Paris (AFP) – Le centre historique d’Odessa en Ukraine a été inscrit mercredi sur la liste du patrimoine mondial en péril de l’Unesco en raison des « menaces de destruction » planant sur ce site depuis le début de l’invasion russe, une décision jugée « politique » par Moscou.
Au cours d’une session extraordinaire parfois houleuse du Comité du patrimoine mondial à Paris, l’inscription de cette ville, en pleine guerre, a été votée par six voix pour, une contre (la Russie) et 14 abstentions.
« Odessa, ville libre, ville-monde, port légendaire qui a marqué le cinéma, la littérature, les arts, est ainsi placée sous la protection renforcée de la communauté internationale », s’est félicitée la directrice générale de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) Audrey Azoulay.
Bien que globalement épargnée depuis le début en février 2022 de l’offensive russe, Odessa, notamment connue pour son monumental escalier Potemkine et son architecture, a toutefois été touchée plusieurs fois par des bombardements russes.
Une « victoire diplomatique »
Le conflit constitue « un danger pour le centre historique d’Odessa », dont « le patrimoine culturel est menacé de destruction », avait estimé la représentante de l’Icomos, une ONG spécialisée partenaire de l’Unesco, en présentant le dossier. Elle avait aussi insisté sur le caractère multiethnique, multiconfessionnel et multiculturel d’Odessa.
Dans un communiqué mercredi soir, le ministère russe des Affaires étrangères a dénoncé « une décision politique » prise par « un groupe de pays appartenant à l’Occident collectif, avec l’aide flagrante du Secrétariat de l’Unesco, qui a perdu son impartialité ».
La Russie, qui a multiplié les manœuvres procédurales au cours de la séance, s’était plus tôt élevée contre un « dossier superficiel », accusant les autorités ukrainiennes d’avoir monté une candidature sur la base d' »un copié-collé de la page Wikipédia sur Odessa ».
C’est « une victoire diplomatique », a réagi de son côté le premier vice-ministre des Affaires étrangères Emine Djeppar du côté de l’Ukraine, dont le président Volodymyr Zelensky avait annoncé en octobre la candidature du centre historique d’Odessa.
Le président ukrainien s’est félicité, dans son allocution quotidienne, de la « protection fournie par le monde, (tandis que) la Russie ne peut apporter que de la terreur et des bombardements ».
La France a également salué la décision de l’Unesco qui, selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères, « souligne la valeur exceptionnelle de cette ville portuaire, de son architecture et de son histoire pour l’Ukraine et pour l’humanité ».
« La décision d’inscrire Odessa souligne le danger que fait peser sur le patrimoine ukrainien la guerre d’agression menée par la Russie », a ajouté le ministère.
« Compte tenu des menaces qui pèsent sur ce patrimoine depuis le début de la guerre, le Comité du patrimoine mondial a eu recours à une procédure d’urgence », a souligné dans un communiqué l’Unesco, rappelant par ailleurs « avoir assuré la réparation des dommages infligés depuis le début de la guerre au Musée des Beaux arts et au musée d’art moderne d’Odessa ».
Catherine II
Au regard du contexte, le dossier était éminemment politique. Avant même l’ouverture de la séance, l’Ukraine avait protesté dans une lettre ouverte aux membres du comité contre la référence faite à l’impératrice Catherine II de Russie en tant que fondatrice d’Odessa à la fin du XVIIIe siècle.
« Le développement d’Odessa en tant que cité portuaire remonte au XVe siècle », s’insurgeaient les autorités ukrainiennes dans leur lettre ouverte.
En novembre, le conseil municipal d’Odessa a voté le déboulonnage de la statue de Catherine II, s’appuyant sur le résultat d’une consultation locale. Le monument à la tsarine, devenu pour beaucoup un symbole de l’oppression russe depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, a été enlevé fin décembre.
Odessa, située à 500 km au sud de la capitale ukrainienne Kiev, est très symbolique pour la Russie. Elle a été la troisième ville de l’empire russe et son deuxième port.
En avril 2014, le président russe Vladimir Poutine avait martelé qu’elle ne faisait historiquement pas partie de l’Ukraine mais de la Novorossia (la Nouvelle Russie) qu’il aimerait voir constituée.
L’inscription d’Odessa au patrimoine mondial constitue l’un des plus hauts niveaux de protection que la communauté internationale offre à un site patrimonial, rappelle l’Unesco. La liste « en péril » ouvre accès à des mécanismes renforcés d’assistance internationale d’urgence, techniques et financiers, ajoute-t-elle.
Le Comité du patrimoine mondial se réunit une fois par an et est composé de représentants de 21 États parties à la Convention.
© AFP
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