La Fondation GoodPlanet propose pour la saison 2023 sa nouvelle exposition « À la rencontre du vivant ». Albane Godard, directrice générale de la Fondation et Cédric Javanaud, directeur de l’exposition, présentent dans cet entretien les ambitions de la nouvelle saison. L’exposition « À la rencontre du vivant » est ouverte au public dès le samedi 8 avril.
Qu’est-ce que la nouvelle exposition « À la rencontre du vivant » proposée à la Fondation GoodPlanet ?
Cédric Javanaud : L’exposition « À la rencontre du vivant » s’inscrit dans le prolongement du travail de Yann Arthus-Bertrand, qui sort un film sur la biodiversité au printemps et de celui de la Fondation pour protéger la biodiversité. L’idée de l’exposition est de faire aimer ce vivant en travaillant sur l’artistique, le Beau et l’émotion.
L’exposition met l’accent sur la biodiversité française, la plus proche de nous au quotidien. En mêlant l’artistique et le pédagogique, nous voulons montrer son importance et sa fragilité. Nous le faisons via la photographie, la vidéo, l’art contemporain, le dessin ou encore des installations pédagogiques pour permettre à un public de tous âges d’appréhender et de ressentir l’importance de cette biodiversité.
N’est-ce pas paradoxal de faire la part belle au vivant en la montrant de façon intermédiée ?
Albane Godard : Non, car notre objectif n’est pas de prendre le vivant pour le mettre entre 4 murs. Nous cherchons plutôt à fournir une autre perspective et aboutir à un décalage notamment parce que les propositions des artistes exposés nous offrent un regard qu’on n’a pas forcément dans notre quotidien. La vidéo, par exemple, permet des angles de vue autrement inaccessibles.
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Autre exemple : la vision de la forêt proposée par Fabrice Hyber. Son œuvre a une dimension réaliste, voire scientifique puisqu’une partie présente la connexion entre les champignons et les arbres. Dans le même temps, son œuvre s’ancre résolument dans l’imaginaire collectif, à travers un rappel au conte du petit chaperon rouge, et dans la poésie avec une canopée confondue avec le ciel étoilée. Il nous propose une autre façon de voir la biodiversité et de s’immerger dans le vivant. Elle doit nous conduire à nous dire : pourquoi est-ce que je ne pourrais pas voir la biodiversité différemment ?
Un des objectifs de l’exposition est aussi de se demander comment retrouver une capacité d’émerveillement par rapport à la biodiversité. Avoir un regard curieux, positif et émerveillé sur la nature nous aidera à mieux s’y identifier et reconnaître ce qui nous lie à elle et donc à la protéger.
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Cédric Javanaud : De plus, le parcours est conçu comme une balade à travers plusieurs écosystèmes à différentes échelles de l’océan aux graines en passant par les forêts. Cette balade a pour vocation de se terminer à l’extérieur en incitant le visiteur à partir lui-même à la rencontre de la nature et du vivant. S’émerveiller du vivant et redécouvrir qu’il existe près de nous s’avère d’autant plus important pour un public urbain et périurbain. C’est d’ailleurs pour cela qu’on ouvre l’exposition avec les images de Nicolas Davy, photographe spécialiste de la biodiversité dans les alentours de Paris.
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Qu’apporte l’art à l’exposition « À la rencontre du Vivant » et plus généralement à la compréhension du vivant ?
Albane Godard : L’accumulation du regard des artistes, complétée par le travail pédagogique de la Fondation GoodPlanet permettent d’obtenir un savant mélange entre art, sensibilisation et action. Le visiteur en ressort avec un regard différent sur le vivant et plus de connaissances sur la biodiversité ainsi que plus de perspectives sur ce qui se passe autour de lui.
Cédric Javanaud : L’important est de donner un point de vue, que ce soit celui d’un artiste, d’une vidéaste, d’un plasticien ou d’un scientifique. La biodiversité est un sujet sur lequel il est crucial qu’il existe une diversité d’expressions.
Albane Godard : Proposer des médiums différents implique également, et c’est important, de toucher des sensibilités différentes. Certaines personnes seront touchées par un livre, un rapport scientifique, d’autres réagiront à un film, à une photo ou encore à l’œuvre d’un plasticien ou à une sculpture.
Justement, puisqu’on parle de sensibilité, même si faire un choix s’avère forcément difficile, avez-vous un coup de cœur dans l’exposition « À la rencontre du vivant » ?
