Strasbourg (AFP) – Le Parlement européen a donné mercredi un premier feu vert au projet de loi de restauration des écosystèmes, un texte-phare du Pacte vert de l’UE dont l’ambition a été revue à la baisse sous la pression de la droite et de l’extrême droite.
Cette législation vise à imposer aux Etats des objectifs contraignants de restauration des terres et espaces marins abîmés par la pollution ou l’exploitation intensive, pour préserver la biodiversité.
Les eurodéputés devront désormais en négocier le contenu avec les Etats membres.
C’est un échec pour les conservateurs du PPE, et leur président Manfred Weber, qui avaient dénoncé un texte nuisible à la production agricole et à l’activité économique. Ils avaient proposé une motion de rejet qui a été écartée à une courte majorité.
Mais le Parlement européen a approuvé mercredi une version du texte « largement édulcorée », selon les écologistes, par rapport aux propositions initiales de la Commission européenne. Cette position a recueilli 336 voix pour (300 contre, 13 abstentions).
Le rapporteur du texte, l’eurodéputé espagnol César Luena (S&D, gauche) a salué une « victoire collective » et « une bonne nouvelle pour la nature, les États membres et l’UE elle-même ».
« Nous sommes au rendez-vous de notre avenir », s’est également réjoui sur Twitter l’eurodéputé Pascal Canfin, président de la commission Environnement. « L’opération de l’extrême droite et de Manfred Weber a échoué ».
« Vidé de sa substance »
L’ambition du projet a toutefois été nettement rabotée. La position du Parlement est proche de celle adoptée le 20 juin par les Etats membres, très en recul par rapport à la proposition initiale de l’exécutif européen.
De nombreuses flexibilités et exemptions ont été introduites, en supprimant notamment l’obligation d’atteindre des résultats chiffrés pour certaines dispositions. Le Parlement ajoute également la possibilité de reporter les objectifs en cas de circonstances exceptionnelles.
Le résultat du vote « est une victoire au goût amer », a jugé l’eurodéputée écologiste Caroline Roose, déplorant que « l’obstruction de la droite » aboutisse à une version « largement édulcorée ».
« Le texte est totalement vidé de sa substance », a également affirmé Anne Sander, rapporteure PPE du texte, qui s’est félicité des nombreux amendements obtenus.
Le groupe conservateur a estimé avoir défendu une ligne soutenue par de nombreux électeurs, notamment du monde agricole, hostiles à des régulations environnementales qu’ils jugent excessives.
Manfred Weber a plaidé pour une pause dans les réglementations environnementales, une idée défendue récemment par plusieurs dirigeants européens, dont le président français Emmanuel Macron.
« Nous avons besoin d’une pause dans les nouvelles contraintes imposées à notre économie », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse. « Nous avons eu une approche ambitieuse ces dernières années sur le changement climatique et la biodiversité, mais maintenant nous devons agir pour la compétitivité, le commerce et l’emploi », a-t-il dit.
Un accord avant la fin de l’année ?
Le projet de législation vise à enrayer le déclin de la biodiversité et à mieux contrer le changement climatique en imposant de réparer les écosystèmes abîmés.
Pollution, urbanisation, exploitation intensive… selon Bruxelles, plus de 80% des habitats naturels dans l’UE sont dans un état de conservation « mauvais ou médiocre » (tourbières, dunes et prairies tout particulièrement), et jusqu’à 70% des sols sont en mauvaise santé.
Le texte proposé mi-2022 par la Commission européenne imposerait aux Vingt-Sept d’instaurer d’ici 2030 des mesures de restauration sur 20% des terres et espaces marins à l’échelle de l’UE, puis d’ici 2050 sur l’ensemble des zones qui le nécessitent.
Des négociations doivent s’ouvrir après la pause estivale entre le Parlement, la Commission européenne et les États membres, pour concrétiser la nouvelle législation européenne.
Le commissaire européen à l’Environnement, Virginijus Sinkevicius, a annoncé vouloir chercher des « compromis équilibrés » pour parvenir à un accord « d’ici la fin de l’année ».
« Je souhaite que nous avancions rapidement vers l’adoption d’un texte qui nous permettra d’honorer les obligations de l’Union européenne suite à l’adoption du cadre mondial Kunming-Montréal pour la biodiversité de décembre 2022 », a déclaré de son côté le ministre français de la Transition écologique, Christophe Béchu.
© AFP
Un commentaire
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patrice DESCLAUD
Bien même si pour certains l’économie devrait primer sur l’état de la planète ! Mais quels indicateurs seront suivis pour vérifier qu’on progresse et avec quel calendrier ? Interdira-t-on les dérogations (la France championne) ?