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Enclos et rotations de pâturage: des éleveurs d’Amazonie colombienne se réconcilient avec la forêt

amazonie eleveur

L'éleveuse Olga Martinez, qui a mis en place un système de rotation des pâturages pour élever du bétail sans déforester la jungle amazonienne, travaille à San Jose del Guaviare, en Colombie, le 1er juin 2023 © AFP Raul ARBOLEDA

San José del Guaviare (Colombie) (AFP) – Ils étaient ennemis : à Guaviare, aux portes de l’Amazonie colombienne, les éleveurs ont défriché leurs pâturages au détriment de la forêt. Mais une expérience visant à parquer leurs vaches dans des enclos plus réduits pourrait réconcilier la forêt et ses anciens prédateurs.

Dans cette région de pionniers, où la terre est abondante et la présence de l’Etat rare, l' »élevage extensif » était la règle jusqu’à il y a peu : brûler ou raser de grandes étendues de forêt, y construire des enclos pour y parquer quelques bovins et revendiquer ensuite la propriété de la terre.

Aujourd’hui, grâce à un projet novateur soutenu par l’Office national des forêts (ONF) français, les vaches sont regroupées dans des enclos plus petits et mieux organisés. La production de lait a augmenté et le surplus d’espace est utilisé pour planter des arbres et réparer les dégâts causés.

Vu du ciel, on peut voir les grignotages que les pâturages et les cultures illicites ont fait subir à l’épaisse végétation qui entoure San José de Guaviare (sud-est), la capitale départementale, peuplée durant la seconde moitié du XXe siècle par des colons attirés par la promesse d’une « terre sans hommes, pour des hommes sans terre ».

À la fin des années 1970, ce slogan prometteur arrive aux oreilles d’Olga Martinez. Cette femme énergique de 65 ans est une éleveuse de bétail heureuse qui fait paître ses vaches laitières sur 55 hectares.

A son arrivée dans la Guaviare il y a 45 ans, le paysage n’était « que de la jungle de montagne », explique Mme Martinez à l’AFP. Même sans tronçonneuse, défricher l’épaisse forêt tropicale pour y installer sa petite ferme lui a semblé « facile ».

En 2022, après des années à couper et vendre le bois, elle décide d’abandonner l’exploitation forestière et signe un « accord de conservation » avec la branche locale de l’ONF pour les pays Andins, ONF Andina. Depuis, elle a planté quelque 1.200 arbres sur sa propriété, sans avoir à renoncer à une seule tête de bétail.

« Les forêts et l’élevage doivent coexister, car c’est là que les gens vivent », a déclaré à l’AFP Luis Paez, porte-parole de l’ONF Andina.

Des accords similaires ont été conclus avec 34 autres propriétaires terriens de la région.

En plus des arbres pour reboiser leurs terres, les éleveurs liés au programme « Terramaz » reçoivent conseils et matériels pour tirer le meilleur parti de leurs troupeaux.

L’élevage du bétail en Colombie, c’est 30 millions de têtes, 1,7% du PIB, selon les professionnels du secteur (le double de l’industrie du café), un juteux business (viande, lait et autre) souvent associée à la droite conservatrice.

« L’élevage extensif est l’un des principaux facteurs de déforestation dans notre département. Le modèle consistait à couper la forêt pour en faire des pâturages (…) c’est une activité très rentable », détaille Xismena Martinez, fonctionnaire du bureau du gouverneur de Guaviare.

La région a perdu ainsi 25.000 hectares supplémentaires de forêt en 2021, selon les statistiques officielles. Pour contrer cette tendance, l’ONF a proposé aux éleveurs de clôturer une douzaine de corrals de moins d’un hectare sur leurs propriétés et d’établir un système de rotation des pâturages.

Les bovins restent dans un premier enclos jusqu’à épuisement du pâturage, puis passent dans un second et ainsi de suite. « Lorsqu’ils reviennent dans le premier enclos, le pâturage s’est reconstitué et le cycle recommence », explique M. Paez.

Plus de lait, plus de forêt

Alors que les ranchs de Guaviare comptent en moyenne 0,8 bovin par hectare, les participants au programme Terramaz sont parvenus à porter ce ratio à 3,5 têtes par hectare, selon l’ONF.

La rotation libère des terres que les éleveurs s’engagent à reboiser. Elle améliore également les performances des vaches laitières « parce qu’elles marchent moins », explique Nelcy Rodriguez, protégée du soleil brûlant par un large chapeau de cow-boy.

« Les dix vaches que je trais (…) donnaient environ 40 litres (par jour) et maintenant, dans les petites parcelles, elles me donnent 60-55 litres », calcule Mme Rodriguez, dont 15 des 48 hectares sont désormais reboisés.

En 1995, cette agricultrice est arrivée dans le Guaviare à la recherche de terres productives et a trouvé « de la jungle et de la coca », plante dont est tirée la cocaïne.

« Chaque personne défrichait (la forêt) pour planter de la coca », qui était alors la culture la plus rentable dans cette région éloignée de tout, dépourvue de routes goudronnées et sous la forte influence de la guérilla marxiste des FARC.

Au début du siècle, ces cultures illicites ont été considérablement réduites grâce à une campagne gouvernementale agressive de fumigation au glyphosate.

Les vaches sont alors devenues le pilier de l’économie. « J’avais l’habitude de planter de la coca et d’acheter mes animaux (…) Quand il n’y a plus eu de coca, j’ai eu mes vaches et je me suis lancée dans l’élevage », se souvient Mme Rodriguez, témoin direct du changement de mentalité des habitants de Guaviare.

Aujourd’hui c’est un autre changement qui est en cours: « nous n’avons plus besoin de couper des arbres », se réjouit-elle. « Au contraire, nous travaillons pour reboiser ».

© AFP

Un commentaire

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    • Francis

    Cela rejoint ce que l’agronome Alan Savory a proposé pour l’Afrique: un paturage intensif et tournant pour que les refus de végétation soient plaqués au sol par le piétinement puis mangés par les termites. Et on laisse le temps à l’herbe de repousser.