Hanoï (AFP) – Un épisode aigu de canicule et de sécheresse, dans le Nord du Vietnam ces dernières semaines, a mis sous tension les investisseurs étrangers, qui déplorent de lourdes pertes en raison des coupures d’électricité de plus en plus fréquentes.
Electronique, automobile, textile… Le pays d’Asie du Sud-Est en plein essor abrite les usines de multinationales clés, parmi lesquelles Samsung ou Foxconn, le fournisseur d’Apple.
Mais son modèle économique a touché ses limites sous l’effet de conditions météorologiques extrêmes, entre un record de chaleur battu début mai (44,1 degrés Celsius) et un niveau des eaux exceptionnellement bas.
La semaine dernière, dans plusieurs régions du Nord, où beaucoup de géants manufacturiers se sont implantés, non loin de la capitale Hanoï, les autorités ont exigé de diviser par deux la consommation d’énergie, face aux problèmes d’approvisionnement.
Certains jours, l’électricité a manqué durant de longues heures dans des usines, qui n’ont parfois pas reçu de préavis, ou alors à la dernière minute.
« Nous avons eu une coupure de 26 heures. Ca nous a coûté des dizaines de milliers de dollars ce jour-là. Ce n’est pas beau du tout », souffle Vu Chi Hieu, directeur d’une entreprise vietnamienne d’aluminium, dans la province de Bac Ninh.
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La répétition des coupures d’électricité a poussé les chambres de commerce japonaise (JCCI), sud-coréenne et européenne à demander au gouvernement communiste une réponse rapide à une crise qui se chiffre en millions de dollars de pertes.
Une seule coupure a coûté plus de 190.000 dollars (175.000 euros) aux cinq entreprises manufacturières installées dans un parc industriel, explique Susumu Yoshida, du JCCI.
« Le montant total des pertes dans les parcs industriels du Nord du Vietnam semble impossible à évaluer », assure le responsable.
Le Vietnam, 97 millions d’habitants, consomme de plus en plus d’électricité, mais ses sources d’énergie se tarissent, dans un contexte de changement climatique qui le contraint à revoir sa dépendance nationale au charbon.
Retards, frais supplémentaires…
La moitié des besoins du Nord du pays repose sur l’hydroélectricité, qui tourne au ralenti en raison de la sécheresse. Au barrage de Thac Ba, l’un des plus grands du pays, deux des trois unités de production ont été mises à l’arrêt.
Dans le même temps, les fortes chaleurs, et le besoin de climatisation qui en résulte, ont conduit à une hausse de la demande de 20%, d’après Nguyen Quoc Trung, directeur adjoint du centre national en charge de répartir l’électricité sur le territoire.
« La pénurie de courant a été et sera intense dans le Nord », jusqu’à début juillet, précise le responsable, lors d’une table ronde à Hanoï.
Son supérieur, Nguyen Duc Ninh, a été suspendu de son poste de directeur mercredi, dans l’attente d’une enquête des autorités sur les coupures à répétition.
Dans la ville portuaire d’Haiphong, plusieurs associations représentant des entreprises vietnamiennes de logistique et de transport maritime ont déposé des plaintes contre l’électricien public EVN.
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Pour chaque coupure de courant de plus de six heures, ces entreprises peuvent être amenées à indemniser les navires en attente à quai, qui paient une redevance d’amarrage pouvant aller jusqu’à 50.000 dollars, en plus d’amendes en cas de retard de livraisons, ont-elles assuré.
La Corée du Sud, le principal investisseur étranger du Vietnam, s’est aussi plainte des coupures d’électricité, deux à trois fois dans la semaine.
« Le problème de coupure sera très sérieux pas uniquement pour les entreprises déjà installées au Vietnam, mais aussi pour nous qui essayons d’attirer des investisseurs à venir ici », décrit Hong Sun, président de la chambre de commerce sud-coréenne au Vietnam.
Les plongées intempestives dans le noir ternissent l’image du Vietnam, qui se targue d’avoir l’une des croissances les plus dynamiques d’Asie du Sud-Est.
Objectif 2%
Des clients qui cherchent à s’installer « se demandent si c’est un problème à court terme ou si c’est récurrent », assure Kevin Hawkins, avocat à Hô Chi Minh-Ville (Sud).
Le gouvernement, qui s’est fixé des objectifs ambitieux de neutralité carbone, veut économiser au moins 2% d’électricité par an entre 2023 et 2025.
Thibaut Giroux, président de Stolz-Miras, un sous-traitant industriel qui fournit Nestlé, Unilever et Bayer, assure auprès de l’AFP que les autorités lui ont demandé de réduire de 10% sa consommation électrique, et ce dès maintenant, jusqu’en 2025.
Son usine est pourtant basée dans le Sud, dans la province de Dong Nai, loin du Nord durement touché par les coupures de courant.
Pour répondre à leurs exigences, « je devrais réduire la production parce que ce sont les machines qui consomment l’électricité », explique celui qui est aussi président de la chambre de commerce française au Vietnam.
« Si je fais ça, je meurs lentement », admet-il.
La chambre de commerce japonaise a de son côté envoyé un avertissement. Si des mesures appropriées ne sont pas déployées, « certaines entreprises membres peuvent envisager de déplacer certains lieux de production » hors du Vietnam, a-t-elle prévenu publiquement.
© AFP
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