Montréal (AFP) – Après des journées dantesques dans des conditions éprouvantes parfois face à des murs de flammes, les milliers de pompiers mobilisés pendant tout l’été au Canada sortent « épuisés » et « inquiets » pour l’avenir.
Quatre d’entre eux ont raconté à l’AFP comment ils ont vécu cette saison historique qui tire à sa fin mais restera dans les annales.
« Un été complètement fou », Isabelle Boucher
Pour son baptême du feu, Isabelle Boucher a été servie: la jeune pompière, 26 ans, a passé la saison entière sur le terrain, faisant « de longues journées de 12 heures ».
« Je n’ai rien vu, je n’ai rien fait, j’ai juste travaillé », raconte-t-elle, cheveux bruns et casquette noire sur la tête, à propos de cet été « fou ».
Du haut de son 1,55 mètre, cette nouvelle recrue a été déployée sur différents feux au Québec. « Tu sais quand tu pars mais tu ne sais pas quand tu reviens », résume la jeune femme qui confie être épuisée mentalement.
Et elle n’est pas la seule: l’été a lourdement pesé sur le moral des troupes, selon elle. « Pour le futur, c’est effrayant », affirme celle qui rêve maintenant de repartir sur les routes avec son van aménagé.
« La nature est devenue une poudrière », AJ Lawrance
Il est jeune et n’en était pas à sa première saison des feux, pourtant Alfred James Lawrance se sent « à bout de force » et confesse avoir « besoin de temps après cette saison sans répit ».
Ce pompier de 21 ans a officié dans les Territoires du Nord-Ouest, région du Grand Nord canadien durement touchée par les feux et où un tiers des habitants ont été forcés d’évacuer pendant plusieurs semaines.
« Le manque de pluie, cet été, a rendu les choses extrêmement difficiles et a transformé toute la végétation en une énorme poudrière », raconte-t-il.
Cet étudiant, grand sportif et passionné de forêt, s’est parfois senti impuissant: « c’est dur de voir partir les maisons d’amis et de ne rien pouvoir faire car le feu est trop extrême ».
Il s’inquiète aujourd’hui pour l’avenir et pour son pays. « Comme les étés sont plus chauds et qu’il pleut de moins en moins, les incendies se rapprochent des communautés et des villes, c’est une menace énorme ».
« L’exceptionnel qui devient la norme », Kara Galbraith
Un collectif, un objectif commun et des joueurs en pleine forme: la pompière Kara Galbraith compare son métier à celui d’un « sport d’équipe ».
L’ancienne joueuse de rugby de Colombie-Britannique, province la plus à l’ouest du pays, travaille depuis bientôt dix ans pour le service provincial des incendies de forêt.
Celle qui avait débuté comme pompière au départ pour payer ses études a finalement trouvé sa vocation en combattant les flammes.
« Mon expérience universitaire m’aide à cartographier les incendies », explique cette diplômée en géographie qui s’inquiète de voir que les saisons exceptionnelles sont en train de devenir la « norme ».
Cette femme de 29 ans est frappée aussi par la longueur de la saison des feux qui s’étire toujours plus, débutant « dès que la neige fond » et se poursuivant souvent jusqu’en octobre. De longs mois qui finissent par décourager certains pompiers.
« J’espère ne jamais revivre ça », Luc Boutin
Cela fait 32 ans que Luc Boutin est pompier volontaire à Lebel-sur-Quévillon, au Québec, mais jamais il n’avait connu un tel été. « On a vraiment eu peur! »
Dans cette petite localité nichée au cœur de la forêt boréale, « le feu s’est approché très près de l’usine (de pâte à papier, NDLR), un véritable mur de flammes », raconte l’homme de 60 ans à la large carrure.
« J’espère ne jamais revivre ça », ajoute-t-il, racontant « les matins où l’on ne voyait pas à quelques mètres tellement la boucane (fumée en québécois) était épaisse ».
Et même s’il confie craindre « que cela revienne l’été prochain », il veut aussi retenir l’incroyable solidarité qui s’est développée dans la caserne où il a vécu presque trois semaines avec les 16 autres pompiers.
« Et la reconnaissance des gens nous fait chaud au cœur », glisse-t-il, même s’il a aujourd’hui « du mal à retrouver une vie normale ».
© AFP
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