Savines-le-Lac (France) (AFP) – Emmanuel Macron a annoncé jeudi un « plan de sobriété » sur l’eau pour tous les secteurs économiques mais aussi pour les particuliers qui pourraient payer plus cher s’ils en consomment trop, lors d’un déplacement dans les Hautes-Alpes où il a estimé que la crise des retraites ne signifie pas que « tout doit s’arrêter ».
Le président a également annoncé la mise en place d’un objectif de 10% de réutilisation des eaux usées d’ici 2030, alors que la France est très en retard sur ce sujet. Redoutant « des situations de grand stress l’été prochain » sur cette ressource menacée par le réchauffement climatique, il a souhaité la réutilisation de « 300 millions de mètres cubes, soit 3 piscines olympiques par commune (…) ou 3.500 bouteilles d’eau par Français et par an ».
Quelques jours après la violente manifestation contre la mégabassine de Saint-Soline (Deux-Sèvres), il a validé leur utilité, tout en disant vouloir mieux en « répartir les usages » et conditionner leur utilisation à des pratiques d’économies d’eau et de pesticides.
Attendu au lac de Serre-Ponçon par quelque 200 manifestants contre la réforme des retraites, qui scandaient « Macron démission » encadrés par la CGT et la Confédération paysanne, Emmanuel Macron a estimé que cette contestation « ne (l’)empêche pas d’aller à la rencontre des Français ».
« Il détourne l’attention, il sait très bien le faire, des vrais sujets », regrette Julie, une manifestante de 40 ans venue de la commune voisine de Guillestre.
Deux manifestants ont été interpellés avant l’arrivée du chef de l’État.
Emmanuel Macron ne s’était quasiment pas déplacé hors de la région parisienne depuis la présentation en janvier de la réforme des retraites, à l’exception d’une brève visite en Charente fin février consacrée à la lutte contre le papillomavirus.
Responsabilisation de chacun
« Un plan de sobriété sur l’eau » sera demandé « à chaque secteur » d' »ici à l’été », a prévenu Emmanuel Macron appelant à la responsabilisation de chacun et pas seulement de l’agriculture, première consommatrice d’eau via l’irrigation (plus de 2 milliards de m3), pratiquée seulement sur 7% des surfaces cultivées mais le plus souvent en été, quand la ressource est rare.
« C’est encore nous qui allons devoir être +responsabilisés+ pour faire des économies d’eau au profit de l’agro-business », a regretté l’eurodéputé écologiste David Cormand.
Après une canicule et une sécheresse historiques à l’été 2022, l’hiver en France a été particulièrement sec avec un record de 32 jours sans pluie, ce qui n’a pas permis de reconstituer les nappes phréatiques.
Le président a cité « l’énergie, l’industrie, le tourisme, les loisirs » mais les particuliers seront également priés de limiter leur consommation, à l’aide d’un « EcoWatt de l’eau » sur le modèle de l’instrument mis en place pour réduire la consommation d’électricité.
Ils y seront encouragés par la généralisation en France d’une « tarification progressive et responsable » de l’eau. Les « premiers mètres cubes » seront « facturés à un prix modeste, proche du prix coûtant », mais « au-delà d’un certain niveau, le prix du mètre cube sera plus élevé ».
Dans un autre secteur très consommateur, le président a annoncé un programme d’investissements pour adapter les centrales nucléaires, troisièmes consommatrices d’eau en France (12%), pour leurs systèmes de refroidissement.
Dans le décor du plus grand réservoir d’eau douce d’Europe de l’Ouest, Emmanuel Macron a défendu la mise en place de bassines, qui pompent pendant l’hiver l’eau des nappes phréatiques afin que les agriculteurs puissent arroser leurs cultures l’été.
« Il ne s’agit pas de privatiser l’eau ou de permettre à certains de se l’accaparer », a-t-il déclaré. Mais il a demandé que les futurs ouvrages soient conditionnés à des « changements de pratiques significatifs », à commencer par des économies d’eau et une réduction de l’usage des pesticides par les agriculteurs.
Ces grands réservoirs à ciel ouvert braquent des écologistes et une partie du monde agricole, qui dénoncent un « accaparement » d’un « bien commun ».
Samedi, la manifestation contre une de ces bassines à Sainte-Soline a donné lieu à des affrontements d’une extrême violence entre militants et forces de l’ordre. Des milliers de gens étaient « simplement venus faire la guerre », a commenté M. Macron jeudi.
Cette stratégie de gestion de l’eau devait initialement être présentée par la Première ministre Élisabeth Borne.
Mais le président, qui a fait de l’écologie, l’école et la santé ses prochaines priorités pour tenter de sortir de la crise des retraites, lui a finalement volé la vedette.
Les experts climat anticipent une diminution de 10% à 40% de la ressource en eau en France, dans les prochaines décennies.
© AFP
A lire aussi
Des restrictions d’eau inédites se profilent en France après un nouveau record d’absence de pluie
Que retenir de la synthèse du 6e rapport d’évaluation du GIEC ?
Deux-Sèvres: des milliers de manifestants contre les « méga-bassines »
4 commentaires
Ecrire un commentaire
dany voltz
Réutilisation de l’eau, ….. 10 %…
Le mec a enlevé la chaîne de son vélo pour avancer plus vite ????
TOUT CE TINTOUIN juste pour annoncer qu’on ne va pas faire grand chose.
WISNIEWSKI
Les paroles sont faciles …. Depuis le temps que le GIEC interpelle les dirigeants, peu d’actions sont menées pour sauvegarder nos ressources
Balendard
Oui tout cela est vraiment bien triste et question d’échelle
Particulièrement si l’on évoque le fait que les écoles pourraient être le premier maillon d’une action généralisée à tout l’habitat urbain.
Une action qui devrait être déclanchée en y associant une réflexion en profondeur sur la qualité du tuyau pour sortir enfin du tunnel énergétique grâce à la Solar Water Economy
http://www.infoenergie.eu/essentiel.pdf
Balendard
Privilégier à l’heure du réchauffement climatique des chaînes énergétiques telles que la combustion et le nucléaire qui passent par les hautes températures pour produire l’énergie électrique nécessaire à notre besoin en électricité est contraire au bon sens. Ceci particulièrement avec le nucléaire qui dissipe dans notre environnement sous forme de chaleur une quantité d’énergie sensiblement deux fois supérieure à l’énergie électrique produite.
Contraire au bon sens est aussi le choix fait en France par l’EDF, il y a maintenant de nombreuses années, de privilégier l’effet joule pour chauffer l’habitat alors que nous pourrions assurer cette fonction en consommant sensiblement 4 à 5 fois moins d’électricité en prélevant la chaleur dans l’eau grâce au chauffage thermodynamique
Voir à ce sujet la Solar Water Economy