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François Prud’homme, naturaliste passionné par la chauve-souris : « les chauves-souris souffrent de nombreux préjugés »

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Un e chauve-souris Photo DR Photo de HitchHike: /Pexels.

Scientifique et naturaliste de terrain, François Prud’homme nourrit une passion intarissable pour les chauves-souris. Depuis de nombreuses années, il s’investit bénévolement aux côtés du Groupe chiroptères de Midi-Pyrénées et de la Société française pour l’étude et la protection des mammifères.  En France, vivent au moins 36 espèces différentes de chiroptères. Elles sont toutes protégées. François Prud’homme leur consacre plusieurs ouvrages, dont le dernier, 40 idées fausses sur les chauves-souris, vient de sortir aux éditions Quae. Une manière pour ce féru des chauves-souris de rétablir des vérités scientifiques face à certaines idées reçues qui confèrent aux chauves-souris une mauvaise image que ces mammifères volants ne méritent pourtant pas. Une interview de notre série À la rencontre du Vivant.

Pourquoi ce livre 40 idées fausses sur les chauves-souris ?

Les chauves-souris évoquent beaucoup de choses mais souffrent de nombreux préjugés. Ce sont des animaux qui ont encore mauvaise presse. Le but du livre est donc d’essayer d’affronter chacune des idées fausses qu’on peut avoir sur ces animaux pour livrer la vérité de la biologie et ainsi expliquer comment ils vivent.

« Les chauves-souris évoquent beaucoup de choses mais souffrent de nombreux préjugés. »

Comment vous est venue votre passion pour les chauves-souris ?

J’ai, au départ, une passion pour la nature. Adolescent, je m’intéressais aux oiseaux par le prisme de la biologie. C’est ensuite vers la vingtaine que je me suis passionné pour les chauves-souris. Ce sont des animaux qui vivent dans un monde parallèle au notre : ils voient le monde avec leurs oreilles, ils vivent en souterrain, ils vivent en volant et la nuit. C’est l’inverse des repères que nous avons habituellement. C’est pourquoi l’univers des chauves-souris m’a semblé fascinant à explorer et à découvrir.

Vous parlez de fascination pour l’altérité à propos des chauves-souris. Qu’avez-vous retenu de ces différences entre nous (humains) et elles ?

Un des aspects les plus fascinants de notre différence avec les chauves-souris est de comprendre que nous ne percevons qu’une partie du monde. La nuit nous paraît très calme et silencieuse alors qu’il ne s’agit que d’une limite de notre oreille, autour de nous il y a un vrai vacarme : les chauves-souris crient en permanence aussi fort que des klaxons de voiture en émettant des ultra-sons ! De la même manière, il est très difficile pour nous d’imaginer percevoir le monde dans ses détails sans nos yeux.

« Des animaux qui vivent dans un monde parallèle au notre »

 Pourtant, les chauves-souris nous montrent qu’elles perçoivent aussi bien que nous la complexité du monde et ses moindres détails. Elles savent différencier un moustique d’un papillon, par exemple, juste en criant et en analysant l’écho de leur cri. Cela fait 30 ans que je le sais mais cela continue de me fasciner et je vois bien la difficulté que nous, humains, avons à le concevoir. C’est une leçon qui rend humble sur notre perception du monde, notre point de vue est très restrictif !

À la lecture de l’ouvrage, on se dit qu’une fois de plus la science peine parfois à mettre à mal certaines idées reçues bien ancrées dans la culture populaire et les croyances. Pourquoi est-il important de lutter contre les préjugés et les croyances concernant ces mammifères ?

Les idées reçues s’avèrent souvent très négatives, ce qui peut rendre les chauves-souris effrayantes pour certaines personnes. Or, il faut rassurer les gens sur les chauves-souris en leur faisant comprendre ce qu’elles sont vraiment. Ces mammifères volants sont en effet capables de prouesses biologiques étonnantes et remarquables.

« Rassurer les gens sur les chauves-souris en leur faisant comprendre ce qu’elles sont vraiment. »

De plus, mal connaître les chiroptères les met en danger. Soit on les ignore, soit on ne les prend pas en compte dans la vie de tous les jours et dans les aménagements. Pire encore, des idées reçues erronées peuvent conduire à vouloir se débarrasser des chauves-souris comme on le ferait pour un animal particulièrement nuisible, ce que n’est pas du tout la chauve-souris.

À quelle idée reçue sur les chauves-souris voudriez-vous en priorité tordre le cou ?

La croyance dans le fait que les chauves-souris vont s’accrocher dans les cheveux résume la peur qu’on en a. Elle témoigne du décalage entre la réalité et la croyance. Jamais une chauve-souris ne s’accroche aux cheveux, ce n’est pas dans son comportement et nos cheveux sont de toute façon trop fins pour.

Cette idée reçue peut s’expliquer par la crainte irrationnelle que les chauves-souris suscitent, par le fait qu’on contrôle mal leur vol et le caractère souvent inattendu des rencontres qu’on a avec l’animal. Mais, si on prend le temps de le comprendre, on réalise qu’il n’a aucune raison de venir s’accrocher dans les cheveux.

