette publication du cabinet Carbone 4 présente en réalité deux scénarios à cet égard : en cas d’engagement « héroïque » des individus, leur part serait de 45 %, en cas d’engagement « réaliste », cette part retomberait à 20 %1. » Ensuite, les sociologues soulignent également que « une part importante du groupe d’étude est donc consciente de la portée restreinte, mais réelle de l’action individuelle. Plusieurs notent toutefois l’ambivalence de la notion d’action individuelle ». Une des interviewés, Agathe, 24 ans, leur a, par exemple, confié : « je ressens une certaine frustration parce que je me dis que je ne peux pas tout faire à ma petite échelle ». À cela s’ajoute la difficulté de tenir sur la durée de tels efforts. Cet engagement individuel produit une forme de lassitude même s’il est jugé nécessaire. « « J’ai des vers de terre dans ma cuisine. Je recycle les poils de mon chat pour faire des coussins. Ça va trop loin, mais j’en ai besoin », Mathilde, 27 ans, qui décrit la fatigue d’un engagement permanent, chaque effort pouvant être prolongé ou complété.», selon l’étude.
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Les réponses de la Fondation GoodPlanet face à l’éco-anxiété de la jeunesse
Hasard du calendrier, l’étude de la Fondation Jean Jaurès est publiée une semaine après le lancement de CAP 2030 par la Fondation GoodPlanet, un programme destiné à développer l’éco-citoyenneté chez les jeunes. Par l’intermédiaire du concours Résonances, les 15-25 ans sont notamment appelés à proposer une création (texte, vidéo, musique, illustration, photographie) sur une plateforme dédiée sur Internet sur le monde qu’ils imaginent pour demain. Perrine Judenne, responsable du projet CAP 2030 au sein de la Fondation GoodPlanet (elle n’a pas pris part à l’étude de la Fondation Jean Jaurès) estime qu’il faut répondre à ce sentiment d’urgence et d’anxiété en donnant à la jeunesse des moyens de s’emparer des sujets écologiques et sociétaux : « il faut être ambitieux et lutter contre ce sentiment d’impuissance en aidant la jeunesse à se réapproprier les émotions pour qu’elles ne se limitent pas à l’anxiété. Avec CAP 2030 et Résonances, l’objectif est que les émotions deviennent quelque chose de plus positif en permettant aux jeunes de devenir des acteurs du changement. Plutôt que d’être seulement dans la position de recevoir de l’information, ils doivent être dans celle de ceux qui savent comment passer à l’action. Et de le faire, en s’exprimant, en imaginant, à leur manière et avec leurs outils, la société de demain dans laquelle ils désirent vivre. »
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Julien Leprovost
Pour aller plus loin
Consulter l’étude de la Fondation Jean Jaurès et du Forum français de la jeunesse Dans la tête des éco-anxieux Une génération face au dérèglement climatique
Pour en savoir plus, le site de Cap2030 et participer à Résonances
Les Français prêts à réduire leur consommation de viande, selon un sondage du Réseau Action Climat
La parole des jeunes grévistes du climat et pour aller plus loin dans ce sujet, nous vous recommandons sur France Culture Fridays for Future : la grève
L’opinion publique internationale face à la sévérité du réchauffement climatique
2 commentaires
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Guy J.J.P. Lafond
Très bon papier. Merci!
La prise de conscience est bel et bien amorcée chez de jeunes francophones. Bravo!
« Le devoir est mon droit, la conscience mon maître”, disait Alexander Mackenzie ( 1822-1892 – 2e premier ministre du Canada)
Nous sommes de plus en plus conscient que nous devons et nous allons réparer le climat. Cela passera inévitablement par une meilleure gestion de nos ressources naturelles sur Terre. Cela s’effectuera aussi par la démonstration de plus de sobriété et par des décisions plus responsables à l’échelle de la planète.
Devant les États et les entreprises, un troisième joueur se lève et n’a pas l’intention de donner sa place. C’est la société civile! C’est le pouvoir citoyen. Choisissons nos combats. “Pick your battles!”, disent les anglophones.
Et nous la société civile, nous aurons gagné notre paris quand les glaciers recommenceront à se former d’une année à l’autre. Car l’eau potable assure la vie sur Terre. Ne l’oublions jamais, les réserves d’eau potable se trouvent aussi et surtout dans les glaciers. En ne perdant pas de vue cette condition, nous savons mieux comment faire avancer notre plan d’action dans le fonctionnement et la protection de la vie de tous les jours:
A – Arrêter le gaspillage effréné de nos énergies fossiles:
Nos énergies fossiles sont une ressource précieuse. Ces ressources qui se sont formées sur des centaines de millions d’années ne doivent pas être consommées à l’excès et en à peine un siècle car ça serait comme effectuer un retour à l’époque des volcans quand il y avait environ 450 particules de CO2 par million dans l’atmosphère.
