Des scientifiques ont modélisé l’impact du réchauffement climatique sur les principaux aquifères du monde à l’horizon 2100. Leur recherche a été publiée dans la revue Earth’s Future en 2023 et contient une carte montrant l’évolution du niveau d’eau des nappes phréatiques contenues dans les 218 principaux bassins aquifères non-confinés du monde.
« Dans notre étude, on regarde juste l’effet du changement climatique sur le niveau des nappes d’eau libre contenues dans les principaux aquifères du monde grâce à des projections climatiques réalisées à l’aide de nos modèles de climat. Si on s’intéresse à l’évolution de ces nappes en moyenne sur toute la planète, on parle alors de moyenne globale, on voit que le niveau d’eau pourrait augmenter dans les aquifères à la fin du XXIe siècle. Pourtant, ce résultat est trompeur car la répartition de cette évolution n’est pas homogène sur toute la Terre. On a aussi des zones qui pourrait connaître de fortes diminutions du volume d’eau dans leurs aquifères. Or, ce sont des régions très peuplées où les besoins en eau sont relativement importants », résume Maya Costantini, doctorante au Centre national de recherches météorologiques (CNRM) qui a élaboré cette étude dans le cadre de sa thèse.
Le niveau des eaux de surface devrait augmenter globalement en 2100, toutefois la répartition de l’évolution à la hausse ou à la baisse de cette ressource en eau reste très variable selon les régions du monde. Bertrand Decharme, directeur de recherche CNRS au Centre national de recherches météorologiques (CNRM) donne un éclairage sur le parti pris de ne pas résumer cette recherche à un seul chiffre : « il existe de telles différences régionales qu’il ne faut surtout pas parler en termes de moyennes globales. C’est d’ailleurs l’erreur, ensuite relayée par les médias, que nous, les scientifiques, avons fait sur le climat en parlant trop souvent des températures moyennes au niveau mondial. Le changement climatique est certes global, mais en termes d’impact et de ressources en eau toutes les régions n’auront pas les mêmes perspectives. Certaines vont souffrir plus que d’autres, c’est ce que la plupart des études montrent, dont la nôtre. »
Les modifications régionales du climat, notamment du niveau des précipitations, changeront la répartition des eaux souterraines. Certaines régions du globe verront le niveau de leurs nappes diminuer tandis que les aquifères seront plus remplis dans d’autres régions. Ainsi, d’après le scénario futur considéré, plus du tiers (29 % à 40 %) de la population mondiale pourrait faire face à des diminutions de leurs ressources en eau. La carte montre que la situation risque de s’aggraver pour des régions déjà sèches comme le pourtour méditerranéen, le Mexique et la côte ouest et le sud des États-Unis ainsi que la partie sud du continent africain.
Interrogé sur la situation de la France, Bertrand Decharme explique : « on sait que le pourtour méditerranéen va continuer à s’assécher dans le futur et le nord de l’Europe va s’humidifier. Or, étant entre ces deux zones, la situation de la France n’est pas totalement claire. Elle se situe dans ce qu’on appelle une zone de transition. Il est très probable que le sud de la France va continuer à s’assécher dans le futur. En revanche, la situation future n’est pas claire pour le nord du pays puisque certains modèles voient une humidification des régions au nord de la Seine, mais d’autres voient au contraire un asséchement. »
Cette carte constitue l’une des premières modélisations de ce type, elle a été réalisée à partir des scénarios d’évolution du climat mis en place récemment pour le 6e rapport du GIEC. Les chercheurs ont mis en avant un scénario dans lequel les températures mondiales augmentent d’une fourchette comprise entre 2.8°C et 4.6°C, mais ils ont aussi étudié 3 scénarios alternatifs (2 plus optimistes et un plus pessimiste). Maya Costantini précise que des cartes ont aussi été réalisées pour ces différents scénarios du GIEC : « la répartition des zones où le niveau des nappes dans les aquifères augmente ou diminue reste à peu près la même selon les scénarios. Ce qui change, c’est plutôt l’intensité de ces changements. »
Les auteurs de l’étude affirment cependant que leurs travaux sont pour le moment préliminaires puisqu’ils n’intègrent pas dans leurs modèles climatiques certains facteurs clefs de l’évolution du niveau des aquifères comme les prélèvements d’eau pour les activités humaines. Ce sera d’ailleurs l’objet de leurs prochains travaux. Selon Bertrand Decharme, « l’irrigation représentent aujourd’hui 70 % des prélèvements en eau pour les activités humaines dans le monde. Or, dans de nombreuses régions, l’usage de l’eau pourrait avoir un impact plus fort sur sa disponibilité que le changement climatique. C’est ce qu’il nous faut vérifier. » Maya Costantini complète : « Pour la suite de ma thèse, je vais prendre en compte ces facteurs anthropiques : l’irrigation afin de compléter nos résultats actuels. Nos modèles climatiques et donc nos résultats n’incorporent pas encore l’irrigation et les prélèvements dans les nappes phréatiques. »
Julien Leprovost
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Pour aller plus loin
Impact du changement climatique sur le niveau des nappes d’eau souterraines en 2100 sur le site du CNRS
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