Soutenez GoodPlanet Mag’ et les projets engagés de la Fondation GoodPlanet en faisant un don !

Les conseils de Yoann Bunz, chargé de mission faune vertébrée dans le Parc national des Écrins, pour aller à la rencontre du vivant en montagne : « il n’y a rien de mieux que d’aller sur les sentiers et de prendre le temps d’observer pour découvrir la richesse de nos montagnes »

parc des écrins bouquetins parc des écrins

bouquetin des Alpes © Hélène QUELLIER - Parc national des Ecrins

Les balades et randonnées en montagne sont l’occasion de découvrir la biodiversité des massifs. On pense d’abord aux chamois et aux bouquetins, mais ces mammifères ne sont pas les seules espèces qu’on peut découvrir en altitude.  Yoann Bunz, chargé de mission faune vertébrée est responsable de leur suivi pour le Parc national des Écrins. Le parc, qui fête ses 50 ans en 2023, reçoit un demi-million de visiteurs par an. Yoann Bunz explique dans cette interview ce qu’il est possible d’observer à la montagne cet été en famille. Une interview de notre rubrique À la rencontre du vivant.

Comment profiter des vacances à la montagne pour découvrir, ou faire découvrir aux enfants, la biodiversité de ce milieu ?

La biodiversité, qui est la richesse du vivant, se cache partout. Elle va des plantes, arbres et arbustes aux grands mammifères, aux oiseaux… en passant par les insectes et autres invertébrés. Or, les gens ont trop souvent tendance à confondre biodiversité et macro-faune, comme les bouquetins et les chamois alors qu’il existe de nombreuses autres espèces vivantes à observer. La macro-faune a l’avantage de déclencher un sentiment très puissant d’émerveillement qu’on recherche tous. La plupart du temps, en effet, une grande partie de la biodiversité passe inaperçue, soit qu’elle se cache, soit que l’on n’y prête pas suffisamment attention.

« La macro-faune a l’avantage de déclencher un sentiment très puissant d’émerveillement qu’on recherche tous »

J’invite les visiteurs des parcs nationaux à se rendre dans les maisons des parcs. Dans le Parc national des Écrins, elles sont au nombre de 7, complétées par de nombreux lieux d’accueil, ouverts de façon temporaire dans certaines vallées des Ecrins. Ces dernières sont des lieux d’accueil et de préparation à la découverte de l’espace protégé et de ses patrimoines. Elles invitent tous les publics à partager conférences, ateliers, présentations et offres de découvertes du territoire.

Col du Lautaret – Site emblématique du PNE – La Meije. © Thierry Maillet – Parc national des Ecrins

Plus globalement, ces points d’accueil permettent de découvrir le site et le milieu grâce à de nombreuses informations sur la faune et la flore du secteur, sur la biologie des espèces… en s’appuyant sur des personnes dont c’est le métier.

Quels conseils donneriez-vous pour bien observer la faune ?

Si on est en famille, il n’y a rien de mieux que d’aller sur les sentiers et de prendre le temps d’observer pour découvrir la richesse de nos montagnes. Je recommande de ne pas se focaliser sur ce qu’on aimerait voir car la richesse de la biodiversité réside aussi dans la biodiversité ordinaire, celle qui est sur le bord du chemin. Par exemple, en regardant bien, on pourra observer des insectes étonnants, une flore patrimoniale ou d’autres espèces animales mais moins visibles que les espèces emblématiques « habituelles »..

« Il n’y a rien de mieux que d’aller sur les sentiers et de prendre le temps d’observer pour découvrir la richesse de nos montagnes »

En montagne, nous sommes bien peu de chose : la nature dirige tout. Une des particularités de nos milieux de montagne, c’est que s’y concentre une mosaïque d’habitats différents : des milieux rocheux, des forêts, des prairies, des landes rases, des alpages avec une herbe fournie… Plus on a d’habitats différents, plus on a d’espèces qui peuvent y trouver leur bonheur. C’est ce qui fait la richesse de la montagne.