B – Comment?
55% de la population mondiale vie dans les villes. Les nouvelles générations ne commettront pas les erreurs de leur prédécesseurs. Elles éviteront comme la peste les embouteillages monstres dans tous les centres urbains de la Terre en faisant du télétravail ou bien en utilisant le vélo, la trottinette électrique ou le transport en commun pour se déplacer en ville. Elles éduqueront leurs pairs que l’auto-solo est de plus en plus un non sens et un luxe révolu.
C – Diminuer notre consommation de viande…
Une nouvelle tendance se dessine: de plus en plus de gens se tournent vers les protéines fournies par les insectes. Moi-même, j’ajoute de la farine de grillon à ma recette de galettes aux flocons d’avoine. J’ai remarqué que je m’en porte mieux.
D – Faire moins d’enfants et les encadrer mieux;
Et si le taux de natalité mondial se retrouvait en-dessous du taux de mortalité, la population mondiale pourrait être ramenée à un niveau que la Terre peut mieux contenir.
E – …. (À votre tour)
Cordialement,
@GuyLafond
Un bon papa et un bon serviteur de l’État interdit de parler à son enfant par des juges à Ottawa et en Ontario depuis novembre 2017.
https://mobile.twitter.com/UNBiodiversity/status/1395129126814691329
Jean-Pierre Bardinet
Depuis une vingtaine d’années, les jeunes subissent de la part de l’ONU, de l’OMM, de la Commission européenne, des politiques, des médias, des alarmistes climatiques de tout poil et même l’Education Nationale une propagande permanente qui ne cesse de prophétiser un terrible réchauffement climatique anthropique, de nous bassiner avec un supposé dérèglement climatique (nul ne sait ce que cela veut dire, car il n’existe pas de bon climat de référence qui aurait perdu la boule) et une guerre anti-CO2. Nul le leur dit les choses les plus importantes, les plus objectives, délivrées des idéologies, qui permettent de se rendre compte qu’il n’y a aucune urgence climatique et que le plus important est de se documenter sur les observations et la physique du climat.
1) Le GIEC est un Machin qui instrumentalise la science pour justifier un projet idéologique de totalitarisme vert.
2) Pour créer un Big Brother, il suffit de déclarer le CO2 anthropique ennemi public numéro un pour contrôler toutes les activités humaines, jusque dans la sphère privée.
3) Le GIEC n’a apporté aucune preuve scientifique d’un réchauffement généré par le CO2.
4) Relativisons : Il y a certes eu un petit réchauffement global depuis 140 ans, de l’ordre de +0,8°C, mais il a quasiment cessé depuis 20 ans, malgré une très forte inflation des émissions humaines
5) La peur est surtout générée par les projections long terme de modèles numériques, toujours catastrophiques. Mais les observations montrent que les projections de ces modèles divergent de plus en plus des obsrvations, ce qui veut dire qu’ils ne valent pas mieux qu’une diseuse de bonne aventure.
6) Depuis la fin de la dernière glaciation, les océans sont montés de quelques mm/an, et, depuis les mesures par marégraphes au début des années 1800, cette montée a perduré à raison d’environ 2 mm/an, sans accélération.
6) Plutôt que de le diaboliser, mieux vaut parler des bienfaits du CO2, acteur indispensable à la photosynthèse. Le taux actuel de CO2 atmosphérique est faible (415 ppm, soit 0,0415%), la moyenne des derniers 600 millions d’années étant de 2000 ppm. Mais sa petite augmentation de 280 ppm à 415 ppm depuis 150 ans a été bénéfique,car la planète reverdit et les récoltes sont meilleurs, ce qui contribue à réduire la faim dans le monde.
7) L’ère industrielle, utilisant une énergies abondante et bon marché (charbon, gaz, pétrole, nucléaire, hydraulique), a permis le développement extraordinaire de nos sociétés occidentales dans tous le domaines. La guerre idéologique anti-CO2 a pour objectif de gommer tous ces avantages et de nous faire retourner aux temps sombres du Moyen-Age, avec pauvreté, misère et mort.
8) On veut nous faire croire que l’éolien et le solaire fluctuants et intermittents pourront remplacer les combustibles fossiles, mais c’est un mensonge. La production mondiale par le solaire et l’éolien n’est que de 3%
Conclusion : il n’y a aucune raison de paniquer sur un hypothétique réchauffement climatique anthropique et on voit pas par quel miracle, même en défigurant les pays par l’éolien et le solaire et en réduisant drastiquement les surfaces cultivables, les EnR pourraient remplacer les énergies fossiles.