Des Français et des Européens plus prompts à intégrer la contrainte climatique dans leur quotidien

copenhague velo

Manifestation (flashmob) de cyclistes pour un monde meilleur, Israels Plads le 10 juin 2018, Copenhague, Danemark. Copenhague compte 390 kilomètres de pistes cyclables. 9 Danois sur 10 possèdent un vélo qui sert à se déplacer au quotidien. © Yann Arthus-Bertrand

Un sondage de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) montre qu’une majorité de Français et d’Européens se disent prêts à modifier leurs comportements au nom du climat. Cette affirmation de l’impératif climatique est plus prononcée chez les jeunes de moins de 30 ans. Ils se déclarent plus soucieux que le reste de la population de l’impact environnemental de leur activité professionnelle. Ce sondage confirme l’émergence de nouvelles tendances, attentes de l’opinion à l’égard des emplois, des actions du gouvernement et de la régulation de la consommation.

L’idée d’un système de budget carbone individuel afin de fixer un plafond pour la consommation des biens et services les plus préjudiciables au climat progresse

Il ressort notamment de de cette étude d’opinion qu’un peu plus de la moitié des Français (57 %) et des Européens (56 %) affirment être « favorables à la création d’un système de budget carbone individuel afin de fixer un plafond pour la consommation des biens et services les plus préjudiciables au climat ». Cette proportion monte à 63 % chez les jeunes Français et les jeunes Françaises (tranche d’âge de 20 à 30 ans) et à 62 % pour l’ensemble des jeunes Européens. L’idée donc d’inventer des mécanismes pour restreindre la consommation ne semble pas déranger outre mesure une partie de l’opinion, même si les modalités pratiques et concrètes ne sont pas précisées. Cet assentiment apriori relance le débat sur la carte carbone ou le budget carbone individuel.

L’acceptation d’un renforcement des politiques publiques pour restreindre l’impact de la consommation sur la planète DR Banque Européenne d’Investissement

Dans le même ordre d’idée, une majorité de personnes interrogées se dit « favorable au durcissement des politiques publiques afin d’induire une modification des comportements des citoyens. » C’est l’opinion de deux tiers des Français (69 %) et des Européens (66 %). Près de trois quarts des jeunes (76 % pour la France et 72 % pour l’Europe) de 15 à 30 ans sont d’accord avec cette idée. Les chiffres témoignent de l’attente d’un engagement fort des gouvernements, les citoyens ayant vraisemblablement perçu les limites de l’action individuelle basée sur la seule bonne volonté.

[À lire aussi Emmanuel Cappellin, réalisateur du documentaire Une fois que tu sais : « comment limiter collectivement ce qu’on ne sait plus s’interdire soi-même ? »]

Des engagements individuels plus marqués sur l’emploi et la consommation

Le sondage de la BEI met aussi en lumière l’importance de l’engagement climatique dans les choix de consommation ainsi que dans l’emploi. Un des résultats forts de cette enquête est de mettre en lumière l’attente de sens dans le travail et de RSE (responsabilité sociale et environnementale des entreprises) de la part des jeunes entrants sur le marché du travail puisque les deux tiers (67 %) des Français âgés de 20 à 29 ans estiment que « l’impact climatique de leur potentiel futur employeur est un critère important au moment de choisir un emploi, et 23 % estiment même qu’il s’agit d’un critère prioritaire de choix. » La jeunesse française s’avère un peu à la traîne puisque, au niveau européen, ce sont 76 % des jeune interrogés qui affirment avoir cette considération. Il est intéressant de constater sur cet aspect de la relation au travail un décalage entre la jeunesse et le reste de la population. Dans son ensemble, cette dernière se montre moins préoccupée par l’impact de son emploi sur l’environnement. C’est en effet un critère pour seulement 48 % des Français et 62 % des Européens toutes tranches d’âge confondues. Au moment où le sens du travail fait débat, où des phénomènes comme la grande démission ou le quiet quitting, où une partie de la jeunesse affirme ne plus vouloir entretenir un système néfaste pour l’environnement et que certains secteurs s’inquiètent de peiner à recruter, ces chiffres sont notables.

[À lire aussi Dominique Bourg : « les politiques manquent de sérieux en refusant de lancer un avertissement solennel sur les dangers qui menacent l’habitabilité de cette planète »]

Ce changement progressif de paradigme dans les critères d’évaluation d’un emploi a des répercussions et témoigne de profonds changements. Selon Julien Vidal, auteur du livre Mon métier aura du sens, que GoodPlanet Mag’ a sollicité pour réagir à ce sondage, « les enjeux climatiques, repris comme boussoles dans nos vies professionnelles, sont un levier majeur pour transformer les entreprises et notre économie. Les nouveaux entrants sur le marché du travail, de plus en plus sensibles à ces questions, sont en train d’inverser le rapport de force qui existe depuis des décennies, voire plus, avec les employeurs. Si demain, plus personne ne veut aller travailler dans les grands groupes aux pratiques climaticides, c’est toute l’économie qui est bouleversée. Un vrai tournant qui montre à quel point aller délibérément vers un métier de sens permet par la même occasion de remettre l’économie, et par extension notre société, dans le bon sens ».

