Une récente étude franco-allemande montre que les êtres humains s’éloignent de plus en plus de la nature, que ce soit physiquement par la distanciation entre leur lieu de vie et un espace naturel et culturellement. Victor Cazalis est chercheur post-doctorant à l’université de Leipzig, il a pris part à cette étude dont nous avons déjà parlé sur GoodPlanet Mag’. Ce spécialiste dans la conservation de la biodiversité et en explique les tenants et les aboutissants.
Comment s’explique cet éloignement croissant entre les lieux de vie des humains et la nature ? Est-ce dû à l’urbanisation ?
Le phénomène de distanciation entre l’humain et la nature s’explique par 3 mouvements concomitants : l’urbanisation, la dégradation des milieux et les changements de modes de vie. L’augmentation de la population urbaine se traduit par un éloignement de la nature puisqu’on vit dans des milieux plus urbains et artificiels. La part de la population mondiale qui vit en ville est passée de 34 % dans les années 1960 à 56 % actuellement. Dans le même temps, l’urbanisation contribue à dégrader et faire reculer les espaces naturels péri-urbains. Enfin, culturellement et spirituellement, on s’éloigne de plus en plus de la nature dans nos pratiques, dans nos loisirs et dans nos modes de vie.
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Qu’est-ce que cela implique dans les relations entre l’être humain et la nature ?
De nombreuses études en psychologie environnementale montrent le lien entre les expériences de nature qu’on va vivre la connexion à la nature et, derrière, les attitudes et les comportements qu’on va adopter. Vivre des expériences de nature se révèle déterminant dans la façon dont on va concevoir la nature et les problématiques environnementales qui y sont associées. Cette conscience se montre indispensable dans l’adoption de comportements en faveur de l’environnement. Il est donc probable que s’éloigner de la nature, vivre moins d’expérience de nature, crée une difficulté à se préoccuper des problématiques environnementales et des crises écologiques. De plus, il a été démontré que les expériences de nature durant l’enfance sont déterminantes dans la construction du rapport à la nature.
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N’est-il pas aussi possible de voir dans ce phénomène de distanciation une opportunité de mieux protéger une partie des écosystèmes ?
C’est effectivement un paradoxe de notre champ de recherche. On peut se dire qu’augmenter les expériences de nature peut contribuer à dégrader l’environnement. Nous disons qu’il y a des manières différentes d’avoir des expériences de nature sans que cela se fasse au détriment de la nature. À côté des réserves intégrales sans activités humaines et des parcs nationaux où les activités sont très limitées comme la randonnée, il peut y avoir des espaces où chacun peut entrer en contact avec la nature comme des espaces naturels péri-urbains plus accessibles.
Comment faire pour recréer du lien entre l’humain et la nature ?
Nous suggérons d’augmenter les expériences de nature. Le panel possible est large. La première étape est de favoriser l’accessibilité à la nature en développant par exemple les espaces naturels périurbains avec du contenu pédagogique. Ou encore de développer les activités nature dans un cadre touristique. Enfin, on peut renforcer la présence de la nature dans les œuvres et les produits culturels comme les documentaires, les livres et les films. Les études montrent en effet que les représentations de la nature dans la production culturelle diminuent.
« L’altérité par rapport à l’humain est l’élément important du moment de l’expérience de nature. »
Concrètement cela veut dire quoi susciter de nouvelles expériences de nature ?
Cela peut aller de faire un tour dans un bosquet à côté de chez soi et voir un oiseau à faire une randonnée et du camping dans un parc national à faire de l’éco-volontariat. Le gradient d’une expérience de nature dépend du vécu de chacun. L’altérité par rapport à l’humain est l’élément important du moment de l’expérience de nature.
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Et qu’est-ce que cela signifie en termes de politiques publiques ?
Selon moi, le grand enjeu est de permettre aux populations urbaines d’accéder à des zones semi-naturelles de qualité comme des bois ou des prairies. Mais, en minimisant les traces humaines comme les équipements ou le béton. Cette dimension a été reconnue dans le cadre de l’accord signé au terme de la COP15.
Enfin, question plus personnelle, quelle est justement votre meilleure expérience de nature ?
Bonne question, ce qui me vient à l’esprit est la fois où j’ai pu suivre pendant plusieurs minutes au masque et au tuba un cormoran en train de pêcher et manger. Cela a été une ouverture sur un comportement que je n’avais jamais vu. Cette expérience a profondément modifié ma perception de la vie marine, que je vois désormais comme quelque chose de beaucoup plus vivant.
Propos recueillis par Julien Leprovost
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Courteau
Doctorant pour sortir autant de banalités, c’est confondant.
Et ne sert à rien car on sait ça depuis des décennies !
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