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Dans la forêt du Mexique, des scientifiques traquent les futures épidémies

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Le vétérinaire Omar Garcia prélève le sang d'une chauve-souris dans le Yucatan (sud-est du Mexique) le 29 mars 2023 dans le cadre d'une étude sur la prévention des zoonoses © AFP Pedro PARDO

Tzucacab (Mexique) (AFP) – A la nuit tombée dans une forêt du Yucatan (sud-est du Mexique), le vétérinaire Omar Garcia prélève à la lumière d’une lampe frontale les fluides d’une chauve-souris dans le cadre d’un programme de recherche sur les zoonoses, ces maladies qui passent de l’animal à l’homme, comme peut-être le Covid-19.

Prise dans des filets, immobile entre les mains du vétérinaire, la chauve-souris est une espèce considérée comme un réservoir de virus.

Omar Garcia collabore à un programme franco-mexicain de recherche scientifique sur les agents pathogènes zoonotiques (virus, bactéries, parasites) à l’origine de nombreuses épidémies ces dernières décennies en zones tropicales, comme Ebola par exemple.

Concernant le Covid-19, les scientifiques estiment largement que la pandémie a démarré parce qu’un animal a transmis le virus à l’humain, probablement sur le marché chinois de Huanan, à Wuhan.

Des chercheurs et des responsables américains défendent toutefois l’hypothèse d’une fuite de laboratoire, ce que la Chine conteste.

En tous cas, la menace et les risques n’ont pas disparu: on estime qu’entre 500.000 et 800.000 virus d’origine animale pourraient toucher l’homme.

Forts de ce chiffre, les scientifiques de l’Institut de recherche et de développement (IRD) et de l’Université nationale autonome du Mexique (Unam) ont choisi le Yucatan, zone tropicale à risques comme ailleurs dans le monde (Afrique centrale, Asie du Sud-Est).

Avec d’importants problèmes de déforestation, à deux heures d’avion d’une mégapole connectée au monde entier (Mexico et ses 26 millions d’habitants périphérie comprise), le Yucatan se présente comme « une région très emblématique des risques d’émergence de zoonose », souligne Benjamin Roche, chercheur et directeur à l’IRD. « Au Yucatan, nous cherchons à concevoir une stratégie de prévention qui puisse servir d’exemple pour tout le monde ».

M. Roche est le codirecteur du laboratoire franco-mexicain Eldorado installé à Mérida. En théorie, le laboratoire peut partager ses « expériences et bonnes pratiques » avec d’autres centres de recherche ailleurs en Amérique latine (Costa Rica), Afrique centrale (Gabon, RDC) ou en Asie du Sud-Est. C’est en tous cas le but de l’initiative française Prezode (prévenir l’émergence de maladies zoonotiques) qui regroupe 22 pays.

L’objectif de la mission franco-mexicaine consiste à comprendre comment les agents pathogènes, qui circulent entre les animaux, oiseaux, rongeurs et moustiques, peuvent potentiellement toucher les hommes, explique Audrey Arnal, chercheuse à l’IRD.

 Virus du Nil occidental

Il s’agit de « comprendre quelles pourraient être les conséquences du contact entre les humains et la faune sylvestre, et comprendre quelle pourrait être la prochaine épidémie susceptible de sortir de la nature », ajoute-t-elle.

« Nous avons beaucoup de questions », ajoute Maria José Tolsa, biologiste à l’UNAM, soulignant que la pandémie de Covid-19 a mis en valeur les recherches qu’elle mène depuis dix ans.

Le travail de terrain commence au petit matin avec la pose de filets pour capturer les oiseaux et les chauves-souris.

Vient ensuite la prise de sang ou d’autres fluides par les scientifiques qui identifient l’animal et consignent des données, avant de le libérer.

Puis vient le temps de l’analyse, sur place à Mérida dans le laboratoire franco-mexicain Eldorado, ou à Mexico.

« Parmi les oiseaux, nous avons trouvé des espèces identifiées comme réservoir pour le virus du Nil Occidental (NDLR : arbovirus principalement transmis par des moustiques pouvant provoquer des atteintes neurologiques chez l’homme) », explique à Mexico Rosa Elena Sarmiento, du laboratoire de virologie de la faculté vétérinaire de l’UNAM.

Dans une étape ultérieure, l’équipe envisage de faire des prises de sang sur les populations locales pour déterminer si elles sont porteuses d’un virus d’origine animale.

En attendant, le projet inclut des visites à ces communautés rurales et des entretiens sur les thématiques sociales et environnementales, sur fond d’extension des zones agricoles et touristiques.

« Nous ne pouvons pas arriver et nous imposer », explique Erika Marcé Santos, de l’ONG Kalaankab qui assure la liaison avec les communautés. « Il faut un échange de savoirs avec les communautés ».

Fin décembre, début janvier, 1,7 million de volailles porteuses de la grippe aviaire ont été sacrifiées au Yucatan, avait indiqué le responsable local du Développement rural, Jorge Andrés Diaz Loeza, selon qui la situation était sous contrôle.

Dans la péninsule, des milliers d’arbres ont par ailleurs été coupés pour la construction du train Maya, un chantier d’une longueur de 1.554 km qui doit être inauguré en décembre.

Sous le feu des critiques des défenseurs de l’environnement, le gouvernement affirme avoir compensé en plantant d’autres arbres.

© AFP

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