[À lire aussi Julien Vidal, auteur de Mon métier aura du sens : « aller sur des métiers de sens signifie aller dans des filières prometteuses »]

contraintes climatiques
Les Français et les Européens face à l’impact climatique de leur emploi DR Banque Européenne d’Investissement

Marie-Sarah Carcassonne, chargée de la formation à l’Institut MyPlanet de la Fondation GoodPlanet confirme une différence d’attitude en fonction de l’âge des salariés qu’elle forme aux enjeux environnementaux. « Les jeunes sont très actifs, ils veulent faire bouger les lignes au sein de leurs entreprises alors que certains collaborateurs plus âgés se montrent plus distants avec les problématiques environnementales », déclare-t-elle.  Elle ajoute observer : « une forte appétence des entreprises pour les formations sur l’environnement car elles ont du mal à recruter de nouveaux collaborateurs frileux de rejoindre une entreprise peu engagée pour le climat. Lors de nos formations, on constate qu’une part non négligeable des collaborateurs se montre très préoccupés par les enjeux climatiques et qu’ils veulent vraiment agir au sein de leurs structures lorsque cela est possible, mais sont également prêts à démissionner si leur poste conduit à une trop forte dissonance cognitive chez eux. ».

[À lire aussi Lancement de l’Institut de formation MyPlanet !]

Enfin, une éthique climatique plus marquée fait qu’une part majoritaire des sondés affirme être disposée à payer plus pour des produits alimentaires respectueux de l’environnement (60 % en France contre 62 % au niveau européen). De surcroît, 83 % des des Françaises et Français et 79 % des Européennes et Européens souhaitent un étiquetage environnemental des produits alimentaires.

[À lire aussi Vincent Liegey, auteur de Sobriété (la vraie) : « la croissance se révèle toxique pour des modes de vie sains et pour la joie de vivre »]

Le sondage a été réalisé par l’institut BVA en août 2022 auprès de 28 000 personnes âgées de plus de 15 ans résidentes dans 30 pays européens. Ses résultats ont été rendus publics le 21 mars 2023. Il s’agit de la 5e enquête d’opinion annuelle sur le climat menée par la Banque Européenne d’Investissement.

Il n’est pas dans les habitudes de GoodPlanet Mag’ de commenter des sondages : ces derniers sont des instantanés de l’opinion à un moment donné dont la méthodologie souffre de nombreuses limites. Les enquêtes d’opinion reposent notamment sur des déclarations et non sur des faits. De plus, la formulation des questions peut orienter les réponses restreintes offertes aux répondants.

Cependant, le sondage de la BEI a retenu notre attention car il aborde frontalement certains aspects nécessaires au débat public sur la transition : à savoir l’importance de l’engagement, l’acceptabilité sociale des mesures à envisager pour restreindre réellement l’impact de nos modes de vie.

Selon Ambroise Fayolle, vice-président de la BEI, « les résultats de l’enquête de la BEI sur le climat montrent que les Français sont disposés à contribuer, à leur échelle, à la lutte contre les changements climatiques. »

GoodPlanet Mag’ avait déjà consacré un article à un précédent sondage de la BEI sur les domaines dans lesquels les Européens, les Américains et les Chinois étaient prêts à réduire leur consommation pour lutter contre le réchauffement climatique : « Avion, mode, viande, vidéo en ligne ou voiture, à quoi les Français, les Européens, les Américains et les Chinois sont-ils prêts à renoncer pour lutter contre le changement climatique ? »

Julien Leprovost

Pour aller plus loin

Les résultats du sondage de la BEI pour la France

Les résultats du sondage de la BEI pour l’Europe

 

 

 

2 commentaires

Ecrire un commentaire

    • Guy J.J.P. Lafond

    Mise en exergue:
    “48% des personnes interrogées en France affirment que l’impact climatique d’un potentiel futur employeur est un critère important au moment de choisir un emploi” – Enquête de la BEI sur le climat.
    En ce qui me concerne, moi un bon Canadien francophone, je m’identifie très bien à ce 48% de Français qui sont pour une meilleure éthique climatique chez les employeurs.
    Et je dirais même plus, je suis aussi pour qu’il y ait une meilleure éthique climatique chez les banques à charte au Canada et aussi ailleurs sur notre si fragile planète bleue. Pendant plus de 35 ans, j’ai été client de la même banque à charte au Canada, mais quand j’ai su à quel point elle avait un comportement “climaticide”, je l’ai quitté.
    Merci à la Banque européenne d’investissement (BEI) de nous avoir partagé les résultats de ce sondage dans l’Union Européenne.
    @GuyLafond
    En devoir bénévole pour l’ONU en attendant de reprendre mon poste à Ottawa.
    https://mobile.twitter.com/UNBiodiversity/status/1395129126814691329

    • Balendard

    Le fait que les Français soient disposés à contribuer, à leur échelle, CAD sur le plan INDIVIDUEL à la lutte contre les changements climatiques ne représente que la moitié du parcours

    Concernant le chauffage de l’habitat en ville, un poste particulièrement important sur le plan quantitatif en ce qui concerne la consommation d’énergie, il faudrait pour fermer la boucle, que la partie collective à savoir l’exécutif s’engage dans une politique de chauffage urbain COLLECTIF allant dans le sens de de ce qui est écrit dans le fichier numéro 2 de la Solar Water Economy. Voir

    http://www.infoenergie.eu/riv+ener/2consommation.pdf