Suite litige sino-congolais, énorme stock de cuivre et cobalt à écouler

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La mine de Tenke Fungurume, dans le sud-est de la République démocratique du Congo, le 17 juin 2023 © AFP Emmet LIVINGSTONE

Lualaba (RD Congo) (AFP) – Un stock géant de cuivre et de cobalt d’une valeur de quelque 2 milliards de dollars s’est accumulé en République démocratique du Congo, illustration des aléas du marché des métaux considérés comme essentiels à la révolution énergétique.

Les dizaines de milliers de tonnes de cathodes de cuivre et de poudre de cobalt s’entassent dans l’immense mine de Tenke Fungurume, dans le sud-est de la RDC. La quantité de cobalt est estimée à elle seule à 13.000 tonnes, ce qui représente environ 7% de la production mondiale de l’année dernière.

Les produits ont été bloqués là pendant plus de neuf mois, en raison d’un différend sur les redevances entre le groupe chinois CMOC, propriétaire à 80% de la mine, et son partenaire congolais de co-entreprise, la société minière publique Gécamines.

L’affaire coïncide avec la volonté affirmée de la RDC de renégocier des contrats qu’elle juge à son désavantage. Le président, Félix Tshisekedi, s’est ainsi rendu en Chine fin mai pour discuter, entre autres, des contrats miniers chinois.

De juillet 2022 à avril dernier, une interdiction d’exporter a frappé Tenke Fungurume, deuxième plus grande mine de cobalt au monde avec une production mensuelle de quelque 20.000 tonnes de cuivre et 1.500 tonnes de cobalt, selon les chiffres de l’entreprise.

Les quantités sont « stupéfiantes », estime sous couvert d’anonymat un expert de l’exploitation minière en RDC. « Il s’agit de neuf mois de production qui reposent juste là, sur le sol. Le manque à gagner pour le Trésor congolais est évident », dit-il.

La valeur des stocks concernés est estimée à quelque 1,5 milliard de dollars pour le cuivre, 340 million de dollars pour le cobalt.

Pression sur les prix

Un accord ayant été trouvé en avril et l’interdiction d’exporter levée, CMOC a commencé à évacuer son énorme réserve.

Une libération brutale du cobalt pourrait provoquer un effondrement du marché, où les prix sont déjà au plus bas. Mais la décision d’écouler petit à petit le produit a dissipé les craintes initiales que la reprise des ventes de Tenke Fungurume n’entraîne des turbulences.

« Le prix du cobalt n’est pas affecté », assure Zhou Jun, vice-président de CMOC et directeur de la mine. La plus grande partie du cobalt sera vendue peu à peu, dans le cadre de contrats d’approvisionnement à long terme, explique-t-il.

Harry Fisher, analyste chez Benchmark Mineral Intelligence, juge lui aussi peu probable que le prix du cobalt baisse davantage. Mais les stocks pourraient prolonger la période de prix bas, selon lui.

Les cours du cobalt ont chuté de 65% par rapport au mois de mai 2022, passant d’environ 40 à 14 dollars la livre, selon Fastmarkets, une société d’information sur les prix.

Concernant le cuivre, la production mondiale s’élevant à des millions de tonnes par an, le stock ne devrait pas faire chuter les prix.

Vincent Zhou, porte-parole de CMOC, précise que 57.000 tonnes de cuivre ont quitté Tenke Fungurume en mai et confirme que le cobalt partira progressivement, « en fonction de la demande du marché ».

Lors de la visite de l’AFP à la mine, des camions chargés de cuivre quittaient le site, mais il y avait peu de signe de sortie du cobalt.

 Défi logistique

CMOC est néanmoins confronté à un défi de taille en ce qui concerne l’écoulement des stocks.

D’interminables rangées de sacs de poudre d’hydroxyde de cobalt s’alignent sur le site de la mine, à côté de piles de cathodes de cuivre qui prennent la poussière.

L’analyste Harry Fisher pense qu’il pourrait falloir jusqu’à dix mois pour liquider les stocks, un « défi logistique » selon lui.

