En France, les pontes de tortues marines se multiplient et interrogent les scientifiques

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Une petite tortue Caouanne se dirige vers la mer, à Saint-Aygulf (Var), le 3 octobre 2016 © AFP/Archives Yann COATSALIOU

Nice (AFP) – « Du jamais-vu en France ! »: en trois semaines, des Alpes-Maritimes à l’Hérault, six tortues marines de l’espèce protégée Caouanne ont choisi les plages françaises pour faire leur nid, une multiplication des pontes qui pourrait être due au réchauffement des eaux de la Méditerranée.

« On se pose beaucoup de questions », reconnaît auprès de l’AFP Céline Ferlat, chargée de mission au Centre d’étude et de sauvegarde des tortues marines de Méditerranée, basé au Grau-du-Roi (Gard).

La dernière découverte date du week-end dernier: une tortue Caouanne est venue pondre sur la plage de Fréjus (Var). Très rapidement, les spécialistes de l’Office français de la biodiversité et du Réseau tortues marines de Méditerranée française (RTMMF) se sont mobilisés pour protéger le nid.

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Quelques jours plus tôt, le 18 juillet, un promeneur avait remarqué sur le lido de Thau, à Sète (Hérault), des traces de passage d’une tortue, relate Mme Ferlat, qui s’est rendue sur place et a confirmé la présence d’oeufs de cette espèce vulnérable.

Des barrières de protection ont été installées et un arrêté municipal interdit de pénétrer dans un périmètre d’environ 10 m2 pendant la période d’incubation, d’une durée moyenne de 55 jours, qui s’achèvera si tout se passe bien par la périlleuse course à la mer des bébés tortues.

« Bientôt, des instruments de suivi de température seront mis en place afin de collecter des données scientifiques nécessaires pour une meilleure compréhension du phénomène », a indiqué la préfecture de l’Hérault.

 Trous dans le sable

En Méditerranée, la Grèce, la Turquie, la Libye ou Chypre sont les zones de reproduction traditionnelles des tortues Caouanne, des animaux migrateurs de 90 cm et 150 kg à l’âge adulte qui ne sortent de l’eau que pour pondre leurs oeufs sur une plage de sable, dans un trou qu’elles creusent puis recouvrent avec leurs nageoires.

« Depuis une dizaine d’années, on constate une augmentation des pontes en Italie et en Espagne. En France, où on avait une ponte tous les ans ou tous les deux ans, l’augmentation est vraiment marquée cette année », souligne Mme Ferlat: outre celles de Fréjus et Sète, des pontes ont été relevées depuis début juillet à Marseillan (Hérault), Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes), Porquerolles et Saint-Cyr-sur-Mer (Var).

« C’est encourageant en termes d’évolution favorable des populations, reste à voir comment les tortillons vont grandir et évoluer », ajoute-t-elle.

« Cette tendance interroge les scientifiques », confirme la préfecture de l’Hérault: « Les nids déposés en Méditerranée occidentale sont-ils viables, la température du sable est-elle suffisante ? Certaines tortues marines seraient-elles en train de coloniser de nouveaux habitats de ponte ? ».

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« Deux hypothèses » pourraient expliquer la présence accrue de la tortue, selon Sidonie Catteau, coordinatrice du RTMMF et cheffe de projet « Tortue marine » à l’Association Marineland: d’abord « le réchauffement climatique, qui entraîne un réchauffement des eaux de surface et donc un changement des courants », et ensuite « l’évolution naturelle des sites de ponte, avec des sites qui disparaissent et d’autres qui apparaissent ».

 Béluga et pingouin torda

Au-delà des tortues, les scientifiques relèvent la présence « sporadique » d’autres espèces peu communes sous nos latitudes, comme le béluga dans la Seine en 2022 ou des pingouins torda, observés l’hiver dernier sur la Côte d’Azur et en Corse.

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Le pingouin torda vit « plutôt en Europe du Nord et hiverne dans le sud du bassin méditerranéen », explique Isabelle Brasseur, responsable recherche et conservation du Marineland d’Antibes, qui a participé au sauvetage du béluga.

La présence « encore sporadique » des pingouins torda « peut s’expliquer par des tempêtes dans le nord de l’Europe qui ont sans doute poussé la population à quitter plus tôt sa zone habituelle », ajoute Mme Brasseur, qui évoque « plus un épiphénomène ».

Avant qu’un phénomène devienne « significatif », il faut « une répétition d’événements sur plusieurs années consécutives et, à l’heure actuelle, pour les différentes espèces, il n’y a pas eu assez de répétition d’événements pour qu’on puisse évoquer un changement de distribution de la population », tempère encore la chercheuse.

Reste qu’au moment où la température de la Méditerranée atteint des niveaux record, « on peut imaginer que les animaux les plus touchés par un changement de la température de l’eau sont les espèces ectothermes, comme les tortues, dont la température est égale à celle de leur environnement ».

Voilà pourquoi, quand la tortue arrive devant Fréjus, « elle peut se dire, à tort: +Je suis en Grèce+ », son lieu habituel de ponte.

© AFP

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