Uruguay : course contre la montre pour approvisionner Montevideo en eau potable

Uruguay eau potable

Installation de canalisations pour dériver l'eau de la rivière San Jose vers celle de Santa Lucia qui alimente l'usine de traitement fournissant de l'eau potable à Montevideo, le 7 juillet 2023 en Uruguay © AFP Pablo PORCIUNCULA

Paso Valdez (Uruguay) (AFP) – Les autorités uruguayennes dérivent sur plus de 13 km de canalisations une rivière pour remplir l’unique réservoir d’alimentation de la capitale, quasiment à sec, qui menace de priver Montevideo d’eau potable.

Depuis plusieurs semaines déjà, ses 1,8 million d’habitants ne consomment plus que de l’eau en bouteille.

Celle desservie par les robinets a un fort goût de sel et de chlore depuis l’ajout d’eau de la rivière qui se jette dans l’estuaire du Rio de la Plata, en aval de l’unique usine de traitement.

A Paso Valdez, à quelque 65 kilomètres au nord-ouest de Montevideo, des engins de terrassement s’activent à la pose d’énormes tuyaux de près d’un mètre de diamètre pour transférer sur 13,3 km l’eau de la rivière San Jose pour grossir les flots de celle de Santa Lucia.

Les seuls flots de Santa Lucia servaient jusqu’ici à remplir le réservoir abreuvant l’usine de traitement « Aguas corrientes », qui fournit de l’eau potable à Montevideo depuis le 19e siècle mais dont les derniers travaux remontent aux années 1980.

C’était sans prévoir qu’une des pires sécheresse depuis des décennies frapperait le cône sud de l’Amérique latine. Conséquence : le réservoir n’était plus mardi qu’à 3,1% de sa capacité totale, soit 2,09 millions de mètres cubes.

Un barrage et une station de pompage sont également en construction sur la rivière San Jose. Le président uruguayen Luis Lacalle Pou a estimé le 19 juin que les travaux seraient achevés en 30 jours.

Fin juin, il lançait cependant un avertissement : « s’il ne pleut pas, il y aura une période (jusqu’à la fin des travaux) durant laquelle l’eau ne sera pas potable ». Depuis, des pluies fines et intermittentes ont repoussé l’échéance, sans toutefois balayer la menace.

« Goût salé » mais « sûre »

Dans l’attente, l’eau salée au goût de javel qui coule actuellement des robinets de la capitale est « sûre », affirmait encore mardi sur Twitter la ministre de la santé, Karina Rando.

Sa consommation est toutefois déconseillée aux femmes enceintes, aux personnes souffrant d’hypertension artérielle (près d’un tiers de la population uruguayenne selon l’Organisation mondiale de la santé), de maladies rénales et hépatiques chroniques, et d’insuffisance cardiaque.

Si l’eau est déclarée potable, les niveaux de sodium (440 mg/l) et de chlorures (720 mg/l) ont été élevés en mai bien au-dessus du plafond jusqu’alors admis,respectivement de 200 mg/l et 250 mg/l.

Sont également plus élevés les niveaux de trihalométhanes, ces composés chimiques qui se forment lorsque l’eau désinfectée au chlore réagit avec les matières organiques naturelles (végétation, feuilles mortes, etc.) présentes dans l’eau, et qui peuvent être nocifs s’ils sont consommés sur une longue période.

[À lire aussi L’eau salée des robinets de Montevideo, conséquence de la sécheresse en Uruguay]

« Lorsque vous vous brossez les dents, c’est horrible, vous sentez le goût de l’eau salée, c’est dégoûtant ! », peste Isabel Moreira, habitante de Montevideo de 73 ans qui cuisine à l’eau minérale et donne de l’eau en bouteille à ses animaux de compagnie.

Autre conséquence de la teneur en chlorure de sodium dans les canalisations: son chauffe-eau électrique est tombé en panne comme chez de nombreux autres habitants.

Mme Moreira pointe également le coup porté à son portefeuille avec une consommation de 40 litres par semaine, soit 600 pesos, environ 14 euros. Un prix bas obtenu avec l’aide du gouvernement par l’abandon de la TVA.

Pour les ménages les plus modestes, soit plus de 500.000 personnes, l’Etat uruguayen délivre quotidiennement et gratuitement deux litres d’eau minérale par personne.

Les hôpitaux et organismes publics sont eux alimentés grâce au puits profond récemment foré à côté du stade centenario, où a été disputée la première Coupe du monde de football en 1930, qui permet l’extraction de 30.000 litres par heure distribués par camions-citernes.

L’eau de quelque 250 puits recensés dans des maisons individuelles a cependant été déclarée non-potable.

Dans Montevideo, il est commun de croiser de nombreuses personnes les bras chargés de pack de bouteilles d’eau. Dans certaines supérettes qui n’ont pas été réapprovisionnées, seule de l’eau gazeuse est disponible à la vente.

Contre la vitrine d’un bar, une affichette assure aux clients que tous les plats servis sont « préparés avec de l’eau en bouteille ».

Mercredi une pluie légère, mais salvatrice, arrosait Montevideo, donnant un temps d’avance aux travaux de dérivation en cours.

© AFP

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