« Quelqu’un qui marche ou qui court aura néanmoins moins de chances d’observer la biodiversité qu’en se fondant dans le paysage. »

Quelqu’un qui marche ou qui court aura néanmoins moins de chances d’observer la biodiversité qu’en se fondant dans le paysage.  Si possible, le mieux est de se poser plusieurs dizaines de minutes, voire une ou deux heures sans bouger. C’est en restant longtemps au même endroit à observer qu’on voit le plus de choses parce qu’ainsi on se fond progressivement avec le milieu, ce qui effraye moins les animaux. Les animaux se remettent à vivre normalement. En outre, en étant immobile, notre capacité d’observation augmente et l’on peut ainsi détecter des choses qui seraient passées inaperçues autrement.

Que peut-on voir en montagne et dans le Parc national des Ecrins ?

Il y a des centaines d’espèces en montagne et dans le Parc national des Écrins. Elles sont évidemment représentatives de la biodiversité qu’on trouve en montagne. Le bouquetin, le gypaète barbu, le chamois et la marmotte viennent bien sûr en tête en premier tant ils sont emblématiques.

« Le bouquetin étant une espèce protégée et donc non chassable, est de fait beaucoup plus facile à observer que d’autres espèces. C’est pourquoi il est assez aisé d’en voir »

Animal grégaire, le bouquetin vit en groupe. Lors de la période du rut (de décembre à mi-janvier), les bouquetins mâles et femelles se regroupent. Les combats entre mâles peuvent être spectaculaires. Le bouquetin étant une espèce protégée et donc non chassable, est de fait beaucoup plus facile à observer que d’autres espèces. C’est pourquoi il est assez aisé d’en voir. Cela ne veut toutefois pas dire que la présence humaine ne peut pas le déranger. Des études ont montré que la présence d’un sentier sur son aire de vie entraînait un éloignement automatique du bouquetin en journée, que des humains empruntent le sentier ou non. Il faut que l’on prenne conscience que notre présence à tous induit donc des changements de comportements des animaux, avec notamment l’évitement de certains secteurs, malgré la ressource alimentaire qu’ils pourraient y trouver.

gypaete barbu
Gypaète barbu à la bosse de Chamoissière – © Cyril Coursier – Parc national des Ecrins

Et d’autres espèces animales auxquelles on ne pense pas forcément en premier lieu ?

Il y a aussi des espèces d’oiseaux sauvages dont le lagopède alpin et le tétras-lyre, de la famille des galliformes, c’est-à-dire des « poules sauvages ». Dans le cas du lagopède alpin, cette espèce d’altitude que l’on nomme aussi « perdrix blanche » affectionne les pelouses rocailleuses et les crêtes rocheuses jusqu’à 3000 mètres d’altitude. On peut aussi observer des rapaces et des vautours, comme l’aigle royal, le gypaète barbu et le vautour fauve.  Le gypaète barbu dans les Alpes constitue un bel exemple d’une réintroduction réussie d’espèce sauvage.

[À lire aussi 20 sur 20 pour le gypaète dans le Mercantour]

Une espèce typique de nos montagnes qu’il est plus difficile d’observer est le lièvre variable. Sa capacité à se cacher est vraiment incroyable. On le voit rarement, mais lui nous voit. Il sait rester immobile et indécelable. Il arrive très souvent de passer à côté de lui sans même le remarquer. Dans un premier temps, il mise plus sur sa capacité à se dissimuler que sur la fuite pour nous éviter.

lievre variable
Lièvre variable en pelage hivernal à l’Alp de Réotier © Mireille Coulon – Parc national des Ecrins

Et au-delà de la grande faune ?

Je veux rajouter qu’au-delà de cette faune bien connue et identifiée, il y a de nombreuses autres espèces à découvrir. En ce moment, les alpages sont notamment remplis de papillons d’espèces, de formes et de couleurs très variées.

Y a-t-il des espèces sur laquelle vous voudriez revenir et qui possèdent des caractéristiques et des capacités étonnantes ?

