« Catalogue amoureux de la vie sauvage en France », voici comme le réalisateur (et aussi président de la Fondation GoodPlanet) Yann Arthus-Bertrand évoque son dernier film Vivant. Le film est diffusé mardi 23 mai à 21h10 sur France 2 et disponible en replay. L’occasion pour nous de questionner Yann Arthus-Bertrand sur son rapport au vivant. L’interview de Yann Arthus-Bertrand ainsi que la bande-annonce du film Vivant sont à retrouver dans cet article de GoodPlanetMag’. Il est à noter que Vivant sera suivi d’un autre film Renouer avec le Vivant qui prolonge la réflexion sur notre rapport à la nature et la passion de capturer des images de la faune et de la flore sauvage en France.
Pourquoi avoir attendu si longtemps pour consacrer un film à la nature la plus proche de nous, celle qu’on trouve en France ?
J’ai pendant longtemps été prisonnier de la dimension internationale de mon travail sur La Terre vue du ciel ou encore sur les films Human et Woman. Pendant le confinement, je me suis aperçu qu’il y avait un travail que je n’avais pas fait sur la nature autour de moi. La beauté que je recherchais autour du monde était là tout proche. L’harmonie se trouvait dans la forêt à côté de chez moi. Ce film se révèle donc un catalogue amoureux de la vie sauvage.
« Un catalogue amoureux de la vie sauvage. »
Qu’est-ce que cela signifie, pour vous, aller à la rencontre du vivant ?
Je suis un mec qui pense qu’on ne donne pas assez de place aux animaux sauvages. Je voudrais mettre des biches et des cerfs dans le Bois-de-Boulogne. Tout le monde adorerait, mais cela ne se fait pas car on craint les accidents de voiture. Aller à la rencontre du vivant, c’est accepter que le vivant soit différent et de vivre avec.
Vivant est un film atypique puisqu’il repose sur le travail et les prises de vues de centaines de personnes, dont beaucoup de passionnés. Qu’est-ce qui vous a le plus surpris en réalisant ce film ?
Tout d’abord, on a rapidement compris qu’il fallait qu’on fasse ce film sur la biodiversité française à plusieurs.
« Aller à la rencontre du vivant, c’est accepter que le vivant soit différent et de vivre avec. »
Ensuite, j’ai été surpris par le fait que je connaissais très mal la biodiversité autour de chez moi. En travaillant le sujet, je me suis aperçu que je ne savais rien. Par exemple, j’ignorais que sur les 5000 espèces de papillons qu’on trouve en France, seuls 150 sont diurnes. J’ignorais également que le martinet passe 10 mois dans le ciel sans se poser en dormant à 3000 mètres d’altitude. Je ne connaissais pas les mycorhizes et les millions de connexions entre eux, les arbres, leurs racines et les champignons.
La grande diversité des animaux est sans doute ce qui m’a le plus surpris. Mais, c’est trompeur car on ne la voit pas. En effet, beaucoup d’espèces vivent cachées en raison de la terreur que les êtres humains inspirent. Il a fallu que j’installe des pièges photographiques pour constater qu’il y a des blaireaux chez moi.
« Beaucoup d’espèces vivent cachées en raison de la terreur que les êtres humains inspirent. »
Vous dites à un moment du film que la meilleure manière d’obtenir des images des animaux est de vivre en paix avec eux afin qu’ils ne soient plus effrayés par l’humain …
Quand je travaillais au Kenya, on pouvait voir les antilopes passer devant à moins de 10 mètres. J’adorerais que ce soit pareil en Europe. En France, les animaux déguerpissent dès qu’un être humain est à 200 mètres. Tous les animaux sauvages sont terrorisés par l’humain. Dans sa quête d’un meilleur confort, l’espèce humaine s’est montrée redoutablement efficace dans la chasse et dans sa capacité à transformer des paysages, notamment à l’aide des énergies fossiles.
Quel message voulez-vous que le spectateur retienne du film ?
L’ambition du film est de faire accepter les animaux sauvages même s’ils dérangent. Un renard, bien qu’il puisse manger des poules, mène sa vie et joue un rôle dans l’écosystème. Lorsque je dis que j’aimerais réintroduire des grands cervidés, on me parle d’abord d’accidents, de nuisances, de dégâts du gibier sur les cultures ou les plantations forestières. Il est malheureux de constater que dès qu’ils dérangent, on ne veut plus des animaux sauvages.
« Accepter les animaux sauvages même s’ils dérangent. »
Il faudrait que le XXIe siècle soit celui de la réconciliation entre l’humain et la nature. En plus de ces zones de libre-évolution des espèces sauves, comment imaginez-vous un monde de coexistence ? Quels moyens pour l’atteindre ?
Un tel changement dans les mentalités et les comportements passe par l’éducation. Il est nécessaire d’expliquer, et de faire comprendre notamment à tous les enfants, qu’un renard n’est pas un nuisible.
[À voir aussi Des renards et des hommes]
Actuellement, il y a un manque de vraie empathie envers les animaux sauvages. J’ai une empathie profonde à leur égard quand je vois un chevreuil ou un sanglier apeuré traverser une route, j’ai envie de leur dire que je veux les protéger.
« Il y a un manque de vraie empathie envers les animaux sauvages.»
