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Les puits clandestins prolifèrent dans un eden minier d’Amazonie

puits amazonie

Un mineur travaille dans une mine illégale de cuivre à Canaa dos Carajas, au Brésil, le 19 avril 2023 © AFP Nelson ALMEIDA

Canaã dos Carajás (Brésil) (AFP) – Un cri retentit sous une grande bâche en pleine forêt amazonienne: c’est le signal que Webson Nunes attendait pour remonter son collègue à la surface. Avec d’autres mineurs clandestins, il extrait du cuivre du sous-sol brésilien, à Canaa dos Carajas.

Le nom de cette ville de l’Etat du Para (nord) est inspiré d’une référence biblique, Canaan, la terre promise « où coulent le lait et le miel ». Mais sa version amazonienne regorge elle de minerais.

La commune a été propulsée en 2020 en tête du classement du PIB par habitant au Brésil. Sa population a triplé en 12 ans pour atteindre 75.000 habitants aujourd’hui.

Depuis 2016, la compagnie Vale y exploite l’une des plus grandes mines de fer à ciel ouvert du monde, ainsi qu’un gisement de cuivre. En parallèle, une centaine de « garimpos », nom donné aux mines illégales, pullulent en toute clandestinité.

 « Peur au ventre »

La mine où travaille Webson Nunes, 28 ans, est un puits carré, d’1,40 m de côté, et une vingtaine de mètres de profondeur, avec de l’eau au fond, provenant des nappes phréatiques.

Les mineurs descendent, une disqueuse à la main, à l’aide d’un harnais attaché à un treuil électrique. Ils remontent avec une sorte de grand seau en plastique, chargé de plusieurs dizaines de kilos de pierres aux reflets dorés.

Webson Nunes, qui est depuis sept ans « garimpeiro », c’est à dire un mineur clandestin, est chargé d’opérer le treuil, mais garde en permanence « un oeil sur la mine et l’autre en dehors ».

« À tout moment, la police peut arriver », explique-t-il à l’AFP. « Si c’était légal, on ne travaillerait pas la peur au ventre ».

Pour son travail, il reçoit 150 réais par jour (environ 27 euros), bien plus que ce qu’il gagnerait avec un emploi conventionnel.

Son équipe parvient à extraire environ une tonne de cuivre par jour, vendue plus de 700 euros. La plupart de la production des garimpos de Canaa dos Carajas est destinée à la Chine, selon la police brésilienne.

 Dommages environnementaux

L’ex-président d’extrême droite Jair Bolsonaro (2019-2022), dont le père a été garimpeiro, a fortement encouragé cette pratique durant son mandat, y compris en Amazonie. Cependant, les contrôles se sont intensifiés dans la région depuis août 2022 avec six opérations policières qui ont constaté de « graves dommages environnementaux ».

De vastes étendues de forêt ont été transformées en piscines de boue remplies de substances toxiques, et les agents ont constaté une « sévère modification » de la couleur de certains cours d’eau.

« Les garimpeiros sont vus comme des délinquants, des voleurs, mais ce sont juste des pères de famille qui tentent de gagner leur vie », souligne Genivaldo Casadei, trésorier d’une coopérative de mineurs qui tentent de régulariser leur activité.

« Si c’était légal, cela créerait davantage d’emplois, avec des recettes fiscales pour les collectivités territoriales », insiste le quinquagénaire.

Selon lui, les négociations avec l’Agence nationale qui régit les activités minières (ANM) pour légaliser les garimpos étaient avancées sous le gouvernement Bolsonaro, mais elles ont été interrompues quand la gauche est revenue au pouvoir en janvier. Le président Luiz Inacio Lula da Silva a promis une tolérance zéro face aux mines illégales.

 « Travail dangereux »

Les garimpeiros remettent en cause le fait que l’exploitation légale du sous-sol soit entièrement réservée à la compagnie Vale, qui emploie 9.000 personnes, mais ne concentre ses activités que sur 13% de la surface exploitable.

Accroupi à côté d’un puits, Valmir Souza concasse de grosses pierres pour en dégager les morceaux de cuivre. « C’est un travail dangereux, il faut faire attention de ne pas se blesser », dit cet homme de 33 ans, équipé de gants, de bottes en caoutchouc et d’un casque blanc.

Avant de devenir garimpeiro, il était professeur de capoeira. Il a quitté il y a sept mois l’Etat voisin du Maranhao (nord-est), le plus pauvre du Brésil, pour gagner plus dans l’eldorado amazonien, même s’il est obligé de « travailler en cachette ».

© AFP

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