Tigy (France) (AFP) – Planter des arbres, recruter des bras et mieux gérer les parcelles: pour adapter la forêt française au changement climatique, « 8 à 10 milliards d’euros » seront nécessaires sur dix ans, a annoncé le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, mercredi à Tigy (Loiret).
Ce « vaste programme d’intervention sur plus d’un million d’hectares » pour le renouvellement d’une forêt désormais vulnérable sera à partager entre les propriétaires privés, qui détiennent 75% de la forêt, et l’Etat, selon le rapport « Objectif forêt » publié à l’occasion de ce déplacement par le gouvernement.
L’Etat « prendra en charge une partie » de cet investissement, a affirmé Marc Fesneau, qui voudrait voir « amplifier » l’enveloppe de 150 millions d’euros dédiée au reboisement en 2023. Un « fonds pérenne » dédié « prendra le relai dès 2024 », a précisé le gouvernement dans un communiqué.
« On va aussi apporter des moyens importants sur graines et plants, pour faire en sorte que se structurent des filières de pépiniéristes publics et privés », a également déclaré Marc Fesneau, accompagné de la nouvelle secrétaire d’Etat à la Biodiversité Sarah El Haïry, après la visite d’une parcelle où le propriétaire expérimente la plantation de chênes pubescents et de cèdres.
Ces essences, plus résistantes à la sécheresse que le traditionnel chêne sessile de la forêt d’Orléans, font partie, avec le tilleul, l’érable ou le sycomore, de celles favorisées dans les projets de nouveaux vergers soutenus par l’Etat, détaille le rapport « Objectif forêt ».
Ce rapport, élaboré par le conseil spécialisé en gestion durable des forêts, après des consultations avec les acteurs de terrain, de l’Office national des forêts (ONF) aux entreprises du bois et aux communes, dresse un état des lieux et propose des actions pour franchir le cap de l’adaptation au changement climatique.
Socle du futur « plan national de renouvellement », il répond à l’ambition du président Emmanuel Macron de renouveler 10% de la forêt, en plantant un milliard d’arbres en dix ans.
« Massifier la gestion »
Le constat est alarmant: dans les dix prochaines années, sous l’effet du climat, environ 15% de la forêt métropolitaine nécessitera « une action volontaire » plus ou moins forte (renouvellement d’arbres vulnérables ou incendiés, boisement de terres agricoles délaissées…), soit 2,6 millions d’hectares, en plus des 500.000 hectares concernés par le renouvellement habituel dans le cadre des plans de gestion existants.
Depuis 2018, la France a connu des épisodes de chaleur et de sécheresse très intenses qui ont conduit à un affaiblissement des arbres. Plus de 300.000 hectares dépérissent déjà, soit environ 30 fois la superficie de Paris, et c’est 30% des essences qui risquent de dépérir à horizon 2050, selon le ministère de la Transition écologique.
Les arbres absorbent le carbone de l’air par la photosynthèse et le stockent dans leurs troncs, branches et racines. Mais en dépérissant, ils en stockent de moins en moins (deux fois moins qu’en 2010), menaçant la France de ne pas respecter ses engagements climatiques.
Outre la question de la disponibilité des semences, « le plus gros facteur limitant » car les nouveaux vergers mettront dix à quinze ans à produire, le vaste chantier des « repeuplements » a besoin de bras, avec « +50% des effectifs actuels pour procéder aux plantations dans le respect des exigences de diversification et de protection contre le gibier », selon le rapport.
« Ce qu’il faut c’est vraiment remotiver les propriétaires forestiers », a plaidé Roland de Lary, directeur général du Centre national de la propriété forestière (CNPF), qui représente la forêt privée, présent à Tigy.
Il milite pour des regroupements au sein des 3,4 millions de propriétaires privés, pour « massifier la gestion » que les plus petits ne parviennent pas à assurer seuls, souvent au détriment de l’entretien de parcelles qui deviennent plus vulnérables aux incendies.
« Il faut provoquer le propriétaire, lui dire: tu sais, ta forêt elle vaut quelque chose. Elle vaut quelque chose en terme environnemental, elle vaut quelque chose en terme économique. Elle vaut quelque chose pour tes successeurs, pour tes enfants », explique Roland de Lary, soulignant que beaucoup de propriétaires « ont envie de jouer le jeu ».
© AFP
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