Albane Godard : Je dirais la salle consacrée aux forêts dans son ensemble avec aux murs l’œuvre de Fabrice Hyber, au centre l’installation en bois de Vincent Laval et les photographies de Sandra Bartocha. Ces 3 œuvres fonctionnent bien ensemble. Le tout crée une salle immersive qui laisse beaucoup de place à l’imaginaire de chacun et qui nous invite, poétiquement mais résolument, à voir notre monde différemment. Nous en avons bien besoin !
Cédric Javanaud : La dernière salle de l’exposition, « Tous vivants, tous connectés », possède quant à elle une vocation pédagogique plus marquée. Elle est interactive pour parler aux petits et aux grands. On a un dispositif conçu avec le studio Idaé qui permet, en tirant sur des cordes, de découvrir la biodiversité d’une prairie et d’une forêt, de comprendre le rôle des espèces dans le milieu et les liens qui unissent tous les êtres vivants. Enfin, on termine avec les yeux d’Argos, un dispositif composé de zooscopes, qui donne l’opportunité au visiteur de voir le monde qui nous entoure à travers le regard d’un animal, à savoir le caméléon, le serpent ou la libellule.
Cette salle nous rappelle que tout est lié et que nous faisons partie de la chaine du Vivant. On achève alors la visite en empathie totale avec l’animal puisqu’il est possible de partager son regard. C’est symboliquement très joli de terminer en se mettant à la place de l’animal et de voir autrement le monde.
Que voulez-vous que le visiteur retienne ?
Albane Godard : Nous espérons que l’exposition donne à chacun l’envie d’observer, de se reconnecter avec avec le vivant et de prendre soin du vivant qui l’entoure. Qu’elle apporte aux visiteurs de nouvelles connaissances, des interrogations et… du rêve !
Cédric Javanaud : J’ajoute que ce serait bien si le visiteur repartait avec l’amour du vivant et le sentiment d’appartenance à un tout plus grand. Je serais très content si les petits et les grands sortaient de l’expo avec l’envie de gratter la terre pour voir les petites bêtes, ou le projet de faire plus de tours en forêt ou dans la nature et de s’engager dans la préservation du vivant. On propose plein de pistes pour que chacun puisse agir à son échelle.
2023 à la Fondation GoodPlanet
Quelles sont les ambitions qui accompagnent cette nouvelle expo pour la saison 2023 ?
Cédric Javanaud : Il y a un enjeu pour nous à toucher un plus large public en le diversifiant. Nous accueillons des amateurs d’art, mais aussi un public plus populaire, cela ne veut pas dire qu’il n’aime pas l’art. Mais, il est moins habitué à ces formes d’expression. Nous les accompagnons pour que de la vidéo au dessin en passant par la photographie, ils découvrent d’autres formes d’expression. Cette expo doit aussi contribuer à faire de la Fondation GoodPlanet une bulle verte à proximité de Paris. Cette bulle verte offre de la sérénité, de la contemplation et une rupture avec la vie urbaine trépidante, bref une pause réflexive accessible à tous.
Albane Godard : La transition environnementale et sociale est le grand défi de l’humanité. Les créatifs et les artistes ont un rôle majeur à jouer dans cette transition. Ils ont la possibilité (et la responsabilité) de créer de nouveaux imaginaires susceptibles de remplacer ceux sur lesquels se fonde la société actuelle. La Fondation GoodPlanet, comme d’autres lieux tel que le MAIF Social Club, doit être un lieu où les artistes, et plus généralement la société, interrogent le monde contemporain et font émerger de nouvelles perspectives. Les gens doivent venir dans ces lieux pour y trouver une réflexion autre que purement scientifique. La transition adviendra à condition de porter de nouveaux regards.
La gratuité, un choix assumé, un défi à relever
Depuis son ouverture il y a 6 ans, la Fondation GoodPlanet fait le choix de la gratuité afin de se rendre accessible au plus grand nombre, comment la financez-vous ?
Albane Godard : Nous sommes financés par des dons d’entreprises et de particuliers. Rester un lieu gratuit ouvert à tous se révèle un véritable challenge. Pour accompagner la qualité de la programmation et la gratuité, nous lançons donc un programme spécifique de mécénat : « les Amis du Domaine ».
[Pour rejoindre les Amis du Domaine]
Cédric Javanaud : Sans la générosité du public, il ne serait pas possible de faire vivre ce lieu dédié à l’écologie et à la solidarité ouvert à tous. Les privatisations de notre partenaire Paris Society nous permettent aussi de vivre au quotidien. En complément, « les amis du Domaine » permettront à chacun en fonction de ses moyens de faire partie de l’aventure. Il y a différents paliers, les premiers démarrent à quelques dizaines d’euros, offrant à ceux qui le désirent la possibilité de contribuer à prolonger la gratuité du Domaine de Longchamp. En contrepartie, il y a des réductions à la boutique ou su sur nos ateliers.