Pour passer l’hiver, le lagopède alpin et le tétras s’abritent et vont s’enfouir sous la neige dans des « igloos », de manière à économiser leur énergie et à se protéger du froid. Ce comportement leur permet de survivre à des conditions hivernales plus rigoureuses. Ils s’en servent comme d’un isolant pour se protéger du froid environnant et ainsi perdre le moins d’énergie possible à se réchauffer. C’est pourquoi on demande en hiver aux skieurs d’éviter certains secteurs afin de ne pas déranger les tétras et les lagopèdes : chaque envol leur coûte énormément d’énergie et impacte leur survie.

lievre variable
Lièvre variable en été dans les blocs – Jean-Philippe Telmon © Parc national des Ecrins

« Le lagopède alpin et le lièvre variable possèdent la caractéristique de changer de couleur selon la saison pour se camoufler. »

Le lagopède alpin et le lièvre variable possèdent la caractéristique de changer de couleur selon la saison pour se camoufler : ils sont donc blancs en hiver. Cependant, avec le réchauffement climatique qui perturbe cette mécanique bien huilée. Les premières neiges peuvent arriver plus tard, la neige fond plus tôt en fin de saison. Cet avantage évolutif peut dans certains cas se transformer en inconvénient puisque le blanc n’étant plus la couleur dominante du paysage, le lagopède et le lièvre variable deviennent plus visibles pour leurs prédateurs.

Auriez-vous une anecdote ou un souvenir marquant d’une rencontre avec la faune du parc ?

Après des années à exercer un métier dans un bureau d’études, je travaille au parc depuis 3 ans. J’adore ces moments de rencontres. Il y a bien sûr toujours les bouquetins, mais je dois avouer que je n’avais jamais rencontré de lièvre variable en été jusqu’au mois de mai dernier. J’ai pu en observer un en descendant de la montagne. Je me suis retourné en entendant un bruit derrière moi. Ce son provenait de là d’où je venais. Le lièvre devait être à moins de deux mètres de l’endroit où j’étais passé. Je me suis arrêté en contrebas pour pouvoir l’observer tandis qu’il remontait. Ce genre de moments exceptionnels me rappelle les raisons qui font que j’apprécie mon travail au parc.  Les observations de gypaètes sont également des moments privilégiés. Plus globalement, si certaines observations sont particulièrement marquantes, chacune d’entre elles est un moment privilégié que je savoure pleinement.

« La montagne est une découverte de tous les jours. C’est un lieu où l’émerveillement prédomine. »

Avez-vous un dernier mot ?

La montagne est une découverte de tous les jours. C’est un lieu où l’émerveillement prédomine. Même après des décennies d’étude et de pratique de la montagne, on continue à découvrir de nouvelles choses. Toutefois, plus on l’étudie, plus on se rend aussi compte de la fragilité de ce milieu.  Tout le monde peut contribuer à sa préservation en respectant des règles très simples comme rester sur les sentiers, suivre les consignes, ne pas laisser de déchets… Ces simples règles de bon sens permettent de déranger le moins possible le milieu et les espèces. Ainsi, chacun peut aller les découvrir, et c’est en les connaissant mieux qu’on aura encore plus envie d’en prendre soin.

Propos recueillis par Julien Leprovost

Pour aller plus loin
Le site Internet du Parc national des Écrins
La page consacrée aux mammifères vivants sur le Parc national des Écrins
La page consacrée aux oiseaux qui vivent sur le Parc national des Écrins

À lire aussi sur GoodPlanet Mag’

Notre rubrique À la rencontre du Vivant

Les conseils de l’océanographe Tristan Hatin d’Océanopolis pour aller à la rencontre du vivant sur le bord de mer en Bretagne

Elvire Antajan, spécialiste des méduses : « le fait qu’il y en ait plus devrait nous inciter à nous y intéresser davantage

Comment voyager bas carbone en France d’ici 2050 ?

Les forêts de montagne disparaissent à un rythme qui s’accélère

 

Ecrire un commentaire