Pour évacuer le minerai, une route mène vers les ports de l’océan Indien tels que Durban ou Dar es Salaam. Mais il n’y en a qu’une et elle est jalonnée de péages, fréquemment ciblée par les voleurs et sujette à de gros embouteillages.

Le contenu de l’accord trouvé en avril entre CMOC et la Gécamines n’a pas été rendu public. Le vice-président de la société chinoise compare le différend à une simple dispute dans « un couple qui se chamaille ».

L’expert minier anonyme suggère quant à lui que la querelle a finalement été réglée parce que Kinshasa avait besoin de fonds en vue de l’élection présidentielle de décembre prochain. Selon lui, l’interdiction d’exportation n’a en tout cas profité à personne. « Ils perdent tous de l’argent », dit-il.

Cette affaire illustre le coût des litiges commerciaux dans l’industrie minière congolaise.

La RDC est le plus grand producteur minier d’Afrique et fournit plus de 70% du cobalt mondial, métal crucial pour les batteries utilisées dans l’électronique et les voitures électriques. Le pays, dont les deux tiers des quelque 100 millions d’habitants vivent sous le seuil de pauvreté, dépend fortement de son secteur minier.

Sollicitée pour un commentaire, la Gécamines n’a pas répondu.

L’AFP a visité la mine de Tenke Fungurume dans le cadre d’un voyage organisé par l’Institut du cobalt, un groupe de pression.

© AFP

3 commentaires

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    • Rochain Serge

    Des milliers de tonnes de cobalt arrachées au sol par les petits doigts griffus des mimines de petits congolais ?

    • corentin 39

    Artcle très intérréssant sur la prise de conscience à avoir sur la fluctuation des prix des métaux précieux (https://francedetection.com/
    ) en fonction des conflits géopolitiques à venir…

    • laurent bustoldo

    Merci pour cet article passionnant sur le litige sino-congolais et la gestion des stocks de cuivre et de cobalt. L’affaire soulève un sujet central : la détection des métaux n’est pas seulement une question de géologie ou de technologie, mais aussi d’éthique, de pouvoir et de justice (https://www.prospection-de-loisir.fr/).

    La RDC, riche en cobalt et cuivre, incarne à la fois l’enjeu et la complexité de cette « détection » :

    Sur le plan technique , les progrès dans la détection minière (par satellite, analyses géochimiques) ont permis d’identifier des réserves colossales. Mais ces technologies, souvent contrôlées par des multinationales (comme des entreprises chinoises), servent avant tout à maximiser les profits plutôt qu’à protéger l’environnement ou les populations.
    Sur le plan social , la « détection » des métaux est souvent aveugle aux réalités locales. Les mines artisanales, où des milliers de personnes travaillent dans des conditions précaires, restent exclues des filières légitimes. La surproduction et le stockage massif de minerais (mentionné dans l’article) exacerbent cette inégalité, car les profits sont captés par des acteurs éloignés, tandis que les communautés portent le coût environnemental.
    Sur le plan géopolitique , la « détection » des métaux devient un enjeu de puissance. La Chine, en investissant massivement dans les infrastructures minières, affirme son emprise sur ces ressources stratégiques pour les batteries électriques. Mais cette course à la détection « optimale » ignore souvent les limites écologiques et les droits humains.
    Pour inverser la tendance, il faut repenser la détection éthique des métaux :

    Technologiquement , en associant les ONG, les chercheurs locaux et les communautés aux programmes de prospection, pour une exploitation respectueuse.
    Éthiquement , en rendant obligatoire la traçabilité des minerais depuis leur détection jusqu’à leur commercialisation (comme le fait le Minerals Traceability Initiative ). Cela permettrait de repérer les stocks mal acquis et de réduire les conflits.
    Politiquement , en exigeant des accords miniers transparents entre la RDC et ses partenaires, où la « détection » des besoins sociaux (emplois, santé, éducation) prime sur celle des réserves minérales.
    Enfin, la surabondance actuelle de cuivre et de cobalt en RDC n’est pas un problème de stockage, mais de détection défaillante des conséquences humaines et environnementales. La transition énergétique ne peut se faire sur le dos de pays et de populations invisibilisées.

    En un mot : la détection des métaux doit devenir une « détection » de la justice.