Enfin, je tiens à souligner l’importance du bénévolat et remercier nos 250 bénévoles. Elles et ils se relaient chaque week-end afin de nous aider à faire vivre ce domaine. La gratuité repose sur l’engagement des équipes de la Fondation, salariées comme bénévoles, qui travaillent dur pour faire vivre ce lieu auquel on croit. Cela contribue à créer une atmosphère de bienveillance propre au lieu.
[Pour rejoindre les bénévoles de la Fondation GoodPlanet]
On sait que la gratuité n’est pas une condition suffisante pour créer la mixité sociale, sur quoi aller vous travailler pour faire venir de nouveaux publics ?
Cédric Javanaud : Nous devons déjà toucher au-delà de notre zone géographique du XVIe arrondissement de Paris et des communes limitrophes des Hauts-de-Seine. Notre vocation demeure d’être populaire et accessible. C’est pourquoi cette année, nous lançons Domaine Solidaire pour faire venir de nouveaux publics. Concrètement, nous travaillons avec les associations relais du champ social que nous accueillons gratuitement sur l’ensemble de notre catalogue d’activités en semaine du mercredi au vendredi. On donne aussi à voir le travail de ces associations dans notre programmation des week-ends pour faire connaître leurs actions à nos visiteurs. L’idée est de faire du Domaine une vitrine de l’engagement sur tout le territoire francilien.
[Pour les associations désireuses de venir à la Fondation GoodPlanet]
Enfin, on organise des week-ends spécifiques avec les associations du champ social, ce sera par exemple le cas lors de la réouverture avec une grande chasse au trésor au profit du Secours Populaire ou plus tard dans la saison, avec un festival organisé avec l’association Grandissons Ensemble, le Groupe SOS et France Terre d’Asile. Nous souhaitons égalment affréter des bus pour que de nouveaux publics découvrent la Fondation GoodPlanet.
Albane Godard : Cette réflexion entre l’action environnementale et l’action sociale se trouve dans l’ADN de la Fondation GoodPlanet. C’est fondamental. On ne distingue pas l’amélioration des conditions sociales de celle des conditions environnementales.
Cédric Javanaud : Il n’y a rien de pire que de s’entendre dire que les populations fragilisées ne sont pas concernées par les sujets environnementaux. Je pense que, si on veut faire citoyenneté et collectif, surtout sur des sujets aussi vitaux que le climat et la biodiversité, il faut s’adresser aux personnes les plus fragiles. C’est d’abord les reconnaître comme citoyens faisant partie d’un tout avec un rôle dans la société. La citoyenneté consiste à s’adresser à tout le monde.
Un dernier mot ?
Cédric Javanaud : En plus de l’exposition intérieure « À la remontre du vivant », nous allons accueillir à partir de la mi-avril une exposition photo en extérieur faite en partenariat avec la Fondation du Prince Albert II de Monaco. Il s’agit d’une exposition inédite de 57 photos qui offre un regard international sur la biodiversité. Elle montrera les espèces les plus étonnantes ainsi que les menaces comme l’urbanisation, l’agriculture intensive, la déforestation, le braconnage, le dérèglement climatique… Puis, dans la dernière partie de l’expo qu’on a intitulée « des raisons d’espérer », on mettra en avant des solutions. Ainsi, avec chaque légende de photo, un QR code proposera une solution de terrain portée par des associations, la Fondation du Prince Albert II de Monaco ou la Fondation GoodPlanet dans le monde.
Albane Godard : Venez nombreux découvrir cette nouvelle exposition et dites-nous ce que vous en pensez. Dites-nous aussi quels sujets vous voudriez qu’on aborde au Domaine de Longchamp.
Propos recueillis par Julien Leprovost
INFOS PRATIUQES
Expositions À la rencontre du Vivant à la Fondation GoodPlanet, 1, Carrefour de Longchamp, Bois de Boulogne, Paris du 8 avril avril au 17 décembre 2023.
Ouvert du mercredi au dimanche (12-18h mercredi, jeudi et vendredi, 11h à 19 samedi et dimanche)
Entrée libre et gratuite. L’agenda des événements prévus sur site chaque fin de semaine.
Plan d’accès et infos pratiques
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