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Déflagration chez les betteraviers: la justice de l’UE bannit les dérogations sur les néonicotinoïdes

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Un agriculteur montre une feuille de betterave, infectée par le virus de la jaunisse de la betterave, dans une ferme à Oye-Plage, dans le Pas-de-Calais, le 4 août 2020 © AFP/Archives DENIS CHARLET

Bruxelles (AFP) – Aucune dérogation n’est possible à l’interdiction européenne des semences traitées aux néonicotinoïdes, y compris dans les circonstances exceptionnelles invoquées pour protéger les betteraves, a estimé jeudi la Cour de justice de l’Union européenne, compromettant les « autorisations d’urgence » octroyées par plusieurs pays dont la France.

L’Union européenne a interdit depuis 2018 l’usage en plein champ, pour toutes les cultures, de trois néonicotinoïdes (clothianidine, thiaméthoxame et imidaclopride), accusés d’accélérer le déclin massif des colonies d’abeilles.

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Apparus dans les années 1990, ils protègent les betteraves de la jaunisse, transmise par les pucerons verts, en s’attaquant au système nerveux des insectes, donc des pollinisateurs. Même à faible dose, abeilles et bourdons sont désorientés, ne retrouvent plus leur ruche, le sperme des mâles est altéré…

Pour autant, onze Etats membres de l’UE ont adopté des « autorisations d’urgence » pour faire face à la baisse de leurs rendements face aux maladies, dont la Belgique et la France –qui s’apprêtait à renouveler sa dérogation pour les semences qui commenceront en mars, pour la troisième année.

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Si demain la France, premier producteur de sucre européen, renonçait à une nouvelle dérogation, les quelque 24.000 planteurs français se retrouveraient dans « une situation très difficile », a réagi auprès de l’AFP Christian Durlin, producteur du nord de la France.

« La brutalité d’une telle décision, appliquée en l’état, risque d’entraîner des conséquences désastreuses et irréversibles dans nos territoires ruraux alors même que les politiques encouragent la souveraineté alimentaire/énergétique et la réindustrialisation de la France », a dénoncé la Confédération générale des planteurs de betteraves dans la soirée.

Saisie par des ONG et un apiculteur du cas de six dérogations adoptées à l’automne 2018 par la Belgique, concernant notamment les semences, la Cour de justice de l’UE (CJUE) les a jugées illégales.

Les arrêts de la CJUE s’imposent aux juridictions des Vingt-Sept.

Contacté par l’AFP, le ministère belge de l’Agriculture a observé que ses dérogations, assorties de « mesures strictes d’utilisation », ne sont plus délivrées depuis 2020, et donc que la décision n’aura « pas de conséquence pour la Belgique ».

En France, le gouvernement n’a pas réagi sur le fond, disant analyser la décision.

Certes, a jugé la Cour, une disposition permet aux Etats membres d’autoriser de façon dérogatoire et temporaire l’usage de pesticides contenant des substances bannies dans l’UE, mais cette disposition « ne permet pas de déroger aux réglementations visant expressément à interdire la mise sur le marché et l’utilisation de semences traitées à l’aide de tels produits ».

Les Etats membres doivent privilégier les méthodes insecticides « à faible apport en pesticides », voire « non chimiques » quand c’est possible, et recourir aux « pratiques et produits présentant le risque le plus faible pour la santé humaine et l’environnement parmi ceux disponibles », souligne la Cour.

 « Grand jour pour les abeilles »

En France, le Parlement avait autorisé fin 2020 le retour temporaire des néonicotinoïdes pour voler au secours de la filière betteravière après une récolte ravagée par la jaunisse. En précisant que les dérogations ne pourraient être accordées, jusqu’en juillet 2023, que pour les semences de betterave sucrière.

Une troisième dérogation pour 2023, après 2021 et 2022, était sur le point d’être adoptée. Mais plusieurs organisations, dont la Ligue pour la protection des oiseaux, demandent au gouvernement d’y renoncer.

Une réunion du Conseil français de surveillance des néonicotinoïdes, initialement prévue vendredi sur le sujet, a été reportée au 26 janvier.

Le Gouvernement utilisera ce délai « pour expertiser les conséquences juridiques de cette décision en droit français et les conséquences pour la campagne de production qui s’ouvre », a dit le ministère de l’Agriculture.

En Allemagne, des dérogations ont été accordées sur environ un tiers des surfaces betteravières en 2021, selon la fédération du secteur.

Pour 14 pesticides interdits par Bruxelles, 236 dérogations ont été adoptées dans l’UE depuis quatre ans, la moitié concernant des néonicotinoïdes, estime l’association PAN Europe, corequérante devant la CJUE.

« La CJUE établit clairement que les substances interdites dans l’UE pour raisons sanitaires ou environnementales ne peuvent pas être réintroduites de manière détournée au niveau des Etats, une pratique devenue courante », observe l’avocat de l’ONG Antoine Bailleux.

Le directeur de PAN Europe Martin Dermine a salué « un grand jour pour les pollinisateurs en Europe », qui « rappelle que le droit doit primer sur les intérêts de l’industrie des pesticides ».

© AFP

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