Paris (AFP) – Elles devraient y couler, et pourtant les cacahuètes « dansent » dans la bière: ce phénomène, expliqué dans une étude parue mercredi, a des implications pour l’extraction de minerais ou la compréhension de faits géologiques liés aux volcans.
A vrai dire, la cacahuète, corps plus dense que la bière, atteint initialement le fond du verre. Mais elle va en remonter rapidement à la surface, et même jouer au yoyo dans le liquide, pendant plus de deux heures, jusqu’à épuisement du gaz carbonique qui fait pétiller le breuvage.
L’étude menée par une équipe de physiciens des départements de la Terre et sciences environnementales des universités allemande Ludwig-Maximilians de Munich (LMU), britannique de Durham et française de Montpellier, dissèque le phénomène. Qui est tout sauf trivial.
Une fois plongée dans la bière, la cacahuète se transforme en site de nucléation de bulles de gaz carbonique. Tout comme la surface irrégulière d’un verre, à une échelle invisible à l’œil nu, produit des « trains de bulles », celle de l’arachide va favoriser l’apparition de bulles. Mais de façon plus efficace, comme en témoignent les observations et calculs effectués par l’équipe.
« La bulle se formera préférentiellement sur les cacahuètes plutôt que sur les parois du verre », explique à l’AFP Luiz Pereira, chercheur Humboldt au LMU et premier auteur de l’étude parue mercredi dans la revue Open Science de la Royal Society.
Une multitude de bulles, de 100 à 500 et d’un diamètre inférieur à 1 mm, vont se former à la surface de la cacahuète, et comme autant de petites bouées, la pousser vers la surface.
Là, les bulles qui se trouvent au contact de l’air vont éclater. La cacahuète va alors pivoter sous l’effet des bulles restantes, et une fois celles-ci disparues, repartir dans les profondeurs du verre, avant de mieux remonter, grâce à la formation d’autres petites bulles. Le cycle se répète des dizaines de fois, à moins que le buveur n’interrompe l’expérience en vidant son verre…
Un « truc de barman »
Les chercheurs ont identifié deux facteurs clé du processus: l’angle de contact de la bulle avec la cacahuète, et le rayon critique de cette bulle pour garantir sa liaison avec l’arachide.
Plus l’angle entre la surface de la cacahuète et la bulle est grand, plus la bulle va naître et grossir facilement. Mais il ne faut pas qu’elle grossisse trop non plus, en restant idéalement sous 1,3 mm. Pendant l’expérience, le nombre de bulles nécessaires à l’équilibre de la cacahuète dans le liquide passe de plusieurs centaines à moins de cent, tandis que leur rayon grossit.
Luiz Pereira, Brésilien passé par Buenos Aires pour y apprendre l’espagnol, a trouvé dans la capitale argentine ce « +truc de barman+, avec des amis. « J’ai eu l’idée qu’en creusant la recherche sur ce système simple, que tout le monde peut appréhender, on peut comprendre un système » utile pour l’industrie ou pour l’explication de phénomènes naturels liés à la géologie.
Par exemple, le procédé de « flottation » utilisé pour récupérer le fer dans un minerai est similaire: on injecte de l’air de manière contrôlée dans un mélange où « un type de minéral (comme du fer) va monter en s’attachant plus facilement aux bulles, tandis que les autres (minéraux) tombent au fond ».
Un même processus expliquerait pourquoi les volcanologues trouvent de la magnétite dans les couches de magma cristallisé de la croute terrestre. Étant plus dense que le liquide magmatique, cette magnétite devrait se trouver au fond de ces couches. Mais l’hypothèse est qu’avec un angle de contact élevé, comme celui de la cacahuète, elle remonte dans le magma à l’aide de bulles de gaz.
Pour mieux modéliser le phénomène, l’équipe va donc continuer à « jouer avec les caractéristiques de différentes cacahuètes et différentes bières », indique le chercheur. Des produits plus maniables que le magma d’un volcan…
© AFP
À lire aussi
À Bruxelles, de la bière et du pain pour faire pousser les champignons
Ecrire un commentaire