Un perroquet bleu freine l’installation d’éoliennes au Brésil

perroquet bleu

Des aras de Lear survolent une réserve, à proximité du complexe éolien de Canudos, dans l'Etat de Bahia, le 5 mai 2023 au Brésil © AFP Rafael Martins

Canudos (Brésil) (AFP) – Les éoliennes, la source d’énergie propre bienvenue par excellence ? Pas pour les défenseurs d’un perroquet bleu menacé d’extinction, qui sont parvenus à faire suspendre la construction d’un parc de Voltalia au Brésil.

Cette entreprise française a débuté les travaux en 2021, dans le nord-est du pays, qui abrite déjà plus de 90% de la production brésilienne d’énergie éolienne, avec ses vents forts et réguliers.

Ce parc, dont la construction est déjà bien avancée, est doté de 28 éoliennes, avec une capacité de production de 99,4 mégawatts, sur une zone semi-aride à Canudos, dans l’Etat de Bahia, qui a octroyé à Voltalia les licences environnementales nécessaires.

Mais un vent de critiques s’est levé quand des militants associatifs ont signalé que ces mâts blancs imposants de 90 mètres de haut, aux pales de 60 mètres de long, seraient bâtis sur le sanctuaire des aras de Lear (anodorhynchus leari).

Ce perroquet bleu a été baptisé ainsi par l’ornithologue Charles-Lucien Bonaparte, neveu de Napoléon, au milieu du XIXe siècle, en hommage au poète, peintre et explorateur britannique Edward Lear, qui l’a immortalisé dans ses croquis.

Actuellement, il n’en reste qu’environ deux mille spécimens dans la nature.

« Irréversible »

Marlene Reis, de l’ONG Projeto Jardins da Arara de Lear, craint que les éoliennes à Canudos n' »augmentent considérablement les risques d’extinction » de cette oiseau d’environ 75 cm, au plumage bleu vif.

Pour cette spécialiste, l’impact peut s’avérer « irréversible », pour un animal qui vit et se reproduit exclusivement dans la région ». Les éoliennes se trouvent donc sur la route de ses vols, avec des risques de collision.

[À lire aussi Les énergies renouvelables gagnent du terrain au Brésil selon une étude]

Ces arguments ont été jugés recevables par un tribunal fédéral, qui a suspendu les travaux en avril, en annulant les permis délivrés à Voltalia par l’Etat de Bahia.

Le tribunal a ordonné que des études plus poussées soient menées, et que les populations locales soient consultées.

Voltalia, multinationale présente dans vingt pays et quatre Etats brésiliens, a fait appel.

Nicolas Thouverez, responsable de l’entreprise au Brésil, a assuré à l’AFP que « les possibles conséquences environnementales et sociales » avaient été « traitées de façon exhaustive ».

Selon lui, les études déjà menées par des spécialistes pour obtenir les permis auprès des autorités locales « ont montré que l’installation de parcs éoliens ne menace aucunement la conservation de l’espèce » des aras de Lear.

Voltalia propose par ailleurs des solutions pour limiter l’impact sur les perroquets: l’une d’elles consisterait à installer un mécanisme qui bloque le mouvement des hélices dès qu’il détecte l’arrivée d’un de ces volatiles. L’autre serait de munir certains d’entre eux de GPS pour mieux observer les trajectoires de leurs vols.

– Investissements massifs –

Mais les perroquets bleus ne sont pas la seule préoccupation des populations locales.

Dans les zones autour du parc éolien de Voltalia, près de 7.500 petits producteurs ruraux craignent que leurs activités ne soient affectées.

Adelson Matos, agriculteur de 65 ans à la barbe blanche qui élève des chèvres, des brebis, des vaches et cultive des arbres fruitiers dans la localité voisine d’Alto Redondo, ce projet est contraire à « toute type d’harmonie avec l’habitat naturel ».

Il craint notamment que les éoliennes n’affectent le cycle des vents et des pluies dans la région. Avant même qu’elles ne soit mises en service, il se plaint déjà du bruit du va-et-vient des véhicules « jour et nuit ».

Le Brésil est le membre du G20, les vingt premières économies de la planète, dont la part des sources d’énergie renouvelables est la plus importante, produisant 89% de l’électricité du pays.

Et si les centrales hydroélectriques représentent encore plus de 60% de cette production, la part du solaire et de l’éolien ne cesse d’augmenter.

De retour au pouvoir pour un troisième mandat en janvier, le président de gauche Lula a promis de faire de la lutte contre le changement climatique une priorité, contrairement à son prédécesseur d’extrême droite Jair Bolsonaro (2019-2022).

Le ministre de l’Energie, Alexandre Silveira, a affiché récemment son ambition de faire du nord-est du Brésil, qui abrite déjà 725 des 828 parcs éoliens du pays, « la plus grande réserve d’énergie propre et renouvelable au monde ».

Pour y parvenir, le gouvernement espère attirer des investissements de 120 milliards de réais (environ 22 milliards d’euros).

© AFP

Ecrire un commentaire