Les premiers résultats de l’expérimentation de l’autocollant « Oui Pub » montrent qu’une majorité de Français ne veut plus de prospectus dans sa boîte aux lettres

oui pub stop pub adme expérimentation

Des boîtes aux lettres débordants Licenced by unsplash

L’ADEME (l’agence pour la transition écologique) vient de dévoiler, début juin 2023, les premiers résultats du dispositif expérimental « Oui Pub » déployé sur 14 territoires en France depuis mai 2022. Il ressort de cette première année d’expérimentation que moins d’un foyer sur 3 désire recevoir chez lui des prospectus publicitaires non sollicités. « Oui Pub » est un autocollant mis sur la boîte aux lettres. Il implique que les dépliants publicitaires soient distribués uniquement chez les personnes l’ayant expressément demandé. Il fait l’objet d’un essai qui donnera lieu à un rapport remis au Parlement en novembre 2024.

« Moins d’un foyer sur 3 désire recevoir chez lui des prospectus publicitaires non sollicités »

La mise en place de l’expérimentation « Oui Pub » fait suite à la loi Climat et Résilience de 2021 élaborée à partir d’une partie des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat. Laurence Gouthière, en charge de l’expérimentation au Service Consommation Responsable de l’ADEME résume son fonctionnement : « il faudrait que le consommateur puisse exprimer son souhait de recevoir des pubs. Le principe du « Oui Pub » est de considérer que personne ne veut recevoir de prospectus, sauf ceux qui en expriment le besoin. Or, actuellement, on est dans la logique inverse, on les reçoit et si on n’en veut pas, il faut le dire. »

[À lire aussi Très mauvaise note pour l’exécutif à la Convention Citoyenne pour le climat]

Le choix de ne plus recevoir des prospectus

Le taux d’apposition de l’autocollant « Oui Pub » se situe entre 20 % et 30 % dans 8 territoires et en dessous de 10 % dans 5 autres. L’ADEME écrit dans son communiqué que « une majorité de ménages choisissent donc de ne plus recevoir d’imprimés publicitaires. » L’ADEME précise cependant qu’au cours de la première année de son expérimentation, elle a observé que de plus en plus de foyers ont installé l’autocollant « Oui Pub » dans la moitié des territoires. Pour le moment, les écarts entre le niveau d’adhésion au dispositif entre les différents sites de l’expérimentation du « Oui Pub » ne s’expliquent pas encore. Est-ce dû à des facteurs socio-économiques ? Ou à la communication des autorités locales ? Rien ne permet de le dire d’autant plus que la situation économique particulière, post-pandémie et inflation, conduit ceux qui suivent l’expérimentation à se montrer précautionneux dans leurs analyses des premiers résultats.

oui pub stop pub experimentation résultats
Le logo « oui pub » DR

« Le taux d’apposition de l’autocollant « Oui Pub » se situe entre 20 % et 30 % dans 8 territoires et en dessous de 10 % dans 5 autres. »

Moins de pub, moins de déchets

Toujours est-il qu’une des conséquences logiques de la moindre distribution de publicités dans les boîtes aux lettres est la diminution des déchets. L’agence affirme avoir « observé une tendance à la baisse du volume d’imprimés publicitaires collectés et traités, en particulier en collecte sélective, une tendance qui devrait être confirmée dans les mois à venir. » Les premiers chiffres s’avèrent impressionnants puisque les publicités jetées chaque mois ont été divisée par 8 à Agen. « En effet, dans l’agglomération d’Agen, la part des imprimés publicitaires dans la part « Papier » de la collecte sélective est passée de 64,4 tonnes avant l’expérimentation à 8 tonnes en janvier 2023 », précise l’ADEME. À Libourne et en Haute-Gironde, le volume des déchets a été divisé par 5, passant de « de 106 tonnes avant l’expérimentation à 23 tonnes en janvier 2023. » En France, les imprimés publicitaires représentent plus de 776 000 tonnes de déchets en 2021. Une majorité est jetée sans être lue.

« Dans l’agglomération d’Agen, la part des imprimés publicitaires dans la part « Papier » de la collecte sélective est passée de 64,4 tonnes avant l’expérimentation à 8 tonnes en janvier 2023 »

[À lire aussi « Sobriété » sur les publicités lumineuses: gares et aéroports vont aussi s’y mettre]

Un impact économique limité

Les territoires et les commerçants se montrent satisfaits du « Oui Pub ». Les enseignes ne constatent pas de réduction du nombre de passages en caisses, ni de plaintes de leurs clients en raison de la fin de la distribution des imprimés publicitaires.  « Les annonceurs savaient que la tendance était à l’évolution. Ils avaient conscience de la quantité de papiers imprimés et pas forcément  lus. Un processus de réduction était déjà en cours en diminuant le grammage du papier ou la fréquence de distribution des catalogues », rapporte Laurence Gouthière. « Le « Oui Pub » a été un accélérateur et beaucoup ont totalement basculé vers le numérique. D’autres voies de communication comme le numérique, le courrier adressé ou le catalogue à chercher en magasin se sont développées. »

[À lire aussi Quelle place pour la publicité dans le monde de demain ?]

Sauf pour les distributeurs d’imprimés publicitaires

En revanche, les diffuseurs, dont le métier est la distribution des pubs, parlent d’une chute énorme de la commande sur les territoires « Oui Pub ». Moins de tournées, plus chères et moins de clients, ce qui entraîne une réduction de l’activité. Certains disent n’avoir gardé que 10 % de leurs contrats, ce qui se traduit par des licenciements ou des reconversions.

