Göteborg (Suède) (AFP) – A l’aide d’un bras motorisé, un ouvrier de l’usine Volvo de Göteborg, en Suède, fait lentement avancer d’énormes blocs noirs le long d’un châssis: trois tonnes de batteries qui alimenteront bientôt un camion électrique, produit phare du numéro 2 mondial du secteur.
« C’est ici que se fait la différence », explique Sandra Finer, vice-présidente des opérations sur le site. « Sur la ligne de production, on utilise les mêmes gens et les mêmes équipements mais là, au lieu de placer un moteur diesel, on place un module électrique ».
Désormais produits en série par plusieurs grands constructeurs en Europe, en Amérique du Nord et en Chine, les camions électriques essaiment sur les routes plus vite que prévu, même si le chemin est encore long pour détrôner le polluant diesel.
« Nous vivons un moment très excitant », dit à l’AFP Felipe Rodriguez, expert indépendant au sein du groupe d’analyse International Council on Clean Transportation (ICCT).
« Il y a quatre ou cinq ans, les gens vous auraient dit: +vous êtes fou, ça ne marchera jamais. Le diesel est roi, il ne peut pas être battu+ ».
Très gourmands en énergie pour déplacer leurs nombreuses tonnes, les poids lourds électriques suscitent des interrogations sur leur autonomie ou leur recharge qui nécessite des bornes des dizaines de fois plus puissantes que pour les voitures.
Mais, poussé notamment par des régulations de plus en plus strictes de l’Union européenne pour réduire les émissions de CO2 et par le soutien massif de l’Etat chinois à ses constructeurs nationaux, le secteur semble désormais convaincu qu’on ne fera pas marche arrière.
« Il y a eu prise de conscience de l’industrie qu’elle ne pourrait pas garder ses moteurs diesel pour toujours », souligne M. Rodriguez. « Et une course est maintenant lancée pour vraiment développer et lancer ces camions électriques sur le marché ».
En 2022, les camions électriques n’ont représenté qu’une portion congrue – 1 à 2% – des principaux marchés dans le monde, avec 40.000 à 50.000 unités vendues au total, la plupart en Chine, selon les données de cabinets d’analyses.
Mais les principaux constructeurs occidentaux comme les allemands Daimler et Man, Volvo et sa filiale française Renault Trucks, ou l’autre suédois Scania ont investi massivement.
Quant à l’américain Tesla, après son carton dans la voiture électrique, il affiche aussi ses ambitions sur ce segment avec son « Semi » promettant jusqu’à 800 kilomètres d’autonomie.
Le gâteau est de taille: le marché du camion pèse plus de 200 milliards de dollars par an au niveau mondial, avec près de 6 millions d’unités écoulées.
« En 2030, 50% des camions Volvo que nous vendrons devraient être zéro émission (…) et en 2040, tout devra l’être », dit à l’AFP Roger Alm, dirigeant de la branche camions de Volvo Group.
Une proportion des ventes qui correspond peu ou prou à celle nécessaire pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris pour décarboner le transport routier, estime l’ICTT.
Selon le cabinet d’analystes, un poids lourd diesel émet environ 1 kilo de CO2 par kilomètre. Même avec le mix électrique européen actuel, qui comprend encore une part importante de charbon et de gaz, un camion électrique diminue des deux tiers ce bilan carbone.
Toujours selon l’ICCT, la part de l’électrique en Europe devrait atteindre 90% en 2040.
« Ca a vraiment commencé à décoller dans le nord de l’Europe et en Amérique du nord. Maintenant ça se déplace vers le sud en Europe, mais aussi d’autres marchés en Afrique, en Australie, au Brésil, pays par pays », dit M. Alm.
Actuellement, un camion électrique reste environ deux à trois fois plus cher qu’un diesel, selon Volvo, mais les prix devraient chuter fortement et ils coûtent moins cher à faire rouler.
Avec d’autres constructeurs, le géant suédois a abondé un grand plan européen pour multiplier les bornes de recharge pour camions, un des points faibles pour l’instant.
Pour recharger rapidement et entièrement un camion, il faut des bornes cinquante à cent fois plus puissantes que celles de recharge rapide pour voiture.
Pour répondre aux problèmes d’autonomie, plusieurs constructeurs ont choisi d’investir dans une autre technologie électrique: le camion à pile combustible, utilisant de l’hydrogène pour produire de l’électricité.
La semaine dernière, Volvo a fait des essais sur route ouverte –les premiers dans le monde– d’un camion de ce type, dont l’essor réel devrait prendre quelques années.
© AFP
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