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Climat : comment la dirigeante de la Barbade a relancé l’idée d’une réforme de la finance mondiale

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Barbados Prime Minister Mia Mottley leads the Bridgetown Initiative to boost investments to cut carbon pollution © AFP RAJESH JANTILAL

Paris (AFP) – En présentant à la COP27 son plan de réforme de la finance internationale, Mia Mottley, Première ministre de la Barbade, a convaincu les dirigeants mondiaux de s’attaquer sérieusement au problème que les négociations sur le changement climatique traînent comme un boulet depuis des décennies.

Avec d’autres leaders du Sud, la Barbade a « vraiment revigoré une forte volonté politique », y compris en incitant le président français Emmanuel Macron à accueillir jeudi un sommet pour un nouveau pacte financier mondial, estime Alex Scott, experte du groupe de réflexion E3G.

« Nous sommes face à une nouvelle et énorme vague de fond », dit-elle à l’AFP.

L’architecture financière internationale est née en 1944 des accords de Bretton Woods, lorsque la priorité était la reconstruction de l’Europe. Mais face aux défis du 21e siècle, comme le changement climatique, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, issus de ces accords, sont jugés de plus en plus inadaptés.

 L’origine

« Un nouvel accord est nécessaire », a lancé en novembre Mme Mottley lors des négociations climat des Nations unies en Égypte, en présentant « l’initiative de Bridgetown », du nom de sa capitale.

« Les plus vulnérables ont le moins d’accès aux financements et sont même punis quand ils essayent d’agir à cause des taux d’intérêt élevés et de notations financières au plus bas », dit à l’AFP Sara Jane Ahmed, conseillère financière du V20, groupe de plus de 50 pays vulnérables face au climat.

Ils réclament depuis longtemps une transformation radicale du système international de crédit, mais la conjoncture semble enfin favorable.

La multiplication des catastrophes climatiques, capables d’anéantir la majeure partie d’une économie nationale du jour au lendemain, attire l’attention, estime Mme Ahmed, tandis que les pays concernés s’expriment d’une « voix plus coordonnée ».

Rien qu’en 2022, le Pakistan a vu ses récoltes ravagées par la canicule avant de subir des inondations cataclysmiques: 30 millions de personnes touchées, 30 milliards de dollars de dégâts.

Promesse non tenue

En même temps, le centre de gravité géopolitique s’est déplacé, estime Alex Scott: la domination historique des États-Unis laisse place à un paysage plus fragmenté, avec la montée en puissance de la Chine comme alternative de financement, « créant plus d’espace » pour les idées des petits pays. « Il y a vraiment une chance de réaliser ces changements cette année ou au cours des deux prochaines », ajoute-t-elle.

Le premier signal est venu de la COP27, où les pays riches, responsables historiques du réchauffement, ont fini par accepter de créer un fonds mondial pour les « pertes et dommages » subis par les pays vulnérables.

Mais le plus dur reste à faire: s’accorder sur la provenance de l’argent et sur sa répartition.

Alors que les pays riches n’ont toujours pas tenu leur promesse de fournir 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 pour aider les économies en développement à réduire leurs émissions et à s’adapter aux impacts climatiques.

La promesse pourrait être tenue cette année, avec trois ans de retard. Mais son chiffrage est déjà dépassé: les besoins sont estimés à plus de 2.000 milliards de dollars par an d’ici 2030.

Le plan

Pour Avinash Persaud, l’économiste derrière l’initiative de Bridgetown, il faut adopter une « mentalité d’entrepreneur » pour combler cet écart financier colossal.

« Bridgetown a attiré l’attention parce que c’est le seul plan qui passe d’une échelle en milliards à une autre en milliers de milliards », déclarait-il à l’AFP en début d’année.

Le plan reconnaît les limites des financements publics d’aide au développement. Pour y remédier, les propositions évoquent l’utilisation de centaines de milliards de droits de tirage spéciaux, une monnaie de réserve du FMI, pour attirer les investissements climatiques, ainsi que l’ajout de clauses dans les prêts pour suspendre les remboursements en cas de catastrophes ou de pandémie.

Pour abonder le fonds « pertes et dommages », une taxe sur les bénéfices tirés des combustibles fossiles est suggérée, entre autres.

Plus réaliste à court terme: une taxe sur la pollution du commerce maritime, proposée par les îles Marshall et Salomon, bénéficie d’un élan politique sérieux. Elle pourrait rapporter 60 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

Pour Sara Jane Ahmed, « les pays en développement ont des idées brillantes sur la manière de régler ce problème, il est temps de les écouter ».

© AFP

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