Taipei (AFP) – Depuis plusieurs mois, le Sud de Taïwan est confronté à une importante vague de sécheresse, affectant les forêts de bambou de l’île et le mode de vie des communautés autochtones, particulièrement tournées vers la culture de cette plante.
Voilà des générations que la communauté des Tsou vit des forêts de bambou d’Alishan, une région située dans le sud de Taïwan, dont les premières pousses sont habituellement récoltées à partir d’avril et mai.
Mais la « météo s’est vraiment déréglée ces dernières années », explique à l’AFP Avayi Vayayana, âgé de 62 ans, chef de la communauté des Tsou. « Les pluies ont été retardées et la croissance des pousses de bambou s’en trouve très affectée ».
Depuis fin 2022, aucune pluie abondante n’est tombée sur cette partie de l’île, avec des conséquences dramatiques pour la culture locale des bambous. Lesquels, ne sortant pas de terre par manque de pluie, deviennent de plus en plus difficiles à repérer.
« Les jeunes pousses ne germeront pas s’il ne pleut pas », explique Avayi Vayayana. « Au bout d’un certain temps, elles mourront ainsi dans le sol ».
Conséquence? La dernière récolte de pousses de bambou de la communauté des Tsou, qui recense 7.000 habitants à travers la région d’Alishan, a drastiquement baissé cette année.
Celle de Avayi Vayayana a par exemple diminué de deux tiers par rapport à 2022.
A la sécheresse s’ajoutent également les singes qui s’attaquent désormais aux récoltes de bambous, malgré tous les efforts de la famille d’Avayi Vayayana pour les chasser.
« Comme de nombreuses forêts de bambou des environs sont mortes, les singes vont là où il y a des pousses de bambou », souligne-t-il.
« En première ligne »
Le Sud de Taïwan subit la pire vague de sécheresse depuis des décennies.
Le niveau du réservoir Tsengwen, qui alimente les provinces de Taina et de Chiayi, dans le Sud-Ouest de Taïwan, a diminué de 10% cette année, soit la troisième baisse de ce type depuis 2018.
Ce réservoir, le plus important de l’île, alimente en eau une colossale fonderie, fabriquant les précieux semi-conducteurs taïwanais, mais approvisionne également les plaines rizicoles de la région.
Signe que les besoins en eau sont importants, les agriculteurs de cette partie de l’île se sont ainsi vu proposer des subventions par l’Etat pour qu’ils ne plantent pas leur culture.
Dans la région d’Alishan, située à une heure de route du réservoir, seulement 226,5 millimètres de pluie sont tombés de janvier à avril, soit moitié moins que l’an dernier sur la même période, selon le Bureau central de météorologie de Taïwan.
Pour la communauté des Tsou, dont le mode de vie est étroitement lié aux ressources naturelles, l’impact est « total », estime Lena Chang, de l’ONG Greenpeace à Taïwan.
« Ils sont en première ligne face au changement climatique », insiste-t-elle.
Dans le village autochtone de T’fuya, situé dans la région d’Alishan, des habitants vident leurs sacs de pousses de bambou, puis les pèsent avant de les envoyer dans des fabriques pour êtres préparées et mises en conserve.
« Cette année, la pluie est arrivée trop tard et de nombreux bambous sont malades. La récolte est très mauvaise », explique Voyu Baniana, âgé de 24 ans.
– La culture de café comme substitut –
Ceux qui sont retournés dans leur village, après être un temps partis pour travailler en ville, estiment qu’il est de plus en plus difficile de vivre de la culture du bambou.
Voyo Yulunana, 43 ans, se souvient encore des longues journées qu’il passait, enfant, à récolter des pousses, denrées essentielles de l’économie locale.
« Pour acheter une voiture ou construire une maison, nous comptions sur le bambou », dit-il.
Après avoir brièvement travaillé en ville dans le secteur de la construction, Voyo Yulunana a constaté que « les pluies ne viennent jamais lorsqu’elles le devraient ».
Par chance, son grand-père s’est converti à la culture du café, vers laquelle se sont aussi tournés de nombreux jeunes Tsou ces dix dernières années.
« Le café remplace peu à peu les pousses de bambou au rang de culture commerciale » dans la région, observe-t-il.
Mais la culture de café n’est pas, elle non plus, à l’abri des changements liés au dérèglement climatique. L’an dernier, une météo très irrégulière a ravagé la récolte de la famille de Voyo Yulunana et leurs 400 caféiers.
« Aujourd’hui, je peux m’en tirer en cultivant seulement du café », confie-t-il, ajoutant toutefois: « qui sait quelles nouvelles cultures remplaceront celle du café? ».
© AFP
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