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Amazonie : la dernière frontière indigène de la Vallée du Javari

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Des enfants du peuple Kanamari dans le village de Sao Luis, dans la vallée de Javari, dans le nord-ouest de l'État d'Amazonas au Brésil, le 18 mai 2023 © AFP/Archives Siegfried

Javari (Brésil) (AFP) – Les défenseurs des Amérindiens le rappellent souvent: les derniers indigènes non-contactés d’Amazonie ne sont pas des reliques ou les vestiges d’un monde ancien. Ils sont nos contemporains, et une part essentielle de la diversité de l’espèce humaine.

La fascinante Vallée du Javari, vaste étendue de jungles impénétrables dans le nord-ouest du Brésil, est réputé être l’un des derniers refuges sur la planète de ces non-contactés.

Il faudrait plutôt parler de communautés en isolement volontaire, selon l’ONG Survival international.

Car ces indigènes ont déjà eu des interactions avec la civilisation moderne, mais ils refusent désormais tout contact prolongé et ont choisi de se rester isolés en profondeur dans la forêt.

« On ne sait pas grand-chose sur eux. Sauf qu’ils ont refusé tout contact, souvent à la suite d’horribles violences (dont ils ont été victimes), de maladies introduites par des étrangers » ou depuis le boom du caoutchouc au cours duquel des milliers d’entre eux ont été réduits en esclavage et tués, explique Survival.

Les images aériennes de quelques-uns de ces hommes à demi-nus, stupéfaits et surpris les armes à la main dans leur campement noyé dans l’immense forêt, ont fait le tour du monde.

« Les rares fois où ils ont été vus ou rencontrés, ils ont clairement fait savoir qu’ils voulaient être laissés tranquilles », selon Survival. « Parfois, ils réagissent de manière agressive (…) ou laissent des signes dans la forêt pour avertir les étrangers de ne pas s’approcher ».

Deuxième plus grande réserve amérindienne (Terre indigène) du Brésil, la Vallée du Javari, dans l’Etat d’Amazonas, s’étend sur 8,5 millions d’hectares, sur une région grande comme le Portugal.

Elle a été créé en 2001, et s’est soldée par l’éviction de populations de pionniers et colons, souvent métissées, installées sur les rives de ses fleuves depuis des années et qui vouent depuis lors un fort ressentiment aux indigènes.

Réfugiés à Atalaia do Norte et Benjamin Constant, à l’entrée du Javari, ces « gens du fleuve » (« ribeirinhos ») se considèrent comme les propriétaires légitimes du Javari et de ses richesses. Ils fournissent le gros des pêcheurs, bûcherons et autres braconniers pénétrant illégalement dans la réserve, en théorie interdite aux étrangers.

Casse-tête et kidnapping

Près 6.300 indigènes vivent dans la Vallée du Javari, sept « peuples » appartenant à deux groupes linguistiques distincts (Pano et Katukina), ainsi 19 groupes isolés recensés par la Fondation nationale des peuples indigènes (Funai) brésilienne, en charge de la protection de ces populations.

Les plus anciennement contactés sont les Marubo, Matsés, Matis, Kanamari, et les Kulina Pano. Les Korubo (célèbres pour leur gourdin servant de casse-tête) et les Tsohom-dyapa ont été en contact plus récemment avec le monde extérieur.

Les derniers isolés restent nomades, et sont des familles élargies déplaçant au gré des saisons et de la chasse leurs campements en forêt. Ils laissent parfois volontairement des signaux de leur présence et volent régulièrement, car eux aussi veulent des vêtements, de la vaisselle…

Toutes sortes de menaces pèsent sur eux, à commencer par les invasions et les convoitises sur les immenses richesses que recèlent ces territoires de forêts et de rivières quasi-vierges. Pêcheurs, chasseurs, mineurs, bucherons, narcos… sans parler des missionnaires évangéliques, souvent Américains, Coréens et Brésiliens qui, au nom de « la divine croisade », sont littéralement obsédés par l’idée de christianiser les dernières « âmes pures » de la planète.

Plusieurs communautés indigènes ont été disséminées aux premiers contacts par les maladies, comme les Matis, qui ont frôlé l’extinction avec la pneumonie.

Les relations entre différents groupes peuvent être violentes, voire meurtrières. Les Matsés ont ainsi presque exterminés les Kulinas.

La tradition du kidnapping des filles et des adolescentes (pour régénérer le sang du groupe) perdure aussi chez les isolés, y compris sur les communautés contactées. Un Kanamari a ainsi raconté à l’AFP le rapt récent par des Korubos d’une enfant, qui a finalement pu échapper à ses ravisseurs.

La Funai et l’armée sont les deux seules autorités gouvernementales dans le Javari. Le président Jair Bolsonaro a de facto encouragé l’invasion et l’exploitation des richesses du Javari, la Funai s’étant retrouvée considérablement affaiblie sous son mandat.

Depuis l’élection de Lula fin 2022, le gouvernement promet de mieux protéger la vallée, mais la Funai, comme l’armée, restent insuffisamment présentes, selon l’Univaja, organisation autochtone clé.

Le double meurtre, en juin 2022 par des pêcheurs, de l’indigéniste Bruno Pereira et du journaliste britannique Dom Phillips a attiré l’attention sur un coin du monde longtemps oublié. Mais les invasions et les violences perdurent, en particulier les menaces de mort contre les indigènes et leurs défenseurs.

Début mars, une délégation gouvernementale brésilienne s’est rendue dans le Javari, accompagnée des veuves de Dom et Bruno, promettant de « rétablir une présence du gouvernement » sur place, et jugeant qu’il « n’était plus possible que les indigènes continuent à être intimidés et apeurés à l’intérieur même de leur territoire ».

© AFP

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