J’ai d’ailleurs été étonné de découvrir que les espèces de chauve-souris représentent près de 30 % ders espèces de mammifères dans le monde et en France, pourriez-vous revenir un peu sur ce fait surprenant qui rappelle qu’elles sont plus proches de nous qu’on ne le croit…

On compte 36 espèces de chauves-souris en France. Cette diversité d’espèces montre surtout qu’elles ont investi plein de compartiments écologiques. On ne s’en rend pas compte car elles vivent cachées la nuit. Surtout, on ne les entend pas et on ne les voit pas. Elles sont cependant présentes partout qu’on soit en ville ou à la campagne. Il y a ainsi des chauves-souris spécialisées dans un type de milieu ou dans la prédation.

Contrairement à ce que leur nom laisse croire, les chauves-souris sont très éloignées des rongeurs et sont plus proches en termes de biologie des insectivores ou des carnivores.

L’intégralité des espèces de chauves-souris en France sont protégées depuis des décennies. Cela ne veut pourtant pas dire qu’il n’y a pas de nouvelles menaces. Quelles sont-elles ?

Les chauves-souris sont menacées de longue date par l’effondrement des populations d’insectes en raison de l’usage massif des insecticides. La disparition des insectes, qui sont une ressource alimentaire, affectes l’ensemble des espèces insectivores. 

« Les chauves-souris sont menacées de longue date par l’effondrement des populations d’insectes. »

Les chauves-souris souffrent aussi des modifications du paysage avec la disparition des haies. L’ouverture du paysage s’accompagne de la disparition d’autres éléments du paysage leur permettant de se repérer. Ce qui les empêche de se repérer grâce à l’écholocalisation, c’est comme si elles étaient dans un désert sans boussole. 

« Certaines espèces semblent ben se porter tandis que d’autres s’effondrent. »

Le développement des éoliennes constitue aussi une nouvelle menace. C’est dommage car on aurait pu penser que leur essor était un bienfait général pour l’environnement, mais elles peuvent causer de gros dégâts dans certaines espèces. La noctule commune a ainsi vu ses effectifs diminuer de 80 % en moins d’une dizaine d’années.

Que pensez-vous de l’état des espèces de chauves-souris en France ?

La situation s’avère contrastée. Certaines espèces semblent ben se porter tandis que d’autres s’effondrent. Les effectifs de la noctule, qui est une espèce forestière, chutent rapidement. Le minioptère de Schreibers, qui vit dans les grottes, avait connu des baisses d’effectifs terribles dans les années 2000. La pipistrelle commune et le murin rayé échancré semblent bien aller.

[À lire aussi Il faut sauver nos insectes]

Les données sur l’effondrement des populations d’insectes sont d’autant plus inquiétantes qu’elles sont vertigineuses. Ce phénomène se répercute sur les chauves-souris qui sont des insectivores. Mais celle-ci vivent longtemps, ce qui peut expliquer qu’il y ait une inertie avant que les réductions de population ne soient visibles. La chute de la biomasse des insectes n’incite pas à l’optimisme.

Comme insectivores, est-ce que les chauves-souris peuvent jouer un rôle d’auxiliaire agricole dans la lutte contre les ravageurs de culture ?

Elles peuvent tout à fait jouer ce rôle tant dans l’agriculture que dans la sylviculture puisqu’elles consomment des insectes ravageurs non seulement des cultures mais aussi des forêts. Ce rôle est notamment reconnu dans la riziculture. En installant des gites à chauves-souris, on lutte efficacement contre un petit papillon ravageur de culture, la pyrale du riz.  En laissant les chauves-souris réguler la pyrale du riz, il est possible de diminuer drastiquement le recours aux pesticides.

[À lire aussi un extrait du livre 40 idées fausses sur les chauves-souris Des auxiliaires efficaces pour nos cultures]

« En installant des gites à chauves-souris, on lutte efficacement contre un petit papillon ravageur de culture, la pyrale du riz. »

Avez-vous un conseil pour celles et ceux qui voudraient les observer ou en savoir plus sur elles ?

Mon conseil est de se rapprocher du milieu associatif, comme la Société française pour l’étude et la protection des mammifères. Partout en France, on trouve des passionnés de chauves-souris qui nous permettent de découvrir et observer ces animaux sans les mettre en danger. Il y a quand même pas mal de précautions à prendre avant d’entrer dans une grotte ou s’approcher d’un gîte à chauves-souris. C’est le bon moment pour tenter l’expérience parce que fin août et septembre se déroulent la nuit de la chauve-souris qui propose de nombreuses manifestations sur tout le territoire avec, par exemple, des conférences découvertes à l’aide de détecteurs d’ultrason autour des villages.

Avez-vous un dernier mot ?

J’espère que le livre 40 idées fausses sur les chauves-souris permettra de lever certaines idées reçues et de découvrir que les chauves-souris sont des animaux passionnants et fascinants.

Propos recueillis par Julien Leprovost

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Pour aller plus loin

40 idées fausses sur les chauves-souris, par François Prud’homme, édition Quae

La Société française pour l’étude et la protection des mammifères

La nuit de la chauve-souris

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