L’assèchement des tourbières du Bassin du Congo pourrait relâcher jusqu’à 30 milliards de tonnes de carbone dans l’atmosphère. Une étude publiée dans la revue scientifique Nature le 2 novembre 2022 alerte sur la vulnérabilité des marais de la forêt du Congo, le plus grand écosystème tropical de ce type. Les réseaux marécageux de cours d’eau du Congo s’étendent sur 16,7 millions d’hectares et stockent dans la tourbe plusieurs milliards de tonnes de gaz à effet de serre.
Toutefois, le stockage des gaz à effet de serre dans la tourbe dépend de l’humidité et des précipitations. Or, entre – 5000 et – 2000 avant notre ère, la région a fait face à une sécheresse qui a conduit les tourbières à émettre des gaz à effet de serre au lieu de les stocker. « Notre étude délivre un avertissement brutal de l’Histoire. Si les tourbières s’assèchent au-delà d’un certain seuil, alors elles relâcheront d’importantes quantités de carbone, accélérant le réchauffement », affirme un des auteurs de l’étude, le professeur Simon Lewis de l’université de Leeds au Royaume-Unis. Cité par ScienceDaily, le chercheur ajoute que les saisons sèches rallongent actuellement dans le Bassin du Congo, sans pour autant encore connaître l’ampleur du phénomène et s’il va se poursuivre. « Notre étude montre que, dans le passé, le Bassin du Congo a été plus sec et que cela a détruit les tourbières qui ont alors cessé de stocker du carbone. Si les émissions de gaz à effet de serre assèchent trop les marais du centre du Congo, alors les tourbières contribueront à la crise climatique plutôt que de nous protéger. C’est un message important pour les décideurs qui vont se retrouver pour discuter du climat à la COP 27 la semaine prochaine. »
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Les scientifiques estiment que la destruction des tourbières du Congo relâcherait 30 milliards de tonnes de carabine, soit l’équivalent des émissions mondiales de 3 années de combustion des énergies fossiles. Leurs travaux se basent notamment sur des échantillons de tourbes. Ils ont permis d’analyser l’évolution du milieu au cours du temps. Ils ont ainsi trouvé que durant la période sèche observée de – 5000 à – 2000 avant notre ère, le niveau de la tourbe avait diminué de 2 mètres en raison de sa décomposition.
En dépit du fait qu’ils considèrent la zone humide du Bassin du Congo comme intacte et bien gérée par les populations locales pour le moment, les auteurs de l’étude alertent sur sa vulnérabilité face au réchauffement et aux pressions engendrées par le développement de l’agriculture et l’exploitation pétrolière. Ce qui fait dire à Corneille Ewango, professeur à l’université de Kisangani en République démocratique du Congo (RDC) qui a collecté sur le terrain des échantillons de tourbe, que : « les tourbières sont plus vulnérables que nous le croyons. Tout le monde doit jouer un rôle pour les protéger. Il faut que les pays pollueurs réduisent leurs émissions de carbone rapidement afin d’éviter que tourbières franchissent leur point de non-retour. La RDC a aussi besoin de renforcer leur protection. L’avenir de l’écosystème le plus riche en carbone et en biodiversité de la planète est en jeu ».
Selon l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature), les zones humides sont l’écosystème qui a été le plus dégradé ces dernières décennies. Plus du tiers des zones humides mondiales de la planète a disparu depuis 1970.
Julien Leprovost
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Mulwa TANZI Célestin
Les petits exploitants agricoles et forestiers souffrent des promesses.Les réalités sur terrain font voir le niveau de vulnérabilité et de l’extrême pauvreté de cette franche de la population dont la limite de patience est dépassée