Le climat s’est déjà réchauffé de plus de 1,1°C au niveau mondial, ce qui a pour conséquence d’augmenter l’intensité et la fréquence des évènements climatiques extrêmes, dont les canicules. L’anticipation de ces dernières devient un enjeu capital dans l’adaptation au changement climatique. Ces dernières semaines, deux études scientifiques distinctes aident à se préparer aux vagues de chaleur. L’une présente une Intelligence Artificielle (IA) capable de prédire la survenue des vagues de chaleur extrême en France, tandis que l’autre, qui repose sur une méthode statistique, avertit que de nombreuses régions du monde ne sont pas suffisamment préparées face à ce type de menaces.
Améliorer la prédiction des vagues de chaleur grâce aux algorithmes
Une équipe pluridisciplinaire de chercheurs français du CNRS, du CEA et de l’Université de Claude Bernard Lyon 1 a mis au point une IA capable de prédire 30 jours à l’avance les vagues de chaleur extrême. Leurs travaux ont été publiés dans la revue Physical Review Fluids début avril 2023.
« L’objectif de cette étude était de se demander dans quelle mesure les outils de type Intelligence artificielle et deep learning [NDRL apprentissage profond ou le fait d’entrainer une IA sur beaucoup de données] permettent de compléter les outils traditionnels dont disposent les physiciens pour la prévision d’évènements extrêmes dans le climat. Si les météorologues arrivent à prévoir ce type d’événements, dans quelle mesure une IA peut-elle y parvenir ? On a choisi les canicules car elles ont un très fort impact pour la société puisqu’elles font des milliers de morts en Europe. Il s’agit de surcroît d’un phénomène que les sociétés vont devoir affronter plus souvent », explique Patrice Abry, contacté par GoodPlanet Mag. C’est l’un des auteurs de l’étude, il est directeur de recherche aux CNRS et dirige aussi l’Institut des systèmes complexes, une structure spécialisée dans les travaux interdisciplinaires.
Ainsi, les climatologues et les spécialités de l’IA ont développé une IA en mesure d’estimer des probabilités de survenues des vagues de chaleurs 30 jours à l’avance en France. Sa mise au point s’est effectuée en deux grandes phases, la conception de l’algorithme puis son entrainement sur 8000 années de données à partir du modèle climatique PlaSim de l’université d’Hambourg.
Le scientifique précise que les données fournies à l’IA sont les mêmes que celle dont les météorologues disposent. La différence est que les météorologues doivent refaire chaque jour leurs estimations avec de nouvelles données, là où, après une phase d’entrainement, l’IA parvient à quasi-internement donner des résultats sur la probabilité d’occurrence d’une vague de chaleur 30 jour à l’avance.
Cette recherche démontre qu’il est théoriquement possible de prévoir ces événements. À date, elle n’est pas encore opérationnelle car les données météo utilisées pour entrainer l’IA ne prennent pas encore en compte les évolutions récentes et importantes du changement climatique. Patrice Abry rappelle que « en amont, il y a un énorme travail d’apprentissage à accomplir et qu’il faut disposer de beaucoup de données pour obtenir des résultats pertinents. On veut apprendre des événements extrêmes, mais ce n’est pas aussi simple que de reconnaitre des chats et des chiens. Il faut comprendre que par définition les événements extrêmes sont rares et que les canicules étudiées ici correspondent aux 5 % les plus extrêmes d’excès de température par rapport aux moyennes saisonnières. C’est pourquoi disposer d’enregistrements météo sur de très longues périodes devient un vrai enjeu si on veut améliorer notre capacité à anticiper les vagues de chaleur. »
Les applications pratiques d’une telle technologie seraient d’aider à mieux prévenir les canicules en alertant notamment suffisamment tôt les populations sur le risque. Il reste toutefois, dans l’hypothèse où une telle méthode venait à servir un jou,r à déterminer à quel niveau de probabilité d’un épisode de canicule l’alerte doit être donnée. Patrice Abry : « c’est à la société de décider quel est ce seuil, il sera un compromis entre le risque et le coût de la gestion du risque. ».
Enfin, le scientifique tient à rappeler que malgré toutes les controverses actuelles au sujet de l’IA, cette dernière reste « un outil formidable, qui permet de voir des choses qu’on ne verrait pas autrement en médecine ou en climatologie. Elle nécessite cependant beaucoup de ressources, ce qui implique de l’utiliser à bon escient et qu’il est sans doute plus pertinent de le faire répondre aux challenges que la société doit affronter que pour améliorer des algorithmes de recommandation. »
Identifier les régions les plus à risques dans le monde
Par ailleurs, une autre étude scientifique publiée également en avril et repérée par le site ScienceDaily s’intéresse aux régions du monde les plus à risque face aux vagues de chaleur. Elle ne repose pas sur l’IA, mais sur une méthode statistique différente. Les chercheurs ont regardé les probabilité qu’une future vague de chaleur dépasse les précédents records de températures enregistrées dans un endroit donné.
Il ressort de ces travaux de l’université de Bristol en Angleterre que 31 % des régions observées ont déjà été confrontées à des vagues de chaleur considérées comme peu probables en termes statistiques entre 1959 et 2021. Les scientifiques notent également que moins un pays est préparé à un tel événement plus il se montre vulnérable. Cette impréparation se traduit par des répercussions sanitaires conséquentes comme de nombreux décès. Les scientifiques, dont le travail fait l’objet d’une publication dans la revue Nature Communications, ont ainsi établi une liste de points à risques (hotspots)dans le monde parmi lesquels figurent la Russie, l’Amérique centrale, l’Afghanistan, l’Europe centrale, le Queensland en Australie et Pékin.
Le climatologue à l’université de Brisola et auteur principal de l’étude Vikki Thompson déclare : « étant donné que les vagues de chaleurs vont survenir plus souvent, nous devons êtres mieux préparés. Nous avons identifié les régions qui jusqu’à présent ont eu de la chance d’être relativement épargnées par le phénomène des vagues de chaleur extrême. Certaines connaissent une croissance démographique rapide, d’autres certaines dans des pays en développement et certaines sont déjà très chaudes. Elles ont néanmoins besoin de se demander si leurs plans d’actions face à la chaleur suffissent. » Les scientifiques rappellent en effet que se préparer aux éventuelles vagues de chaleur sauve des milliers voire des dizaines de milliers de vies. D’autant que la plupart des pays considérés comme les plus exposés au risque climatique disposent de systèmes de santé ainsi que d’un accès aux ressources énergétiques limités. Co-auteur de l’étude, Dann Mitchell, enseigne les sciences de l’atmosphère à l’université de Bristol et conclut espère que les conclusions seront prises en compte par les décideurs : « notre étude montre que des vagues de chaleur records peuvent survenir partout dans le monde. Les gouvernements doivent s’y préparer ».
Julien Leprovost
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Un commentaire
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patrice DESCLAUD
Intéressant, mais traduction ou transcription pas relues (plusieurs incompréhensions ?); exemple, que veut dire : l’IA parvient à quasi-internement donner des résultats sur la probabilité d’occurrence ?
Par ailleurs on parle essentiellement canicule, sans un mot sur inondations et pluies catastrophique, ou salinité des océans. La technologie n’est qu’un outil de plus, même si rien ne doit être négligé dans ces circonstances.