Avez-vous un conseil à donner aux personnes qui voudraient justement aller à la rencontre de la beauté de la nature en France ?
C’est une démarche personnelle et intime. Je m’intéresse aux animaux depuis que j’ai 20 ans, c’est inscrit en moi. Je pense que pour favoriser ce rapport au vivant, on devrait accepter, en France, des zones où on laisse tranquille les animaux. Les gens pourraient alors les voir sans qu’ils soient terrorisés. Cela prendra plusieurs générations, mais c’est pour moi un rêve. Il suffit d’imaginer la joie des promeneurs rencontrant des cerfs ou des biches.
« Des zones où on laisse tranquille les animaux. »
[À lire aussi Des réserves de vie sauvage privées pour protéger la nature en France et Francis Hallé : « la forêt primaire offre le maximum de biodiversité, le maximum de captation du CO2, le maximum de fertilité des sols »]
Voir la bande-annonce du film puis poursuivre la lecture de l’interview ci-dessous
De quelle manière l’exposition À la rencontre du vivant à la Fondation GoodPlanet (jusque mi-décembre 2023) et le film Vivant se complètent-ils ?
[À lire aussi À la rencontre du vivant, la nouvelle exposition ouverte à tous, à découvrir jusqu’au 17 décembre 2023 à la Fondation GoodPlanet]
J’aime beaucoup l’exposition À la rencontre du Vivant à la Fondation GoodPlanet. Elle propose une vision artistique différente du film. Elle offre une immersion intéressante, je pense par exemple à la salle avec les bois de cerf. De plus, il y a une médiation qui permet d’en apprendre beaucoup sur la biodiversité.
[À voir aussi Un aperçu vidéo de la nouvelle exposition de la Fondation GoodPlanet en 1 minute !]
Avez-vous un dernier mot ?
Dans la continuité de Vivant, qui est un film collectif, j’aimerais beaucoup lancer une émission de télévision. Il existe au Royaume-Uni ou en Belgique, Jardins extraordinaires, des émissions dans lesquelles des gens filment les animaux. Chaque mois, le programme irait à la rencontre de ces passionnés, qui capturent ces images et parlent de ce sujet avec passion.
Propos recueillis par Julien Leprovost
Pour aller plus loin
Le site officiel du Film Vivant qui propose des ressources pédagogiques ainsi qu’il offre la possibilité d’organiser des projections
Vivant et Renouer avec le Vivant, diffusion sur France Télévision mardi 23 mai à partir de 21h. Puis disponible en replay (lien à venir ultérieurement).
Découvrir tous nos articles de la série À la rencontre du vivant
Jane Goodall : « nous avons perdu en sagesse en perdant contact avec la nature »
8 commentaires
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Balendard
Merci Mr Yann
Si l’on considère notre souhait de faire revivre le cerf en zone habitée est-il normal que la vitesse automobile dans Paris étant depuis ce mois de mars 2013 limitée à 30 km/h, cette limitation ne soit pas aussi effective dans les Bois de Boulogne et de Vincennes et autorisée jusqu’à 50 km/h alors que ces deux bois sont considérés comme faisant partie de Paris intramuro ?
http://www.infoenergie.eu/riv+ener/cartographie.pdf
Balendard
Excuse la faute de frappe sur mon portable
Lire 2023
Balendard
Dur dur
Voir la page 31 de
http://www.infoenergie.eu/riv+ener/2consommation.pdf
brunet
Merci Yann !
Suzanne Wolf
Ai vu votre docu. Suis née en 1958 et mes parents nous ont appris beaucoup sur la nature. Ceux de notre génération ont pu observer tous les changements (disparition insectes puis raréfaction de beaucoup d espèces dans nos plaines sans haies, sans fleurs sauvages ni « mauvaises herbes » et les grandes surfaces agricoles à perte de vue. La petite ville près de chez moi à pris l initiative de semer une coulée verte en bourraches et phacélies, rien que ça, ça m a enchantée et ai fait un mail à la ville pour leur dire Bravo ! Je suis aussi admirative du boulot de quelques personnes (comme l ornithologue J-François Cornuet ou l Allemand Peter Berthold) et essaie, selon les petits moyens de contribuer à la sauvegarde de notre planète (encore bleue) : ramasser déchets et les mettre dans la poubelle à 10mètres, nourrir oiseaux et leur mettre de l eau, observer et parler à mes lézards, semer et planter fleurs mellifères…rien que ça me donne du plaisir. Bien à vous !
Frédy Merçay
Bonjour,
J’ai visionné votre film « Vivant » aux images étonnantes, très belles. Je suis photographe animalier (En retraite!) et j’apprécie donc de voir de belles images. « Vivant » interpelle profondéement sur ce que nous faisons à notre planète et cela m’a énormément attristé en imaginant que nos générations futures ne verrons plsu ce que nous, photographes de nature avons eu le privilège de vivre en directe au quatre coins du monde. J’ai donc été très ému en regardant votre film car la beauté que vous montrez va disparaître.
Avec mes meilleures salutations.
Frédy Merçay.
Site: fredymercayphotography.com
WISNIEWSKI
Magnifique documentaire et très émouvant parfois
Bravo à leurs auteurs
Yann
Bonjour,
Magnifique documentaire, merci.
A quand le dvd ?