Selon la direction de Médiapost, filiale du groupe La Poste, un des principaux acteurs de la communication de proximité,  « le dispositif OuiPub dans les territoires expérimentaux a eu de graves conséquences sur l’activité des distributeurs d’imprimés publicitaires. En effet, nous constatons une véritable chute des volumes de prospectus qui se répercute fortement sur notre chiffre d’affaires dans ces zones. L’impact social y est également conséquent avec des impacts sur l’emploi des distributeurs importants. Pourtant, certaines collectivités affichent des taux d’apposition de l’autocollant Oui-Pub très élevés, avec un pic s’approchant des 50. Malheureusement, les citoyens ayant fait le choix de continuer à recevoir des prospectus se voient aujourd’hui privés de ce choix, les enseignes ayant interrompu pour le moment la distribution dans les zones expérimentales. » L’entreprise affirme également que « l’imprimé publicitaire ne va pas disparaître », mais qu’il est conduit à évoluer suivant la logique de « moins mais mieux ».

Satisfaction et vigilance du côté des associations antipub

Thomas Bourgenot, porte-parole de l’association Résistance à l’Agression Publicitaire (RAP) salue l’expérimentation « Oui Pub » et ses premiers résultats : « on voit que peu de gens sont attachés aux prospectus. Une grande partie va directement de la boîte aux lettres à la poubelle, un gaspillage assez scandaleux. » En outre, il souligne le fait que beaucoup de personnes ne mettent pas le « Stop Pub » car ce dernier n’a pas eu de campagne de diffusion massive sur l’ensemble du pays depuis sa création en 2004. Tandis que, selon lui, sur les 14 territoires de l’expérimentation, les autocollants « Oui Pub » a été massivement proposés par les collectivités et les diffuseurs.

«Le « Oui Pub » a été proposé à 2,7 millions de Français, soit 4 % de la population. »

Généraliser ou non le « Oui pub » ?

Rien n’est décidé pour le moment concernant la généralisation du « Oui Pub », c’est pourquoi les conclusions du rapport rendus à l’automne 2024 sont importantes.

Le « Oui Pub » a été proposé à 2,7 millions de Français, soit 4 % de la population. Le dispositif « Oui Pub » est expérimenté dans les territoires suivants : à Sartrouville, à Grenoble Alpes Métropole, en Ardèche-Drome, en Basse Ardèche, dans la communauté de communes Vallée de l’Ubaye Serre-Ponçon, dans les Armor, dans l’agglomération d’Agen, dans le Libournais Haute Gironde, dans la métropole du Grand Nancy, en Corse, à Bordeaux, par le syndicat UNIVALOM près de Sofa Antipolis, à Troyes Champagne Métropole et dans la communauté urbaine de Dunkerque Grand Littoral. Même si ces premiers résultats se montrent encourageants, les experts appellent à prendre du recul et à attendre la fin de l’expérimentation pour en mesurer la portée. « Alors que l’expérimentation est encore en cours, elle ne peut pour le moment donner lieu à aucune conclusion. Les résultats doivent être pris avec précaution puisqu’ils se confondent avec d’autres phénomènes d’ampleur tels que la crise sanitaire, l’augmentation du coût du papier, l’annonce de l’expérimentation et l’annonce des grands annonceurs de l’arrêt de la distribution d’imprimés publicitaires non adressés », précise Laurence Gouthière, en charge de l’expérimentation au Service Consommation Responsable de l’ADEME.

Thomas Bourgenot de RAP fait part de sa crainte que l’expérimentation ne soit pas généralisée en raison de son impact sur l’emploi et sur le fait que le rapport qui sera remis au Parlement en 2024 prévoit de comparer l’impact entre pub papier et numérique en termes d’analyse de cycle de vie. L’analyse de cycle de vie se montre assez difficile à réaliser, surtout en raison des délais très courts. Il faut aussi noter que le rapport parlementaire sera remis avant la fin de l’expérimentation prévue pour 2025. « Le numérique n’a pas non plus un très bon bilan. Tous ces éléments risquent de créer des pistes pour dire que généraliser le « Oui Pub » n’est pas une si bonne idée que ça et qu’il faille rester au « stop pub » », explique Thomas Bourgenot avant de rappeler que même si le papier peut se recycler, cela a un coût environnemental : « le mieux reste de ne pas produire de déchets à la source. »

L’impact du « Oui Pub » va bien au-delà des déchets, comme l’explique Pierre Galio, chef du service Consommation Responsable à l’ADEME : « la publicité pourrait constituer un levier pour accélérer la transition écologique, car elle peut modifier les représentations et inciter à modifier les comportements d’achat vers des biens et services plus vertueux sur le plan environnemental et social, mais elle est aussi source de pollution (qu’elle soit sous format papier ou numérique) et de gaspillage lorsqu’elle est diffusée massivement et sans accord ».

Julien Leprovost

Pour en savoir plus sur Oui Pub et Stop Pub

Le page consacrée à l’expérimentation Oui Pub sur le site d’un ministère de l’écologie

L’expérimentation « Oui Pub » mise en place jusqu’en 2025

La page sur le Stop Pub sur le site du ministère de l’écologie

Le site de Résistance à l’Agression Publicitaire

A lire aussi sur GoodPlanet Mag

Anaïs Rocci, sociologue à l’ADEME : « l’objectif de la sobriété est de trouver un modèle de société qui permette à la fois de respecter les limites des ressources planétaires et à chaque personne de vivre décemment »

L’essor du marché de l’occasion se confronte au paradoxe d’être à la fois un moyen de contribuer à la sobriété et au contraire de pousser à la surconsommation

Les Français prêts à agir pour le climat, tant que cela ne remet pas profondément en cause leur mode de vie

Ecrire un commentaire

Inondations en Espagne: le président de la région de Valence présente des excuses mais justifie son action

Lire l'article